La commission de la culture du Sénat a refusé d’instaurer un véritable dépôt légal des livres numériques, suivant ainsi les députés et l’avis du gouvernement. Les écologistes et communistes vont malgré tout tenter de réintroduire cette réforme (pourtant votée en première lecture par la Haute assemblée), mais les choses risquent d’être compliquées... Explications.
Contrairement aux livres au format papier, les ebooks n’ont pas à être transmis à la Bibliothèque nationale de France (BNF) au titre du dépôt légal – cette obligation faite aux éditeurs d’envoyer à l’établissement public au moins une copie des ouvrages intellectuels qu’ils publient. Les livres numériques font ainsi figure d’exception, puisque seuls quelques-uns sont collectés par les « robots moissonneurs » chargés d’archiver le web français, qui tombent forcément sur un os dès lors qu’il y a besoin de sortir sa CB par exemple...
Pour réparer cet « angle-mort » juridique, les sénateurs ont adopté en février dernier un amendement écologiste contraignant les éditeurs à transmettre systématiquement à la BNF « un fichier » de leurs ebooks. Le gouvernement, opposé à une telle réforme, a toutefois réussi à faire corriger le tir par les députés.
Craintes de difficultés « logisitiques » pour la BNF
De retour au Sénat, les écologistes sont revenus à la charge. En vain. La commission de la culture a finalement fait marche-arrière par rapport à son premier vote première lecture, en rejetant il y a deux semaines un nouvel amendement – porté notamment par Corinne Bouchoux et Marie-Christine Blandin (EELV). « La création d’une obligation de dépôt poserait un certain nombre de difficultés, notamment logistiques, pour la BNF », explique le rapporteur Les Républicains Jean-Pierre Leleux. L’institution, qui a refusé jusqu’ici de nous donner sa position sur ce dossier, semble l’avoir fait connaître aux parlementaires.
« Conscient de l’enjeu, poursuit le rapport du sénateur, l’établissement public travaille actuellement avec les éditeurs sur des modalités simplifiées, en particulier s’agissant de l’homogénéisation du format des fichiers, de transmission des ouvrages. Il ne semble dès lors pas opportun de légiférer sans connaître les résultats de cette expérimentation et juger, alors, de la faisabilité de la création d’un véritable dépôt légal pour les livres numériques. » En clair, l'appui de ces éléments internes, le parlementaire a convaincu ses collègues membres de la commission qu’il serait plus sage d’attendre.
Dernière chance
En vue des débats en séance publique de cette semaine, les sénateurs communistes et écologistes ont malgré tout redéposé des amendements visant à l’instauration d’un véritable dépôt légal des ebooks. « Il s’agit ici d’une question de préservation de notre patrimoine littéraire et d’une question de neutralité technologique, à l’heure où le dépôt légal n’est obligatoire que pour les livres en version papier (pourtant plus coûteux à la production) et seulement facultatif pour les livres exclusivement numériques », assènent les premiers. Les seconds rappellent qu’une « telle obligation serait relativement légère pour les éditeurs, dans la mesure où, contrairement aux exemplaires papier, la transmission des fichiers numériques n’implique aucun coût ». Du côté de la BNF, le coût de stockage des ebooks transmis par les éditeurs peut également paraître très limité, surtout au regard des 265 millions d’euros de budget annuel de l’institution.
@Xberne bnf ne serait pas prete! Dommage!
— Corinne Bouchoux (@CorinneBouchoux) 11 mai 2016
Vu la tournure prise par les débats en commission, il semble cependant guère probable que ces amendements soient adoptés. Et quand bien même ce serait le cas, les députés pourraient s’opposer fermement à cette réforme lors des discussions en commission mixte paritaire – qui sera réunie afin de trouver un compromis dès lors que le Sénat aura voté le projet de loi Création.
Commentaires (16)
#1
Mwé, c’est par ce que ça les arrangent quelque part (suivez mon regard vers les AD). Pourquoi ne pas voté le principe de la loi et laisser son application à un décret, promulguer une fois que les expertises on été réalisés? Ils le font sur plein d’autres sujets, mais ici non…
La loi, c’est le principe, pas l’application détaillé! Je comprend pas ce qui les arrêtes.
#2
#3
Euh, côté droit d’auteur un dépôt à la BNF ça ne change rien pour les éditeurs, hein, c’est juste envoyer une copie d’un fichier…
Par contre côté formats à gérer c’est le bordel côté BNF. Ou alors il leur faut imposer que tout le monde envoie dans un format unique…
#4
Ce serait tellement dommage que quelque chose avance dans l’intérêt général.
