Ariane 5 dans le rétro
Last good bye
Le 04 juillet 2023 à 16h19
6 min
Sciences et espace
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Ariane 5 va vivre son dernier décollage cette semaine. C'est l'occasion de revenir sur l'histoire de ce lanceur spatial lourd franco-européen qui aura marqué le milieu de l'aérospatial international pendant 27 ans par sa précision et sa fiabilité.
D'abord annoncé le 16 juin dernier, puis ce soir, le lancement VA261 d'Ariane 5 devrait, « sous réserve de conditions météorologiques favorables », avoir lieu jeudi entre minuit et 1 h du matin, heure de Paris, selon Arianespace. Le CNES propose un direct sur sa chaine YouTube. Pour rappel, elle emportera à son bord, le satellite Heinrich-Hertz de l'Agence spatiale allemande et le satellite de la Direction générale de l'armement française Syracuse 4B.
Profitons de ce dernier vol pour revenir sur la saga de la version 5 de la fusée franco-européenne qui a connu près de trois décennies de lancements, assurant plus de trois cinquièmes de la vie de la famille de fusées Ariane à elle toute seule.
La décision de lancer un successeur à Ariane 4 fut prise en 1985 par le Conseil ministériel de l'Agence spatiale européenne (ESA), expliquait-elle alors qu'elle fêtait le 100e lancement de la fusée. Elle a alors lancé une collaboration avec le CNES, qui venait de mettre dans sa besace les plans d'un lanceur (dit « l’approche Ariane 5 », tiens, tiens) pour son projet d'avion spatial habité, Hermès (abandonné depuis). Le programme Ariane 5 a été approuvé en 1987 par le Conseil ministériel et il a pu démarrer dès le début de l'année suivante.
Les ambitions de l'Europe spatiale vont pousser le nouveau lanceur à se donner comme objectif de pouvoir servir trois orbites : l’orbite basse terrestre, l’orbite géostationnaire et l’orbite héliosynchrone.
Des échecs stressant des premiers vols...
Huit ans plus tard, la fusée était sur le pas de tir de Kourou, en Guyane. Le premier lancement d'Ariane 5 a eu lieu en juin 1996. Ce ne fut pas une réussite puisque au premier vol test (V-88), le lanceur s'est autodétruit après avoir passé 37 secondes dans les airs. Le problème était une erreur informatique « triviale » et « particulièrement vexante » expliquaient dans un article scientifique [PDF] paru en janvier 1997 les chercheurs Jean-Marc Jézéquel et Bertrand Meyer.
Celle-ci « venait d'une partie de logiciel qui n'était pas utile », importée d'Ariane 4 et qui « a provoqué une exception qui n'a pas été détectée et – boum ». En effet, c'était une terrible histoire de conversion « d'une valeur de 64 bits à virgule flottante, représentant le "biais horizontal" du vol, en un entier signé de 16 bits ». Dans cet article, les deux chercheurs tiraient les conséquences de cet échec en plaidant pour une utilisation systématique de la programmation par contrat lors de la réutilisation de code.
Si le deuxième décollage (V-101) d'Ariane 5 en octobre 1997 s'est bien passé, la gestion chaotique de la propulsion du premier étage a fait partir en vrille le lanceur qui n'a pas pu atteindre l'orbite prévue.
Un an après, l'Europe persévère et envoie Ariane 5 pour un troisième vol test (V-112)... qui, lui, est couronné de succès et ouvre la voie à la commercialisation des vols de la cinquième version d'Ariane.
... à la fiabilité et la précision reconnues
Si le premier vol commercial, en décembre 1999, a permis de lancer l'observatoire spatial XMM-Newton de l'agence spatiale européenne, elle-même, il a permis à Ariane 5 de commencer une grande série de plus de 100 vols réussis (111 exactement, pour l'instant, avant le lancement VA261) avec seulement deux échecs complets (dont le premier vol test) et trois échecs partiels (dont le deuxième vol test).
