La justice européenne va dire si la redevance copie privée peut être budgétisée par l’État
Devinette : la France est 1) très contre ? 2) farouchement pas pour ?
Le 03 juin 2016 à 16h00
6 min
Droit
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Le tribunal de la Cour de justice de l’Union européenne dira la semaine prochaine si la redevance copie privée peut ou non être prise en charge sur le budget de l’État. Un choix qui n’a rien d’accessoire, et qui suscite l’opposition de la France notamment.
Cette question est née en Espagne. Il faut dire que le pays a fait sa petite révolution en ce secteur, à l’image de l’Estonie, de la Finlande ou encore de la Norvège. Plutôt que d’opter pour un régime comparable à celui de la France, appuyé sur une redevance par support, il a préféré budgétiser ces flux financiers. Ce n’est donc plus le consommateur directement qui paye la redevance, mais l’État sur ses deniers. Les ayants droit espagnols voient d’un très mauvais œil cette option. D’une part, l’État ne leur verse que 5 millions d’euros chaque année, loin des 15 ou 20 millions des années fastes. D’autre part, un tel mécanisme est, à leurs yeux, trop tributaire des contraintes budgétaires. Du coup, les juridictions espagnoles ont adressé leurs questions à la CJUE.
Petite remarque, les gouvernements français et grecs ont appuyé la demande des requérants espagnols : tous estiment qu’une telle affectation sur le budget général n’est pas possible.
Le redevable importe peu, ce qui compte est la compensation
Dans ses conclusions publiées en janvier dernier, l’avocat général n’a pas du tout été convaincu. La directive sur le droit d’auteur dit que le titulaire de droit doit recevoir une compensation (que la France préfère appeler « rémunération ») pour chaque copie privée réalisée par une personne physique, sans dire qui doit effectivement payer. Lorsqu’un État membre décide d’autoriser la copie privée dans sa législation, il doit donc s’assurer que le titulaire de droit perçoive, non nécessairement que le particulier paye. Il n’y a « pas de norme juridiquement contraignante » qui définit le débiteur.
Tel aurait été inversement le cas si cette directive sur le droit avait évoqué par exemple une « rémunération » payée par ce particulier. Sur ce point, l’AG en a la certitude : « la compensation [pour copie privée] n’est pas (…) une rémunération, l’utilisation de l’œuvre dans le cadre de la copie privée étant, en principe, gratuite. À mon sens, c’est à dessein que le législateur a utilisé non pas le terme de rémunération (…) mais celui de compensation. »
Les coups de cornes notamment françaises ne se sont pas arrêtés là. Paris s’est aussi appuyé sur diverses jurisprudences de la CJUE pour isoler des considérants afin de voir prospérer la thèse des ayants droit espagnols. L’exercice n’a pas été glorieux aux yeux de l’avocat général :
« Si l’on veut se fonder, afin de résoudre une question de droit, sur la jurisprudence antérieure de la Cour, il s’agit non pas de trouver dans cette jurisprudence des passages isolés pouvant soutenir telle ou telle thèse, mais d’identifier une ligne jurisprudentielle claire et cohérente, en prenant en compte également son évolution, et de déterminer ensuite si cette ligne peut servir de fondement pour résoudre les nouveaux litiges ».
Or, rappelle-t-il, si la CJUE a pu évoquer le cas de la redevance payée par des particuliers, c’est tout simplement parce qu’elle avait à trancher des questions provenant d’États membres qui avaient fait ce choix, pas plus ! Bref, pour lui, il est possible d’adosser la redevance sur le budget de l’État. Et pas question de voir là un moyen de faire payer tous les contribuables, même ceux qui n’achètent pas de support, car selon lui le lien entre ressources et affectation est trop distendu.
Quel montant ?
Reste un autre problème : quel peut-être le montant perçu par les titulaires de droit ? En Espagne, alors que les flux oscillaient entre 15 et 18 millions d’euros chaque année (contre 230 millions en France), ils sont tombés à 5 millions depuis la budgétisation.
