Union Européenne : l’impôt de 15 % sur les multinationales est entré en vigueur
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Le passage en 2024 a signé l'entrée en vigueur du nouveau régime d'imposition des multinationales au sein de l'Union Européenne. Les géants de la tech sont désormais, parmi d'autres, soumis à un taux de 15 %, règle qui remplace la « taxe GAFAM » française.
Le 08 janvier à 11h18
4 min
Droit
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Elle avait été adoptée par les 27 en décembre 2022 : la directive établissant un impôt minimum de 15 % sur les bénéfices des multinationales qui réalisent plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel dans le monde est entrée en vigueur ce 1ᵉʳ janvier.
Dans le viseur des différentes parties prenantes : la propension prise par les géants du numérique à éviter l’imposition. Au lancement des discussions, la Commission européenne estimait que les entreprises numériques payaient en moyenne deux fois moins d’impôts au sein de l’Union que les autres sociétés (8 ou 9 % contre 23 %).
Après le contrecoup financier créé par la crise sanitaire, les États ont décidé de remédier à ce déséquilibre.
Une transposition européenne des accords du G7 et de la réforme fiscale de l’OCDE
La directive se veut être une transposition rapide de divers accords trouvés à l’échelle internationale pour apporter « davantage d’équité et de stabilité » en matière fiscale. En 2021, les pays du G7 s’étaient d'abord mis d’accord sur le fameux palier de 15 % d’imposition des entreprises multinationales.
139 pays se sont ensuite accordés au sein de l’OCDE sur une « solution reposant sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie ». Le « pilier 1 » concerne la rétribution partielle des droits d’imposition, le « pilier 2 », la garantie d’un niveau minimum d’imposition pour les multinationales en question.
L’Union se targue donc d’être « parmi les premiers » à mettre en œuvre le premier pilier de cette réforme fiscale. Celui-ci est en effet dédié à la fin du « nivellement par le bas », c'est-à-dire à la concurrence qu’ont pu se livrer les États en tentant d’attirer les investissements des entreprises grâce à des taux d’imposition plus faibles que leurs voisins.
Au sein de l’Union, l’Irlande est par exemple connue pour son taux d’imposition sur les sociétés à 12,5 %, l’un des plus faibles du monde. La plupart des Big Tech y ont d’ailleurs établi leurs sièges européens.
Or, depuis le 1ᵉʳ janvier, la directive impose non seulement un ensemble de règles sur les modalités de calcul de l’imposition d’une multinationale, mais aussi l’application d’un « taux complémentaire » pour les pays dont le taux d’imposition est effectivement inférieur à 15 %.
Fin de la « taxe GAFAM »
En France, l’imposition des sociétés du numérique est un sujet ancien, porté devant l’Union européenne dès 2018. L’entrée en vigueur du régime européen signifie d'ailleurs la fin de la « taxe GAFAM » nationale.
Pour accélérer le mouvement, la loi sur la taxe sur les services numériques était entrée en vigueur en 2019 et imposait à hauteur de 3 % les recettes tirées sur le territoire national des diverses activités exercées par ces entreprises. En 2023, Bruno Le Maire affirmait dans un tweet que la règle avait rapporté 670 millions d’euros aux caisses de l'État, contre 591 millions l’année précédente.
Visant spécifiquement les entreprises dépassant les 750 millions d’euros de chiffre d'affaires sur la planète et les 25 millions en France, le texte avait à l’époque provoqué l’ire du gouvernement états-unien. Il est désormais remplacé par les règles européennes.
Quand bien même ce pilier de l’accord de l’OCDE rentre peu à peu en application, les différents membres de l’accord ont encore du travail à accomplir. Il n’existe en effet pas encore d’accord sur la manière de rendre effectif l’autre pilier du texte, dédié à imposer les entreprises là où elles réalisent leurs bénéfices plutôt que là où elles sont physiquement implantées.
Union Européenne : l’impôt de 15 % sur les multinationales est entré en vigueur
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Une transposition européenne des accords du G7 et de la réforme fiscale de l’OCDE
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Fin de la « taxe GAFAM »
Commentaires (8)
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Abonnez-vousLe 08/01/2024 à 12h16
Ce n'est certainement pas parfait mais ça va dans le bon sens.
L'accumulation sans limite de richesses nuit gravement aux démocraties (oui je sais, je part loin :) )
Modifié le 08/01/2024 à 13h11
Le pilier 1 semble mort et ne sera peut-être pas mis en œuvre, le pilier 2 a encore une certaine traction, mais principalement dans l'UE, et est en train de perdre de la traction ailleurs. Il sera peut-être encore mis en œuvre, mais il a déjà été affaibli par une liste croissante de failles, y compris une exception pour la substance économique qui permettra effectivement aux paradis fiscaux de maintenir des taux inférieurs à 15 % tant qu'il y a des employés (l'Irlande s'engouffre dans cette faille et sera une grande gagnante).
