La charte de confiance dans les outils numériques patine au ministère de l’Éducation
#Redoublement
Le 09 avril 2018 à 14h00
5 min
Droit
Droit
Où en est la charte sur les données personnelles dans les établissements scolaires ? Alors que l’outil informatique s’incruste au quotidien dans les salles de classe, le document prévu depuis 2015 n’est tout simplement pas finalisé à 46 jours de l'entrée en application du RGPD.
En mars 2016, Najat Vallaud-Belkacem annonçait l’arrivée d’une charte de confiance des services numériques pour l’Éducation, élaborée par le ministère, la Chambre syndicale des sociétés d’études et de conseils numériques (SYNTEC numérique), l’Association française des industriels du numérique éducatif (AFINEF) et le syndicat national de l'édition.
Un document promis de longue date
Son objet ? « Permettre d’assurer la protection des données personnelles des élèves, des équipes pédagogiques et des parents ». Autant dire, un élément important à l’heure de vastes accords-cadres avec des mastodontes du secteur de l’édition.
D’ailleurs, en novembre 2015, le partenariat passé entre le ministère et Microsoft avait déjà programmé une telle « charte de confiance » destinée à « assurer la protection et la vie privée des données personnelles des élèves et des enseignants ».
En décembre 2016, Next INpact mettait la main sur une version préparatoire. On y découvrait que la fameuse charte avait pour objet de « recourir en confiance à des services numériques, souvent nouveaux, tout en garantissant la protection de leur vie privée et de leurs données personnelles ». Ainsi, « les données à caractère personnel concernant les élèves ne [seront] pas traitées pour des finalités autres que celles du service, objet du contrat liant le prestataire de services au client ».
Amélioration du service, hébergement n'importe où dans le monde
Le texte autorise les analyses comportementales des élèves, à condition que le traitement soit limité au suivi pédagogique de l’élève par les équipes enseignantes ou les responsables légaux, ou « à l’amélioration du service dans un cadre explicité à l’utilisateur et sans lien avec des services tiers ». De même, si une interdiction de diffuser de la publicité « dans les services » est sacralisée à l’égard des élèves, elle ne l’est pas pour les autres personnes des établissements…
Les données à caractère personnel aspirées lors de l’usage de ces solutions devront enfin être « préférentiellement hébergées en France ou en Europe », exposait le même document, sachant qu’elles pourront « également être hébergées en dehors de l’Union européenne dans le respect des textes en vigueur comme précisé dans les conditions contractuelles ».
Les critiques de la CNIL
En mai 2017, la CNIL avait néanmoins exprimé de bruyantes critiques, considérant que « compte tenu de la sensibilité des données en jeu, cette charte devrait se traduire par un encadrement juridique contraignant tant en ce qui concerne la non-utilisation des données scolaires à des fins commerciales, l’hébergement de ces données en France ou en Europe ou encore l’obligation de prendre des mesures de sécurité conformes aux normes en vigueur ».
En clair, une charte – soit un simple engagement, main droite en l’air – est un processus un peu léger pour accompagner la protection des données personnelles aussi sensibles, s’agissant d'une population qui compte des mineurs dans ses rangs.
Un document toujours en préparation
Voilà quelques semaines, nous avons contacté la CNIL pour savoir où en était ce chantier. La Commission n’a pu nous fournir la moindre information, assurant que la balle était dans le camp du ministère de l’Éducation nationale. Celui-ci nous a soutenu que le dossier avait pris un peu plus de temps que prévu suite au renouvellement présidentiel de 2017, tout en nous promettant de revenir vers nous très rapidement. C’était il y a plus de dix jours.
Le fait notable est que la fameuse charte, annoncée lors de l’accord signé avec Microsoft en 2015, aura finalement pris plus de temps que l’implémentation du règlement général sur la protection des données personnelles dans l’ensemble des États membres. Adopté par le Parlement européen le 14 avril 2016, il entrera en application le 25 mai 2018 (notre dossier RGPD en trois volets).