Sur ce point, l’avocat général n’y voit pas de difficulté particulière dès lors que ces choix reposent sur une étude d’impact évaluant les pratiques de copie privée lors du vote du budget, « sur le fondement de données précises et fiables. »
Pourquoi l’opposition à un tel mécanisme ?
Pourquoi la France, notamment, plaide pour un mécanisme assis sur tout, sauf le budget de l’État ? Possiblement, l’idée est de prévenir une future réforme en ce sens, pourquoi pas dans tous les pays ayant fait le choix de la copie privée. Aujourd’hui, dans notre pays, les ayants droit ont la main sur ces montants, aussi bien lors de la détermination que lors de la perception. Avec une redevance budgétisée, tout serait fixé au plus haut, de manière visible et transparente lors des débats parlementaires. Ils perdraient ainsi un sérieux levier pour déterminer leurs perceptions.
Plus concrètement, avec une redevance budgétisée, les bénéficiaires de ces flux n’auraient plus la possibilité de butiner des sommes sur les supports acquis par les professionnels. Ils toucheraient en n+1, une somme déterminée par avance, calculées selon les pratiques de copie privée des particuliers, l’année n-1, et c’est tout. Dans le régime français, aujourd’hui, tout le monde paye et les pros (sociétés, hôpitaux, associations, autoentrepreneurs, etc.) doivent ensuite avoir l’intérêt de consacrer du temps pour récupérer quelques euros sur chaque support acquis. C’est totalement différent.
Un danger pour la France serait aussi que d’autres pays suivent les pas de l’Espagne ou ceux des pays nordiques, qui sont moins généreux que le régime défendu par le ministère de la Culture. Une telle contagion accentuerait davantage encore le contraste entre les 230 millions d’euros perçus chaque année par la SACEM, la SACD et les autres sociétés de gestion collective, face aux quelques millions indemnisés ailleurs.
La justice européenne va dire si la redevance copie privée peut être budgétisée par l’État
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Le redevable importe peu, ce qui compte est la compensation
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Quel montant ?
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Pourquoi l’opposition à un tel mécanisme ?
Commentaires (38)
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Abonnez-vousLe 03/06/2016 à 20h17
Et non le sens à prendre pas une exception de droit d’auteur ; mais une
compensation sur le fait que tu vas dupliquer ton CD/DVD toussa toussa ;
sur un autre support de stockage sans racheter l’original
Le 03/06/2016 à 20h48
Le 03/06/2016 à 21h19
Le 03/06/2016 à 21h37
Nan mais arrêter les mecs,ça part trop en sucette là " />
Le 03/06/2016 à 23h07
Le 03/06/2016 à 23h54
Le 04/06/2016 à 00h26
Le 04/06/2016 à 05h11
En fait non.
Mes photos de famille ne sont jamais sauvegardées sur ce type de support, je les clone à intervalle régulier sur des disques durs professionnels différents.
" />
Les CD-DVD-BR vendus dans le commerce ne “durent” pas plus de cinq ans, meme en conditions de conservation idéales.
" />
Le 04/06/2016 à 06h23
“un danger pour la France” ?
non, un danger pour les accapareurs !
Le 04/06/2016 à 08h05
Le 04/06/2016 à 08h20
« Un pot, un pot… mais ils ne pensent qu’à boire ces gens-là ! » ©
Le 04/06/2016 à 08h35
Le 04/06/2016 à 11h54
Donnons leur un tonneau ça ira plus vite " />
Le 04/06/2016 à 14h18
Je trouve que vous fîtes preuve de sarcasmes inconsidérés.
L’exception culturelle nécessite des mesures bienveillantes pour faire face aux pirates qui pratiquent dans le dark profond.
La France est favorable, à condition que cela ne déconsidère pas les affectations compensatoires des ayants droit et que cela n’oppose aucune ambiguïté pernicieuse qui risquerait d’être calamiteux et après coup distendrait la cul-ture du poireau. " />
De toute façon moi je grave plus que sur de la pierre et au marteau piqueur, un peu + long + bruyant, mais garanti 2000 ans par mon livreur de menhirs… " />
Le 04/06/2016 à 15h21
Le 05/06/2016 à 14h22
Le 05/06/2016 à 14h23
La copie privée est et a toujours été un moyen pour les très riches des sociétés de collecte de se faire du fric sans rien faire, sur le dos de tout le monde, particuliers comme professionels, y compris sur le dos des artistes.
