Universités : pas d’obligation d’utiliser les plateformes de visio compatibles RGPD financées par leur ministère
Mais les universitaires vont-ils les utiliser ?
Le 29 juin 2023 à 09h21
5 min
Sciences et espace
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Le ministère de l'Enseignement supérieur a officiellement communiqué sur l'ouverture des plateformes de visioconférence et de classes virtuelles mises en place suite à la crise du Covid-19. Ces solutions répondent à une mise en garde faite par la CNIL en 2021. Mais ces outils seront-ils réellement utilisés alors que Zoom, Teams, Google et Twitch sont largement diffusés dans les universités ?
Deux ans après le lancement du projet, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche annonce officiellement l'ouverture de sa plateforme de visioconférence et de classes virtuelles.
Enfin, « ses plateformes » devrions-nous dire, puisque, même si la Direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) a communiqué sur le terme « plateforme » qui suppose une centralisation, ce sont bien plusieurs outils de visioconférence mis à disposition du personnel de l'Enseignement supérieur, avec des utilisations différentes pour chacun.
En effet, Anne-Sophie Barthez, directrice générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, a indiqué début avril aux présidents d'universités l'ouverture « d'un service national de classes virtuelles et de diffusion de contenus pédagogiques », explique Acteurs Publics.
Ambitieuse réponse aux inquiétudes de la CNIL
En 2021, la CNIL avait appelé « à des évolutions dans l’utilisation des outils collaboratifs étatsuniens pour l’enseignement supérieur et la recherche » suite à une saisie par la Conférence des présidents d’université et la Conférence des grandes écoles sur l’utilisation des « suites collaboratives pour l’éducation ». Cette demande s'inscrivait dans le prolongement de l'arrêt Schrems II et l'invalidation du Privacy Shield par la Cour de justice de l'Union européenne.
La CNIL constatait, à ce moment-là : « le recours à ces solutions met en lumière des problématiques de plus en plus prégnantes relatives au contrôle des flux de données au niveau international, à l’accès aux données par les autorités de pays tiers, mais aussi à l’autonomie et la souveraineté numérique de l’Union européenne ». L'Autorité proposait d'accompagner « les organismes concernés pour identifier les alternatives possibles ».
Le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche avait réagi la même année en donnant une enveloppe de 4,2 millions d'euros sur deux ans au groupement d’intérêt public (GIP) France Université Numérique (FUN), expliquions-nous l'année dernière.
Mais depuis, le projet a été remanié. Si le GIP FUN reste chargé de gérer l'outil de webinaire de l'enseignement supérieur français, à l'automne dernier, le ministère, prenant exemple sur celui de l'Éducation nationale, a décidé de passer finalement par un prestataire privé, Arawa, pour gérer le Big Blue Button de ses classes virtuelles.
Contacté pour plus de précisions sur le contrat passé avec Arawa concernant son montant et sa période, le ministère nous a répondu le 29 juin que « les moyens déployés seront adaptés aux besoins et la nature de la relation commerciale avec les prestataires est confidentielle ».
- FUN : 4,2 millions d’euros pour un « Zoom » de l’enseignement supérieur français
- Une partie de la gestion du « Zoom » de l'enseignement supérieur français sous-traitée
Le projet ESUP-POD, un système de mise à disposition de vidéos très utilisé dans l'Enseignement supérieur et la recherche, créé à l'Université de Lille puis piloté par l'association d'universités ESUP, fait aussi partie des solutions soutenues officiellement par le ministère, présenté comme un « YouTube universitaire ».
Mais retard face aux pratiques déjà en place
Si ce genre de comparaisons (« YouTube universitaire », « Zoom de l’enseignement supérieur français », « Twitch de l'enseignement supérieur français » ...) avec les outils de diffusion de vidéo des leaders américains du secteur montre des ambitions très élevées, il est difficile de prévoir si les universitaires français (enseignants, bibliothécaires, ingénieurs, techniciens et étudiants réunis) vont se les approprier alors qu'ils ont passé la crise du Covid-19 et les années suivantes à s'adapter aux outils proposés par les entreprises américaines.
C'est ce que redoute Cédric Foll, directeur de l’infrastructure et du support à l’université de Lille, très impliqué sur ces questions et interrogé par nos soins : « c’est un système souverain avec un bon niveau de service. Néanmoins, les outils propriétaires américains (Zoom / Teams) ont un niveau de service supérieur et je pense que ces outils auront du mal à s'imposer si les utilisateurs ne sont pas contraints ».
La contrainte, le ministère ne semble pas prêt, pour l'instant, à la brandir puisqu'il a indiqué que l'utilisation de ces services ne serait pas « obligatoire ».
Il nous a répondu le 29 juin que « sans forcer les établissements dans leurs choix, l'objectif est d'offrir aux établissements une alternative technologique utilisable par tous les établissements de l’enseignement supérieur français qui leur permet de respecter les directives de la CNIL. »
Si des solutions sont maintenant disponibles, il n'est donc pas sûr que, dans leurs pratiques, les institutions soient en règle avec le cadre juridique européen depuis l'invalidation du Privacy Shield, tant que leurs personnels n'adoptent pas, dans leurs usages, une solution compatible. D'autant que certaines DSI universitaires, faute de moyens, ont déjà ouvert leurs portes aux GAFAM. Difficile désormais de les refermer alors que tout le monde a pris ses habitudes.