Le RGPD s'appliquera à l'ensemble des traitements, exigeant pour ceux mettant en jeu des données de mineurs, un niveau de protection renforcée. À l’occasion des débats autour du projet de loi sur les données personnelles, les sénateurs ont à ce titre voulu que les établissements mettent à disposition du public « la liste des traitements automatisés de données à caractère personnel effectués sous leur responsabilité ».
Détail piquant, il a aussi été prévu une sensibilisation obligatoire des élèves aux « règles applicables aux traitements des données à caractère personnel ».
La charte de confiance dans les outils numériques patine au ministère de l’Éducation
-
Un document promis de longue date
-
Amélioration du service, hébergement n'importe où dans le monde
-
Les critiques de la CNIL
-
Un document toujours en préparation
Commentaires (10)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 09/04/2018 à 14h12
En mars 2016, Najat Vallaud-Belkacem annonçait l’arrivée d’une charte de confiance des services numériques pour l’Éducation
Cela ne m’étonne pas d’elle : que de la gueule, mais peu d’actions et encore moins de résultats.
Le 09/04/2018 à 15h18
Le 09/04/2018 à 15h40
Le 09/04/2018 à 15h52
Le 09/04/2018 à 15h53
Il ne faut pas oublier qu’en plus de concerner des mineurs, ces dispositions concernent une inscription obligatoire. Quand les “gens” acceptent les conditions de Facebook ou je ne sais qui, il y a une démarche volontaire, certes à encadrer et surveiller, mais celui qui refuse strictement l’usage de ses données peut ne pas aller sur Facebook. Avec une école obligatoire, la population concernée n’a pas le choix.
Je me suis retrouvé dans cette situation absurde avec une charte à signer en primaire: Mon fils (en CM1) et moi nous engagions à respecter des règles que même les profs ne pouvaient pas comprendre ou respecter complètement. (par exemple des choses sur le copyright, genre 100% des adultes et des enfants y connaissent quelque chose…)
Sinon, mon fils aurait été empêché de suivre certains enseignements.
Bref, le filtre doit être en amont de l’utilisation, et bien serré. Ce ne seront pas les élèves (trop jeunes), les enseignants (ils doivent déjà maîtriser leur(s) matières) ou les parents (99% de la population à former) qui pourront limiter les débordements.
Le 09/04/2018 à 15h59
Le 09/04/2018 à 16h59
Charte ou non le problème sera toujours au bon vouloir de l’enseignant qui continuera d’utiliser les mêmes outils qu’il utilise à la maison.
Du Google drive, dropbox,… pour déposer les supports de cours, utiliser Gmail à la place de son adresse académique (ou ENT), utiliser des logiciels privés pour le suivi scolaire,…
C’est malheureusement très souvent le cas, les parents ne sont pas toujours au courant ou ne voient pas le problème.
Il existe pourtant des solutions libres et/ou académique…
Sans doute un manque de formation sur ces outils ou pas de prise de conscience de ce qu’ils font.
Le simple fait de leur signaler donne bien trop souvent une réponse sur le droit à la “liberté pédagogique”.
PS : Je bosse à l’éducation nationale et je suis confronté régulièrement à ce genre de cas voir encore plus extrême.
Le 10/04/2018 à 06h01
Sache quand même que Ministère de Najat a été et de très loin l’un des plus actifs, dans le sens où beaucoup de mesures dont certaines assez lourdes ont été justement mise en place. Quant à leur justesse et leur efficacité, il est sûr que là je me montrerais critique, mais dire qu’elle n’a rien fait montre ta méconnaissance du sujet.
De même en termes d’éduc, attendre des résultats tout de suite sur le même quinquennat, ça n’a pas de sens en dehors du cadre des promesses de campagne présidentielle.
Le 10/04/2018 à 06h04
Moi aussi je bosse beaucoup avec l’Educ. Ce que tu dis exxiste mais je ne généraliserai pas autant que toi. Et je trouve que le libre reste utilisé (au moins Libre Office et Firefox). Et surtout la plupart du temps non l’enseignant ne peut pas utiliser la même chose que chez lui : le matériel ne le permet pas, il n’y a pas les budgets, les mêmes barrières techniques également..
Le 10/04/2018 à 09h59