Le lanceur est devenu rapidement une des valeurs sûres du monde de l'aérospatial. En 2000, Ariane 5 effectuait quatre lancements avec des partenaires commerciaux indiens, états-uniens, luxembourgeois et japonais. La success story du spatial européen prenait son envol.
Ariane 5 a pu mettre en orbite des charges utiles que l'on n'avait alors jamais atteintes. En 2002, elle lance, par exemple, les 8 140 kg du satellite scientifique ENVISAT. En 2006, elle met en orbite, via sa version ECA (Evolution Cryotechnique type A), les satellites Satmex 6 et Thaicom 5, d'un total de charge utile de 8 200 kg. Et, en 2008, elle soulève les 19 360 kg de Jules Verne ATV pour l'emmener jusqu'à la Station spatiale internationale, sur la version Ariane 5 ES, spécialement conçue et renforcée pour ce voyage.
Au-delà de la charge utile, Ariane 5 a envoyé la première sonde lunaire européenne SMART-1 en 2003, la fameuse sonde Rosetta dont l'objectif était d'explorer la comète « Tchouri » ou encore en 2021 le télescope de la NASA James-Webb et en avril 2023 de la sonde JUICE. Le lanceur européen était très apprécié des scientifiques pour sa précision, leur permettant d'économiser au plus l'énergie de leur mission. C’était d’ailleurs récemment le cas avec le lancement du télescope James Webb, dont la précision a été vantée par la NASA.
Entre 5 et 10 tirs par an
Entre 2001 et 2002, le lanceur a subi un échec partiel (comprenant notamment le satellite Artemis qui a pu rejoindre l'orbite visée de lui-même) et l'échec total du premier vol de la version ECA (dû à une fuite dans le système de refroidissement du moteur). Ariane 5 a ensuite atteint une cadence de croisière de cinq à dix tirs par an entre 2005 et 2018. Cette fréquence, très respectable à l'époque, lui permit de rivaliser avec le lanceur russe Proton et les lanceurs américains.
Mais l'arrivée sur le marché du petit nouveau Falcon 9 de SpaceX, partiellement réutilisable, va changer la donne et exploser le marché, tirant jusqu'à 58 fois l'année dernière. Ariane 6, nouvelle version qui devait prendre le relai du lanceur européen, est en retard et on ne sait toujours pas si un premier lancement pourra avoir lieu d'ici la fin de l'année.
Ariane 4 et Ariane 5, même « combat »
Voici pour finir un décompte des lancements d’Ariane 5, avec également celui des précédentes versions de la fusée. On peut voir qu’Ariane 4 et 5 ont quasiment le même nombre de lancements, pour une fiabilité presque identique (en espérant que VA261 se termine bien) :
- Ariane 1 (1981 à 1986) : 11 lancements, 9 succès
- Ariane 2 (1986 à 1989) : 6 lancements, 5 succès
- Ariane 3 (1984 à 1989) : 11 lancements, 10 succès
- Ariane 4 (1988 à 2003) : 116 lancements, 113 succès
- Ariane 5 (1996 à 2023) : 117 lancements, 112 ou 111 succès (suivant la mission VA261)
Ariane 5 dans le rétro
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Des échecs stressant des premiers vols...
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... à la fiabilité et la précision reconnues
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Entre 5 et 10 tirs par an
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Ariane 4 et Ariane 5, même « combat »
Commentaires (11)
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Abonnez-vousLe 04/07/2023 à 16h51
Une très belle carrière qui marque la fin d’un des lanceurs “à l’ancienne” par rapport à ce qui se fait dans le New Space. Si Ariane 6 va avoir la lourde tâche de prendre la relève d’un lanceur qui a une aussi bonne réputation, son autre défi est clairement de savoir tenir face à la rude concurrence des acteurs privés montants en plus de SpaceX. Et là le défi ne va pas être technique mais organisationnel, comme bien souvent.