Universités : pas d’obligation d’utiliser les plateformes de visio compatibles RGPD financées par leur ministère
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Ambitieuse réponse aux inquiétudes de la CNIL
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Mais retard face aux pratiques déjà en place
Commentaires (12)
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Abonnez-vousLe 31/05/2023 à 14h01
Face aux problèmes de 2023, nous proposons des solutions au problème de 2020.
vive la
Le 31/05/2023 à 14h15
Au moins c’est FUN
Quand on parle d’ambition élevée, je pense au “plan informatique pour tous”, au “cloud souverain”, à “dailymotion”, de superbes réussites que le monde entier nous envie…. ou pas :transpi;
Le 01/06/2023 à 07h01
Juste en regardant ou sont les MX de certaines université ou école vous pouvez voir à quel point certains se moquent royalement de la lettre de la Cnil qui donnait deux ans pour revenir à des solutions respectant le RGPD
Le 01/06/2023 à 08h47
Eh bien c’est plutôt bien tout ça. Sachant qu’en mode gratuit Zoom te sort au bout d’une heure de call et Teams n’est pas si gratuit que cela non plus.
Le 01/06/2023 à 21h10
Ils auraient plutôt dû demander à Framasoft de leur sortir une portée de chatons.
Moins chers et avec un design super.
Le 06/06/2023 à 05h53
Comme d’habitude on se reveille trop tard on met des millions sur la table et au milieu du projet on sous traite au privé car on est soit a la bourre sois on a pas les compétences rien ne change
Le 30/06/2023 à 05h08
Ah ces français toujours à râler !
Si l’Etat français n’avait rien fait, ils diraient que le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche est vendu au GAFAM, et si il fait quelque chose, ils se plaignent encore !
En même temps (pour rester à la mode), un Français qui ne se plaint pas, est il encore français ? :=)
Le 30/06/2023 à 07h31
Et ça ne serait pas possible de faire quelque chose qui fonctionne ?
C’est peut-être juste parce que je vieillis, mais j’ai de plus en plus l’impression de voir l’empire galactique de Fondation en train de s’effondrer (administration de plus en plus lourde, perte des connaissances/compétences de base…).
Le 30/06/2023 à 08h40
J’ai aussi cette impression , mais c’est ptet le biais du “vieux con”.
En même temps on passe notre temps à dire aux jeunes qu’ils ont pas d’avenir car dans 50 ans ils mourronts de soif sous un soleil de plomb et 50°C la nuit, mais que quand même on ne changera rien (et même on rétropédalera sur les rares avancés sociales & écologiques) parce que ce serait pas bon pour l’économie du pays. Et quand ils essaient quand même ça se fini au LBD…
C’est vrai qu’il y a de quoi se donner à fond pour faire marcher les projets.
Le 30/06/2023 à 09h25
En faisant moi-même partie de l’Administration, je confirme.
Plus le temps passe, plus on perd en compétences, et plus la partie administrative s’alourdit débilement. Au début, l’administratif c’était 15% de mon boulot. Quelques années plus tard, on est plus vers 40%, et il y a des trucs que je ne peux plus faire car récupéré par des “instances supérieures” (sachant que cette destruction va continuer, au point de devenir quasi-inutile sauf pour l’administratif et remonter les problèmes qu’on règle actuellement sur place aux niveaux supérieurs, en espérant fortement qu’ils agissent vite et surtout correctement (ce qui n’est souvent pas gagné))…
Le 30/06/2023 à 12h43
Si ça peut te “rassurer”, c’est pareil dans le privé dans les grands groupes. On externalise à mort, résultat les entreprises se rendent compte qu’elles ne connaissent plus leur métier et se font ballotter d’un cabinet de consulting à l’autre. Et on met en place des process lourds et inefficaces pour faire croire qu’on maîtrise ce qu’on fait.
Ce qui est, spoiler alert, quasi jamais le cas.
Le 02/07/2023 à 00h13
(Pardon pour le léger HS, mais c’est pour votre avenir, la Team ! Depuis que je sais que vous êtes en difficulté, ça ne laisse pas de m’inquiéter…)
En parlant d’universités, j’avais regardé une interview d’une boite de formation pro en programmation orientée vers l’IA, qui s’est associée avec une grande Fac pour délivrer ses cours… mais en présentiel cette fois.
En fait, si vous y réfléchissez bien, c’est tout bénef, dans le sens ou une Fac / université (connais pas la différence) peut mettre des locaux et du matos à disposition, donc beaucoup moins d’organisation et d’investissement de départ, pour ne pas dire zéro !
Pour vous donner un exemple concret, voilà deux fois que je relis votre excellent dossier sur Docker… et voilà deux fois que j’y pige pas grand-chose !
Pour ce genre de sujet (et plein d’autres) très tech, rien ne remplacerait des formations / stages en présentiel, avec des exemples concrets - orientés entreprise - à la clé… formations que vous seriez, j’en suis sûr à même de diriger avec maestria !
…Et voilà, l’argent et les subventions arrivent, NXi est sauvé ! Yoouuuhhhoouhhh !!!
(Fin du léger HS, désolé, je suis affreusement coupable, toussa… mais c’est pour la bonne cause !)