#5
On s’en fou des éditeurs concrètement. Ou au moins on devrait s’en foutre!
Les députés / sénateurs nous représentent nous, pas les éditeurs. Et je vois pas en quoi le dépôt légal des ebook, qui me parait être une évidence, serait mis à la trappe par ce que l’institut qui gère ça ne serait soi disant pas près!
Surtout que personne ne les a entendus s’exprimer publiquement sur le sujet.
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#7
oui…. de l’encre sur du papier et des mots en francais ^^!
#8
https://fr.wikipedia.org/wiki/Reliure#Format_des_livres
#9
Perdu a perdu " />
#10
#11
On se demande même pourquoi il y a débat… Ils doivent déjà légalement transmettre la version papier du livre, je ne comprends pas en quoi envoyer un mail avec l’ebook pose un tel souci…
#12
Yep, mais c’est lisible par tout le monde. Donc on va plutôt parler de format ouvert à compatibilité universelle ^^
Par contre si un livre par exemple uniquement diffusé par Amazon est déposé .mobi avec DRM, on est dans la merde, donc comme tu dis il faut déjà par défaut qu’ils diffusent dans un format sans DRM.
Le PDF d’ailleurs ne me semble pas un choix très pertinent, compte tenu de sa mise en page fixe.
Les formats propriétaires type .doc posent problème également, puisqu’ils obligent à acheter des licences pour les lire proprement (OpenOffice qui ouvre un .docx, ce n’est pas toujours proper ^^).
L’epub sans DRM me paraît plus indiqué.
Et encore, avec les livres papiers ils sont toujours lisibles 2 siècles après. Avec les livres électronique, on a intérêt à bien garder les specifications au chaud, même pour les formats ouverts.
#13
Je ne sais pas trop pourquoi tu réponds à mon jeu de mots foireux, mais tu as souligné le fond du problème.
Le livre papier, on sait le lire plusieurs centaines d’années plus tard, s’il est conservé correctement.
Un format électronique, le lire dans 100 ans, c’est déjà un problème en soi.
D’abord, effectivement, il ne faut pas de DRM, mais ensuite, il faut maintenir un outil de lecture pour chaque format accepté (et je n’ai aucune idée de ce qu’il pourrait être dans 100 ans) ou bien les convertir sans les dénaturer à chaque fois que l’on a un saut technologique significatif.
Tu parles du PDF et de ses limites, mais juste pour les besoins d’archivage de docs “simples”, on a le PDF/A (A comme archive) qui est un format PDF réduit conçu pour mieux durer dans le temps.
Quand je vois qu’on en est déjà à la 3 ème version du PDF/A en 7 ans, je me dis que le problème n’est pas évident.
Donc, les rigolos qui pensent que la BNF devraient aller plus vite, qu’il est scandaleux que cela n’avance pas ou qu’il suffit d’envoyer par mail un fichier n’ont pas assez réfléchi au problème, parce que l’on n’aborde que l’aspect “format de fichier” et qu’il y a aussi toute une politique d’archivage pérenne et de consultation à mettre en place J’espère juste qu’ils ne bossent pas dans l’IT. " />
#14
Mea Culpa, c’est à Alex.d que j’aurais du répondre.
Mais oui complètement d’accord avec ton analyse.
#15
les problèmes de logistique sont d’une hypocrisie sans nom. Combien de lois ont été votées contre l’avis des techniciens qui disent “elle sera impossible à mettre en oeuvre”. Et le politique répond alors : “c’est le politique qui dirige, la technique doit obéir et suivre”. Et là, hop, comme on n’en veut pas (pour je ne sais quelle raison), on invoque la difficulté technique. J’hésite entre rire et pleurer en fait…
#16
moi ce que je trouve super amusant, c’est que la bnf à lancé un vaste programme de numérisation depuis 1990 =>http://www.bnf.fr/fr/professionnels/innov_num_numerisation.html
donc perso, je ne vois pas le problème technique qu’il pourrait y avoir à passer du format numérique de l’éditeur (pdf, doc, epub, avec drm ou sans) vers un format validé par la bnf.
perso, si je voulais faire ça chez moi à la mano sans coder quoi que ce soit, soit je fais des printscreen de chaque page, soit je l’imprime, et je le scanne ensuite. donc le problème technique est un faux problème. Suffit de mettre des euros dedans.
=> c’est peut-être là que le bas blesse ;)