Consommation électrique du CERN

Ça en fait des démarrages de DeLorean

L’empreinte écologique CERN en 2022 : 1 215 GWh, 184 173 teqCO₂, 3 234 Ml…

Consommation électrique du CERN

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Sur les années 2021 et 2022, la consommation électrique du CERN dépasse les 2 000 GWh. On retrouve des chiffres tout aussi impressionnant sur la consommation d’eau et les émissions de gaz à effet de serre (GES). Le laboratoire met en place des mécanismes pour limiter son empreinte ainsi que des objectifs à respecter d’ici fin 2024.

Le CERN n’en est pas à son coup d’essai en la matière. En septembre 2020, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire publiait son premier rapport sur l’environnement, pour les années 2017 et 2018. Elle récidivait un an plus tard avec les années 2019 et 2020. Une période particulière, marquée par la crise sanitaire et le deuxième long arrêt (Long Shutdown 2 ou LS2) du complexe d’accélérateurs. Elle vient de mettre en ligne son troisième rapport, sur la période 2021 et 2022.

Pandémie et guerre en Ukraine

Benoît Delille, chef de l’unité Santé et sécurité au travail et protection de l’environnement, commence par planter les décors de ces deux années particulières. Elles sont marquées « par la poursuite de la pandémie de COVID-19 et l’éclatement de la guerre en Europe, suite à l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie ».

La pandémie tout d’abord a changé en profondeur le mode de fonctionnement du CERN. Si le laboratoire a retrouvé « l’ambiance qui le caractérisait, avec le retour de son personnel sur place, beaucoup de personnes profitent des nouvelles modalités de télétravail et les trajets quotidiens ont sensiblement diminué ». Un changement « clairement visible » dans les statistiques.

De son côté, la guerre en Ukraine « a contribué à la volatilité des marchés de l’énergie », comme tout le monde a pu s’en rendre compte sur ces factures d’électricité depuis plusieurs mois.

Remise en marche progressive jusqu’en juillet 2022

Comme lors du précédent rapport, le complexe d’accélérateur du CERN était à l’arrêt pendant une période de ce bilan. Les équipements ont progressivement été remis en fonctionnement en 2021 et 2022, jusqu’au redémarrage du Grand collisionneur de hadrons (LHC) en juillet de l'année dernière.

Sans surprise, la consommation en électricité et en eau est plus basse lorsque les équipements sont à l’arrêt. Néanmoins, l’activité de traitement des déchets est accrue. Les ingénieurs en profitent pour remplacer les équipements usés ou obsolètes. Le jeu en vaut la chandelle selon Benoît Delille : « le complexe d’accélérateurs est aujourd’hui plus efficient et produit plus de données par unité d’énergie consommée ».

1 215 GWh en 2022, quasiment autant qu’en 2018

Commençons par quelques chiffres sur la consommation en énergie, avec un rappel des années précédentes :

    • 2018 : 1 251 GWh d’électricité et 64,4 GWh d’énergie générée à partir de combustibles fossiles
    • 2019 : 428 GWh d’électricité et 68 GWh d’énergie générée à partir de combustibles fossiles
    • 2020 : 442 GWh d’électricité et 66 GWh d’énergie générée à partir de combustibles fossiles
    • 2021 : 991 GWh d’électricité et 67 GWh d’énergie générée à partir de combustibles fossiles
    • 2022 : 1 215 GWh d’électricité et 51 GWh d’énergie générée à partir de combustibles fossiles

Le CERN s’est pour rappel engagé à limiter la hausse de sa consommation d’énergie à 5 % d’ici fin 2024, par rapport aux chiffres de 2018. Cela donne un maximum à atteindre de 1 314 GWh l’année prochaine. En 2022, les équipements n’étaient pas tous totalement opérationnels, il faudra donc attendre 2023 (avec une publication du rapport tous les deux ans, cela nous emmène fin 2025) pour voir si cette limite est bien tenue.

Face à la crise mondiale sur l’approvisionnement en énergie, l’Organisation avait revu ses plans fin 2022 pour limiter un peu sa consommation. Le YETS (year-end technical stop) a débuté « le 28 novembre, soit deux semaines plus tôt que ce qui était initialement prévu ». De plus, « l'exploitation du complexe d’accélérateurs sera réduite de 20 % en 2023 ».

Rapport environnemental du CERN pour les années 2021 et 2022

Trois champs pour les gaz à effet de serre

Passons maintenant aux émissions de gaz à effet de serre (GES), en commençant par le « champ 1 ». Il comprend les émissions directes provenant des installations et des véhicules. Le laboratoire annonce un total de 123 174 et 184 173 teqCO₂ (tonnes d’équivalent CO₂) pour les années 2021 et 2022. C’est plus qu’en 2019 et 2020 (période du second long arrêt technique), mais moins qu’en 2017 et 2018 (période d’exploitation).

90 % des émissions proviennent des expériences scientifiques. En effet, elles « ont recours à une large gamme de mélanges de gaz pour la détection de particules et le refroidissement des détecteurs, notamment des gaz fluorés, qui ont un potentiel de réchauffement climatique élevé et représentent environ 78 % des émissions directes de l’Organisation ». On retrouve la même problématique des gaz fluorés, dans les mêmes proportions, sur les années précédentes.

Le CERN annonce respectivement à 56 382 et 63 161 teqCO₂ pour le « champ 2 ». Ce périmètre correspond aux émissions indirectes liées à la production de l’électricité, de la vapeur, du chauffage ou du froid. Enfin, il est question de 7 813 et 8 956 teqCO₂ pour le « champ 3 ». Cette fois-ci, cela inclut les voyages professionnels, les déplacements domicile-travail, la restauration, le traitement des déchets et la purification de l’eau.

