Les débats autour de l’épineux sujet de la redevance copie privée étendue à une partie du cloud se poursuivent au Sénat. Dans le cadre du projet de loi Création, le gouvernement a déposé un amendement, qui tente de faire la synthèse entre les voeux des différentes parties en présence.
Au Sénat, après David Assouline puis le rapporteur du texte Jean-Pierre Leleux, au tour du gouvernement de préparer l’extension de la redevance copie privée aux magnétoscopes en ligne (nPVR, Network Personnal Video Recorder). L’analyse de l’amendement « Molotov », du nom de la plateforme de nPVR cofondée par Pierre Lescure, est révélatrice du champ de bataille que représente une telle réforme, entre d’un côté des sociétés de gestion collective qui y sont favorables, et de l’autre des chaines et des distributeurs qui y sont opposés.
Deux camps et un nerf de la guerre
Pourquoi un tel face-à-face ? La raison tient au nerf de la guerre. De leur côté, les sociétés de gestion collective y trouvent un vif intérêt, et pas seulement parce qu’elles seront nourries par les flux payés par les nPVR. Avec l’abandon des copies « à la papa », elles savent que les usages vont de plus en plus être déportés en ligne. C’est donc là que se trouve l’avenir de cette perception, aujourd’hui assise sur les seuls supports. L’assujettissement des espaces de stockage sera d'ailleurs une première brèche avant application plus large, pourquoi pas aux cyberlockers comme l’a suggéré d’ailleurs un rapport du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.
Côté distributeurs et chaines, la musique est toute autre. L’arrivée de la redevance copie privée dans le cloud et spécialement sur les NPVR est considérée comme une menace frontale pour leurs différentes fenêtres d’exploitation (replay, vidéo à la demande avec ou sans abonnement, etc.)
Le Syndicat des entreprises distributrices de programmes audiovisuels (SEDPA) n’a pas dit autre chose dans son communiqué, rapporté dans le rapport du sénateur Leleux. Pour cette organisation, le texte actuel « remet en cause la valorisation de ces droits par la filière audiovisuelle en fragilisant encore un peu plus la création ». L’extension au nPVR est dans leur esprit une nouvelle offre concurrente, risquant de dévaloriser les services actuels, et au surplus, sans que ces acteurs ne perçoivent un centime sur la compensation pour copie privée.
Le syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN) a épinglé quant à lui le défaut de notification auprès de la Commission. Et pour cause. L’amendement a certes été ébauché au ministère de la Culture, mais le gouvernement n’a pas voulu l’introduire dans son projet de loi initial. Ceci l’aurait en effet contraint d’une part à jauger ses effets sur le marché, via l’étude d’impact obligatoire, et d’autre part, à notifier préalablement le texte à Bruxelles. On se souvient que finalement, c’est le sénateur socialiste David Assouline (PS) qui s’est sacrifié. Son amendement en première lecture a pu évincer juridiquement ces deux rochers.
Des risques de contrariété
Les potentiels motifs de contrariété avec les textes européens ne sont pourtant pas négligeables si on s’en tient au seul texte de la directive de 2001 sur le droit d’auteur. L’article 5 2 b) autorise certes les États membres à instituer cette exception de copie privée en contrepartie d’une compensation. Seulement, l’article ne parle que des « reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales », non de copies demandées par une personne physique, effectuées par un tiers commerçant, nuance. Heureusement pour la France, la CJUE semble favorable à une lecture plus ouverte de cette disposition...
De même, qu’en-est-il du fameux test en trois étapes prévu par la Convention de Berne, signée par la France ? L’article 9 - 2 autorise les exceptions au monopole du droit d’auteur, mais à trois conditions : ces reproductions doivent viser « certains cas spéciaux », ne pas porter « atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre » ni ne causer « un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur ».
Or, la remise en cause de la catch up, de la VOD, du replay, bref de tous les modes de « consommation » des œuvres autorisés par les titulaires de droit n’est-elle pas le signe d’une atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ? À entendre les représentants du secteur, c’est certain. Quant à la question du préjudice injustifiée, cette extension ne va-t-elle pas accentuer le risque d’une hausse des mises en partage dans le nuage ? Un fichier stocké dans le nuage sur un compte déterminé pourra être consulté sur les appareils de l’abonné, mais également ceux de tous les tiers qui en auront connaissance. Heureusement, pour diminuer le risque épidémologique, les plateformes de nPVR pourront toujours interdire la lecture simultanée...
Le gouvernement met le CSA dans la boucle
Faute de notification ou d’étude d’impact, et en raison d’une certaine précipitation, il n’est guère étonnant que les nombreux amendements sur le sujet partent dans tous les sens dans le projet de loi Création débattu cette semaine au Sénat. Dans une dernière version, tout juste déposée par le gouvernement, ce dernier adapte son fusil à l'épaule.
Pour résumer, il ouvre lui aussi la brèche attendue par Molotov.tv, mais en conditionnant la définition des seules modalités du service de stockage à une convention conclue entre la chaîne de télévision ou de radio et la plateforme. Dans tous les cas, le principe même de la copie privée sera acquis.