La copie privée est l’art de faire payer du vent.
Le 05/06/2016 à 14h30
Le 05/06/2016 à 14h34
You shall not pass!!
Le 05/06/2016 à 18h31
J’ai hâte de voir ce qui va en sortir, ma DeLorean est en panne. " />
Le 06/06/2016 à 07h20
Le 06/06/2016 à 17h44
Le 06/06/2016 à 17h47
État (nm) : Gouvernement. " />
Nous on fait parti du Pays, pas de l’État.
Le 03/06/2016 à 16h11
“Devinette : la France est 1) très contre ? 2) farouchement pas pour ?”
Je dirais : “très farouchement contre” " />" />
Le 03/06/2016 à 16h28
Le 03/06/2016 à 16h30
C’est sur ce genre de sujet qu’on se rend compte que l’état français est gangrené.
Et ce n’est qu’une infime partie de la partie visible de l’iceberg.
Quand on voit qu’en France, 25% de la copie privée sert directement de pot de vin… belle corruption étatisé…
Le 03/06/2016 à 16h32
” … sur le fondement de données précises et fiables”
Depuis quand la SACEM ou la SACD, ou autres, doivent-elles justifier la précision et la fiabilité des données sur lesquelles elles se fondent pour nous pomper de l’argent ?
Mauvaise question, circulez’ y’a rien à voir !
" />
Le 03/06/2016 à 16h34
Le 03/06/2016 à 16h50
Ben qu‘ils font une licence globale : 5~15 € par mois pour ceux qui veulent ; la “menace” Hadopi pour les autres.
C’est quoi le problème ? Pas assez bordélique ? Pas assez de paperasse ?
Quant à la copie privée elle-même, c’est en soi une aberration. Pourquoi faudrait payer pour faire quelque chose que la loi m’autorise explicitement de faire ?
Le 03/06/2016 à 17h14
La loi te le permet; mais pourtant la loi t’interdit de contourner les DRM ( si je ne m’abuse ) et donc , tu n’as pas le droit de copier ou tu as le droit de copier ? vu que si tu veux lire un DVD ; ou BR en le copiant , il faut bien crack le DRM ?
Le 03/06/2016 à 17h27
Disons que la relation AD-Gouvernement est gagnante-gagnante. D’un côté les AD qui perçoivent (rackettent) en toute légalité et de l’autre un exécutif qui ne pouvant assumer son devoir de financement de la culture (festivals, etc…) on devine que la tentation est forte de laisser faire l’un se charger du travail de l’autre.
Devant une telle union sacrée on comprend aisément que la France a tout intérêt à ce que son modèle soit copié ailleurs (Tiens pour une fois une copie qui n’est pas interdite !) plutôt que de s’en voir imposé un autre moins intéressant….
Et malheureusement tant que l’Etat ne pourra jouer son rôle il y a fort à parier que cette relation quasi incestueuse perdurera encore longtemps…
Le 03/06/2016 à 18h39
Si si, qu’il budgétise en France aussi, à 1 euros par an, c’est très bien … Quitte à prendre quelqu’un pour des cons, autant que ça soit eux, pas nous.
Je comprendrais et refuserais de comprendre se principe de redevance, c’est juste une monstrueuse arnaque …
Le 03/06/2016 à 18h46
La copie privée ne concerne que ce qui n’a pas de DRM/protection.
Les cassettes audio, les vinyles, les CD audio, les VHS/DVD/BR non protégés. " />
Le 03/06/2016 à 18h56
Le 03/06/2016 à 19h15
Le 03/06/2016 à 19h23
" /> Les DRM c’est le mal car on ne peut plus réclamer après coup un dédommagement par redevance. " />
Le 03/06/2016 à 20h04
Le 03/06/2016 à 20h12
je crois qu’il parle de copie privée dans le sens copie pour soi " /> ;
edit ; pourquoi un cinema ( un film donc ? ) va toucher % de la vente d’un iphone ? dans le cadre où tu feras une copie privée de ton film sur ton iphone