Si on regarde le détail du « champ 3 », on se rend compte que les voyages professionnels ont considérablement baissés en 2020 et 2021, pandémie et confinements obligent. Ils sont remontés doucement en 2022, mais en étant toujours quatre fois moins importants qu’en 2019. Le CERN ne compte pas remonter à son niveau d’avant Covid.

« La plupart de ces émissions sont liées aux voyages en avion, principalement aux vols long-courriers », explique le CERN. En avril 2022, un groupe de travail sur les voyages professionnels a été chargé « d’élaborer des recommandations dans le but de réduire les émissions liées à ce type de déplacements ». Des recommandations ont été formulées et sont normalement entrées en vigueur cette année. Le prochain rapport sera l’occasion de faire le point sur leur efficacité.

Pour la première fois dans un rapport environnementale du CERN, les émissions de « champ 3 » liées aux achats sont précisées. Elles étaient respectivement de 98 030 et 104 974 teqCO₂ en 2021 et 2022.

  • Empreinte écologique CERN Champ 1
  • Empreinte écologique CERN Champ 2
  • Empreinte écologique CERN Champ 3

Megalitres d’eau, déchets et bruit

Le CERN affiche fièrement une consommation en eau largement en baisse sur les deux dernières décennies : « Entre 2000 et 2022, il a réduit sa consommation d’eau annuelle d’environ 80 %, passant de 15 000 mégalitres à 3 234 mégalitres ». La grande majorité de l’eau vient du lac Léman. 80 % est utilisée pour les activités industrielles, notamment le refroidissement. Les 20 % restants à des fins sanitaires.

Là encore, la consommation par rapport à 2018 (année de référence pour les objectifs écologiques) ne doit pas dépasser une hausse de 5 %. Cela correspond à « un objectif maximal de 3 651 mégalitres malgré les besoins croissants en refroidissement de ses installations ». Le Centre affirme que, « pendant la période couverte par ce rapport [2021 et 2022, ndlr|, le CERN n’a connu aucun incident dommageable pour l’environnement passible d’une sanction, financière ou autre ».

Passons aux déchets : « En 2021 et 2022, le CERN a éliminé respectivement 5 111 et 8 812 tonnes de déchets non dangereux et 1 544 et 1 295 tonnes de déchets dangereux (conventionnels ou radioactifs) ». Le taux de recyclage bondit aussi de 56 % (2018) à 69 % (2022). Une forte hausse est surtout liée « à l’importante quantité de déchets métalliques recyclés à la suite du deuxième long arrêt (LS2) ».

Concernant le niveau de bruit, le CERN reconnait avoir reçu trois réclamations, « rapidement traitées avec les parties concernées », sans plus de détails sur les griefs et les solutions mises en place.

L‘organisation ajoute que, sans surprise, que « le redémarrage du complexe d’accélérateurs en 2022 a engendré une augmentation des niveaux sonores, liée notamment aux systèmes de ventilation et de refroidissement et aux transformateurs électriques ».

Les niveaux sonores moyens mesurés « sont typiquement de l’ordre de 50 dBA le jour et de 45 dBA la nuit ». Le CERN s’est engagé à ne pas dépasser de plus de 3 dB(A) le niveau de référence de 2018, lorsque les machines étaient en marche. Le bruit à ses abords ne devrait donc pas dépasser 70 dBA la journée et 60 dBA la nuit.

Maintenant que l’accélérateur est en service, les années 2023, 2024 et 2025 devraient être dédiées à la science, avec des YETS évidemment à chaque fin d’année. Le LS3 (Long Shutdown 3) est prévu pour début 2026 et devrait durer… trois ans. À partir de 2029, la haute luminosité (HL-LHC) devrait faire son entrée.

Commentaires (8)


Si mes calculs ne sont pas trop mauvais, ça donnerait : 1215 GWh en 2022 = 139 Mw x 24h x 365j = 10% d'un réacteur nucléaire mobilisé toute l'année uniquement pour le CERN ...
Modifié le 06/12/2023 à 20h16
En soi, ces chiffres ne sont pas déconnants. Limite, j'aurais imaginé une consommation un brin supérieure. Le CERN, c'est énorme en fait.
En lisant l'article, je me suis dit que ça pourrait être rentable pour le CERN de faire construire son propre réacture nucléaire, taille "normale", pour faire de la revente et des bénéfices, ou même juste taille SMR pour couvrir ses besoins. J'suis sûr que ça serait largement plus rentable que d'acheter l'électricité sur le marché.
Est-ce que limiter la hausse de la consommation d'énergie à 5% est compatible avec une réduction des émissions de CO2 de 5% chaque année d'ici 2050 ?
bah, il suffit de modifier le rapport (très théorique) d' équivalence Mwh/kg carbone, donc plus d'électricité décarbonée.

brupala

bah, il suffit de modifier le rapport (très théorique) d' équivalence Mwh/kg carbone, donc plus d'électricité décarbonée.
S'il suffit de, je suis rassuré. Merci.

Thorgalix_21

S'il suffit de, je suis rassuré. Merci.
Ca semble pourtant être le cas ici :
Baisse des trajets en voiture, et baisse des longs courriers en avion. Ca induit une baisse des énergies fossiles.
L'électricité étant largement décarbonnée en France, augmenter l'utilisation de l'électricité pour "compenser" (prendre le train au lieu de l'avion, par exemple) est rentable, eqCO₂ parlant.
Curieux de parler de megalitres alors que l'unité standard est le m3 d'eau.
Toutefois, une telle transparence est vraiment salutaire.
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