« Diverses garanties sont posées afin de garantir que le développement des services de NPVR ne mettra pas en cause l’existence de l’offre télévisuelle traditionnelle ainsi que des services de télévision de rattrapage et de vidéo à la demande » expose le ministère de la Culture qui répond ici à la grogne des éditeurs de télévision. Cette convention permettra « notamment aux partenaires de fixer les capacités de stockages des services de NPVR et de garantir la sécurisation des programmes copiés par les consommateurs au moyen de ces services et de prévenir d’éventuels risques de contrefaçon ».
Cependant, il reste quelques points noirs : on mélange ici exception pour copie privée (les nPVR) et le droit exclusif (ces accords préalables). De même, n’est-ce pas étrange de court-circuiter les travaux de la Commission copie privée où siègent notamment ayants droit, industriels et surtout des consommateurs ? Identiquement, avec ces accords, ne risque-t-on pas de déboucher sur un système assez chimique où les possibilités d’enregistrement diffèreront selon la sensibilité des chaînes ? Sur la grille proposée par Molotov, les capacités de copies seront de tant d’heures à partir des flux M6, mais d’un autre volume chez France Télévisions. Pas très lisible pour le consommateur... à moins que la main invisible du marché ne joue son bel office.
Le CSA entre dans la danse
Fait « amusant », alors qu’il ne voulait pas que la Hadopi s’incruste sur le sujet de la redevance copie privée, le ministère de la Culture a cette fois décidé de mettre le CSA dans la boucle. Celui-là même dont Pierre Lescure suggérait un accroissement des compétences sur le net en 2013 aurait pour mission de trancher les différends.
En substance, lorsqu’une dispute frappera la conclusion ou l’exécution de l’accord entre un nPVR et une chaîne de télévision, l’un ou l’autre pourra saisir le CSA, qui arbitra alors dans les deux ou quatre mois, selon la complexité du dossier. Dans une telle hypothèse, les chaînes devront justifier solidement pourquoi elles veulent plafonner l’enregistrement à tant de gigas, quand elles se seront montrées si généreuses avec les fournisseurs d’accès et leur box gorgées d'espace…
Un préalable ou pas de préalable ?
Dernier détail. Dans son exposé des motifs, le gouvernement précise que « de tels accords (…) ne conditionnent pas la mise en œuvre de l’exception » dans les nPVR. Pour autant, l’exécutif envisage d’ajouter un alinéa à l’article L331-9 du Code de la propriété intellectuelle, afin de prévoir que « lorsqu’un distributeur d’un service de radio ou de télévision met à disposition un service de stockage mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 311 - 4, une convention conclue avec l’éditeur de ce service de radio ou de télévision définit préalablement les fonctionnalités de ce service de stockage ».
Conditionne ou conditionne pas ? Belle contrariété apparente ! Dans tous les cas, rappelons surtout que l’alinéa 1 du L331-9, article dont il est ici question, prévoit aujourd'hui que « les éditeurs et les distributeurs de services de télévision ne peuvent recourir à des mesures techniques qui auraient pour effet de priver le public du bénéfice de l'exception pour copie privée ». Faut-il en déduire que les plateformes de nPVR pourront toujours proposer des fonctionnalités nPVR sans que les chaînes ne puissent les en empêcher techniquement, faute d'accord ?
Commentaires (39)
#1
ça sent le truc tué dans l’œuf
#2
Avec ces histoires on va bientôt avoir du replay payant " />
C’est comme les augmentations chez orange qui sont justifiées par un meilleur investissement dans le déploiement de la fibre, mais qui j’en suis sûr sont juste pour payer la copie privée des 450 Go du nouveau décodeur…
#3
S’pas Free qui a fait un passe “prioritaire” (payant) pour accéder à son Replay ? " />
#4
#5
Mais qui regarde les nPVR ?
Les gens qui aiment les émissions télés. Donc par conséquent ceux qui ont une télé.
Il n’y a qu’à augmenter la redevance télé de 11€ à disons 100€ par mois (voire plus), comme ça les créateurs auront tous les moyens qu’il veulent.
Parce qu’avec la qualité des émissions télé, bientôt Piero Manzoni va mettre en boite des émissions télés.
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#7
Sinon il existe depuis des années (au moins 10 ans) un forum pour les captures TV :http://www.nabbox.tv/
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j’ai jamais vu cette option chez free pendant 3 ans d’abonnement, mais ce qui est sur c’est que la box de free ne paye pas la taxe copie privée sur la box.
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#10
Je me suis construit un PVR avec un mini-PC Linux et un carte tuner TNT (+ une clé USB pour avoir 2 tuners), j’enregistre régulièrement sur la TNT (films, émissions, docus) et à ce rythme j’enregistre plus vite que ce que je peux voir… En plus avec la généralisation du HD c’est pas mal la qualité qu’on a, pas celle d’un BluRay certes mais pas mal, ça dépend des chaînes et des bandes passantes (en fait du nombre de chaînes par multiplex et de la bande passante allouée à chacune). J’ai une télé et je paie la redevance, ça me paraît normal.