Il semble que le taux effectif minimum réel sera plus proche de 5 % que de 15 %, et ce taux peut même être compensé par des subventions.
Donc le pilier 2, s'il est bien implémenté mondialement (ce qui n'est pas encore certain), va probablement remplacer la course aux impôts faibles pour les actifs intangibles en 1) course aux impôts faibles pour les actifs tangibles, accélérant la délocalisation d'emplois vers les paradis fiscaux pour développer la substance économique, et 2) en course aux subventions.
Le 08/01/2024 à 21h09
Quant à la substance base carve out, qui consiste à retirer de cette base, un pourcentage de la valorisation des actifs et payroll costs (5%) l’idée est de se prémunir de la pratique consistant à ré allouer du revenu dans des paradis fiscaux dans lesquels aucune activité substantielle n’est réalisée dans le seul but d’éviter l’impôt, en donnant un bonus aux juridictions dans lesquelles il y a réellement de l’activité. C’est d’ailleurs sauf erreur de ma part une mesure temporaire.
De mon côté, bien que cela puisse paraître un peu décevant à certains, je considère que c’est un premier effort intéressant, dans un contexte où il est de toute façon difficile d’avancer en termes d’harmonisation internationale.
Le 08/01/2024 à 17h41
Le 09/01/2024 à 11h34
Le 09/01/2024 à 15h48
Ce qui te trompe, c'est qu'il n'est pas dans le titre de l'article et qu'il aurait fallu lire plus ?
Le 09/01/2024 à 20h33
C'est un pis aller, et clairement il faudrait aller vers une équité parfaite sur ces sujets.
Maintenant, Rome ne s'est pas faite en un jour, et il vaut mieux ça que rien du tout.
Et oui, il faut continuer de gueuler tant que ces petits salopiauds ne contribuent pas comme tout le monde.
Le 10/01/2024 à 09h04
Chaque filiale, en tant que société, a une remontée fiscale dans sa juridiction de rattachement (France, US, Irlande, Bermudes etc). Elle déclare un certain nombre d’informations sur ses comptes. L’impôt de chaque filiale est calculé selon les règles de cette juridiction : en simplifié, sur la base des bénéfices dégagés (avec pour chaque juridiction un certain nombre de règles propres - déductions, aménagements de la base fiscale etc) un taux est appliqué.
Puis dans le cadre de la consolidation des chiffres du groupe, le montant d’impôt des filiales est agrégé (consolidé) pour être présenté aux actionnaires du groupe (rapport annuel).
On comprend dés lors qu’il sera plus intéressant de faire par exemple apparaître, par un ensemble de combines la plupart légales, les profits dans les comptes de sociétés des juridictions les plus attrayante en matière de fiscalité et de jouer sur les avantages de l’appartenance à un groupe pour optimiser sa fiscalité. Je ne parle pas ici d’intégration fiscale : c’est à dire de qui paye l’impôt des filiales. Mais de l’impôt affiché et à payer (que ce soit par la filiale elle même ou par la maison mère pour ses filiales dans le cadre d’accord de groupe). L’intégration fiscale permet en outre et notamment de ventiler les déficits fiscaux (crédit d’impôt obtenus par une filiale en particulier) sur les autres filiales sur l’année en cours afin de profiter plus vite du crédit d’impôt (un crédit d’impôt n’est activable sinon que sur le futur).
Bref impôt du groupe = somme des impôts de ses filiales calculé et acquitté pour chacune dans sa juridiction.
Dans le cadre de cet accord dont fait l’objet l’article, le but est de vérifier, juridiction par juridiction, le taux d’impôt « effectif ». En simplifiant toujours car il y a toute une machinerie derrière pour ajuster aussi bien le dénominateur que le numérateur : on agrégé juridiction par juridiction les éléments, on calcule ce taux par le rapport montant d’impôt/base d’impôt. Si dans une juridiction le taux effectif est inférieur à 15%, (par exemple 11%) alors la différence (15%-11%=4%) est considéré comme une top-up tax, un impôt complémentaire à payer à la juridiction. D’où la notion de « minimum » d’impôt.
C’est là qu’intervient la notion de substance évoquée par Schismatrice : ce taux d’impôt complémentaire n’est pas appliqué directement au revenu agrégé de la juridiction, mais à un revenu duquel est soustrait une partie correspondant à un % (5%) de la valeur des actifs et payroll costs (salaires pensions etc). Bonus visant à favoriser les juridictions dans lesquelles il y’a réellement de l’activité.
On comprend dés lors l’objectif de ce montage de l’OCDE : d’assurer à chacune des juridictions un « minimum » de revenus fiscaux en provenance des groupes internationaux et de réguler un tant soi peu les fuites fiscales.
Tout cela n’est pas parfait bien sûr. Mais disons que l’on assiste à une tentative de régulation au niveau mondial en vue de remonter le volume d’impôt capté aussi bien par les juridictions que par effet boule de neige au niveau international.