Le 05/07/2023 à 05h05
Apparemment, pour pouvoir enfin se battre à arme égale, il va falloir attendre ArianeNext (Ariane 7), 2030 au plus tôt, SpaceX aura normalement son StarShip déjà parti sur la Lune et de retour… et peut-être pas qu’une seule fois…
Ariane 6 n’est qu’une grosse optimisation d’Ariane 5 ( -40% sur le coût qu’ils disent…mouais) mais ça reste toujours comme tu le mentionnes très judicieusement dans ton post un lanceur “à l’ancienne” mais oui, simplement rajeuni…
ça va être bien bien tendu…
Le 05/07/2023 à 05h24
C’est un lanceur à l’ancienne optimisé oui, mais c’est aussi un vieux projet. Donc y’a rien de surprenant de voir qu’Ariane 6 ne révolutionne pas l’univers. D’où le fait que je disais que le problème va surtout être organisationnel pour savoir s’adapter à la concurrence. Car c’est un fait, Arianespace est une grosse machine lourde bourrée de politique… Comme à peu près tous les acteurs historiques du marché.
Sinon d’autres acteurs émergeront.
Après on peut jalouser la réussite d’autres programmes spatial étatiques ou privés, mais faut aussi voir la hauteur des moyens qu’on veut donner aux nôtres.
Le 06/07/2023 à 03h40
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“Ariane 6 ne révolutionne pas l’univers” :
ça c’est de la catchphrase (je me garde dans un coin, pour le 1er décollage en hmm 2024 ? 2025 ? )
J’ose même pas imaginer la tête cramoisie-rouge-pourpre-écarlate de Manu si le Elon lui avait claqué un truc comme ça à la face durant leur 2ieme tea-time-causette il y a quelques semaines (le 2ieme en moins d’un an par ailleurs).
Bon c’est vrai que quand on est un ancien banquier d’affaire chez Rothschild , rencontrer l’homme le plus riche du monde*, ça le fait sur le CV…
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Dans les commentaires du Figaro (j’y suis aussi abonné… personne n’est parfait), j’avais écrit: :
“Alors Manu, comment que ca avance pas votre Ariane 6 vintage des années 2010 ?”
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On se rejoint sur le sens…
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*selon l’orientation du NYSE et l’humeur des traders
Le 05/07/2023 à 04h01
En raison de vents violents en altitude, le tir est reporté à cette nuit.
Le 05/07/2023 à 06h17
Allez, je fais le comm inutile pour éviter aux autres d’avoir à le faire :
On s’en fout d’ariane, on veut des tests sur des cartes graphiques pas chères et performantes.
Remboursez l’abonnement !
Le 05/07/2023 à 07h58
il faut déjà être abonné pour être emboursé
Concernant Space X, j’avais lu qu’il fallait beaucoup de lancement par an pour que le réutissable soit rentable. A-t-on une étude, info sur la rentabilité du réutilisable ?
Le 05/07/2023 à 13h13
Merci pour les services rendus, ‘tite fusée !
Tu représentais ma génération, et tu rejoins le drain en premier.
Le 06/07/2023 à 03h57
Lancement réussi cette nuit. On attend Ariane VI avec impatience…
Le 06/07/2023 à 12h08
Merci pour ce dossier récapitulatif bien ficelé ! Penser Ariane 5 pour envoyer Hermes (et donc des hommes) dans l’espace a fait que la sécurité était un aspect crucial de ce lanceur. Certes, Ariane 5 n’a jamais lancé personne dans l’espace mais la fiabilité hors norme de ce lanceur a été très appréciée par ses clients !
Concernant Ariane 6, je ne veux pas doucher les espoirs mais lors d’une vidéo tournée sur le salon du Bourget, le DG du CNES a confirmé un premier vol en 2024 à Emmanuel Macron, donc bon…
Source: Video Twitter
Le 07/07/2023 à 12h40