J’espère qu’on pourra toujours enregistrer les émissions de télévision de cette façon, aucune taxe ou interdiction ne peut aller contre ça (sauf à interdire les tuner TNT). J’appréhende qu’un jour tout passe par le Net (les box) et qu’on ne puisse plus disposer des enregistrements librement.
Il m’arrive aussi de télécharger du replay avec des outils dispo sous Linux (comme le “youtube downloader”). Ca fait un bout de temps que TF1 est “cassé”, et comme il y a du geo-blocage " /> , les développeurs étrangers ne peuvent pas le corriger à nouveau (comme par le passé) " /> .
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#12
On pourra toujours utiliser des cartes d’acquisition HDMI au cul de la box TV non ? Blackmagic, Matrox, Elgato… C’est pas les solutions qui manquent :)
Reste que je suis pas sûr qu’on puisse bypasser avec ces cartes l’HDCP, si il y a, sur un flux TNT
#13
la prochaine étape pourra être de dire : puisque vous pouvez enregistrer localement ce qui est enregistré lointainement et soumis à redevance alors le PC…. mais l’argument pourrait déjà être opposé aujourd’hui…
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Source ?
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Je viens de regarder, soit tu est bon client, et tu regarde les service de canalplus qui te propose, moyennant quelque euros, d’avoir une clé usb et un logiciel pour regarder canalplus sur ton PC par TNT, soit tu regarde au niveau des logiciels qui recréer chaque image sans avoir les clés (http://viossatdenis.over-blog.com/article-1990405.html )
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héhé, l’HDMI est capable de supporter un flux protégé qui empêche justement d’enregistrer celui ci. A voir si la box de C+ est capable de supporter ce genre de connerie et l’utilise (souvent présent dans les Blu-ray)
#17
autant pour moi, je croyais que Free avait esquivé la taxe, mais non :p
#18
”(http://viossatdenis.over-blog.com/article-1990405.html )”
eh! c’est un lien d’un autre monde! depuis, on est passé au numérique! J’utilisais meuhmeuh il y a 20 ans sur une parabole à la campagne. et sur les flux mp4, je doute que le matériel indiqué fonctionne….
#19
Juste pour ma culture personnelle, quelle solution utilises tu pour faire ça ?
J’utilisais il y a peu un solution avec un serveur Linux, une ou plusieurs clés usb tuner tnt et tvheadend.
#20
Certains splitter HDMI n’implémentent mal le HDCP en sortie et ils sont bien plus économiques (20-30€) que des boîtiers dédiés tel que HDfury (200€ !)
http://www.plugngeek.net/comment-outrepasser-le-hdcp-lors-d-une-capture-video-po…
#21
Je compte m’acheter une clé pour le même usage, t’as pris quelle marque ?
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pas de souci ;)
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Ce sont de vieux modèles, j’ai acheté une clé Elgato eye diversity et une clé winTV nova T d’Hauppage.
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Le site de meteo france vient de se faire hacké par AMAR^SHG!!!
mince du coup il fait comment demain? Nous voilà bien!
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Ah ok. J’ai cherché un peu de mon coté et j’ai arrêté mon choix sur une AverMedia Volar Green HD, par contre j’ai lu qu’il y avait une version incompatible de couleur bleue (vendu sous le même nom que l’autre référence qui marche), j’espère que je vais pas recevoir celle là…
Enfin même si ça marche pas, amazon rembourse pendant 30 jours donc je suis tranquille.
Merci quand même pour les renseignements " />
#27
en fragilisant encore un peu plus la création
Lol :)
Diverses garanties sont posées afin de garantir que le développement des services de NPVR ne mettra pas en cause l’existence de l’offre télévisuelle traditionnelle
Ils nous refont le coup des fabriquants de chandelle
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Ma copine demande que je lui dl le Bachelor….." />
Car le lundi c’est GOT, et que le Bachelor n’a pas de replay je crois…
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Perso Synology/KODI + HDHomerun, cela fonctionne très bien
ça permet d’avoir la TV sur tout le LAN via l’IP du HDHomerun
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Oui c’est un tuner réseau, après il diffuse la TV sur le LAN via DLNA, RTSP etc.. (On peut y accéder par VLC, Android, KODI, Synology, PS3 ou 4 etc…)
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Pour moi, les cartes ou clés USB TNT que j’ai achetées ont toujours fonctionné quasi directement (reconnues par le noyau sans rien faire), le “quasi” car il faut juste se procurer le firmware (pas dur à trouver) et le copier au bon emplacement (j’ai indiqué dans un message précédent), c’est la partie manuelle de l’installation. Sauf erreur de ma part, le firmware de certaines carte ou clés TNT est disponibles dans des paquets officiels (dont le nom comporte “firmware”, je précise à tout hasard).
Et c’est stable car je ne redémarre presque jamais mon mini-PC (là à l’instant uptime de 136 jours).
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