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Réforme constitutionnelle : le projet de « Charte numérique » se dévoile

La charte et le digital

Réforme constitutionnelle : le projet de « Charte numérique » se dévoile

Le 22 juin 2018 à 13h37

Le groupe de travail sur les « droits et libertés constitutionnels à l'ère numérique » a remis aujourd’hui ses conclusions aux présidents de l’Assemblée et du Sénat. Les parlementaires préconisent d’introduire une « Charte du numérique », qui protègerait notamment le droit d’accéder à Internet, la neutralité des réseaux ou la liberté d'expression.

Quinze jours après avoir procédé à sa première audition, le groupe de travail co-présidé par la députée Paula Forteza (LREM) et le sénateur Christophe-André Frassa (LR) a fait savoir à François De Rugy et Gérard Larcher qu’il était favorable à l’intégration d’une « Charte du numérique » dans le préambule de la Constitution de 1958, « à l’instar de la Charte de l’environnement de 2004 ».

Les dix-neuf parlementaires qui siégeaient dans cette sorte de « commission mixte » reconnaissent que le sujet dont ils avaient été saisis par les présidents des assemblées « mériterait un traitement plus approfondi », mais que le résultat de leurs délibérations pourrait s’avérer « utile aux débats » sur la réforme constitutionnelle. Le calendrier était en effet extrêmement contraint, puisque les discussions débuteront mardi prochain à l’Assemblée nationale.

Un projet qui « mériterait un traitement plus approfondi »

 

Dans le détail, députés et sénateurs ont planché sur trois projets, avant de privilégier le premier :

  1. L’intégration d’une « Charte du numérique » dans le préambule de la Constitution
  2. La reconnaissance du « rôle du numérique dans l’expression démocratique » dans l’article 4 de la Constitution
  3. L’entrée de « certains enjeux liés au numérique » dans la liste des sujets relevant du domaine de la loi (au sens de l’article 34 de la Constitution)

Le président de l’Assemblée nationale a rendu public ce matin les propositions du groupe de travail. S’agissant de la « Charte du numérique », les parlementaires ont préparé un texte (PDF) articulé autour de sept articles, chacun visant à garantir un grand principe.

Droit d’accès à Internet (Art. 1). « La loi garantit à toute personne un droit d’accès aux réseaux numérique libre, égal et sans discrimination. »

Neutralité du Net (Art. 2). « Dans les limites et les conditions fixées par la loi, les réseaux numériques sont développés dans l’intérêt collectif et respectent le principe de neutralité qui implique un trafic libre et l’égalité de traitement. »

Liberté d’expression (Art. 3). « Le numérique facilite la participation de toute personne à la vie publique et l’expression des idées et des opinions. »

Droit d’accès aux informations publiques et à l’Open Data (Art. 4). « Toute personne a le droit, dans les limites et les conditions fixées par la loi, d’accéder aux informations détenues par les autorités publiques ou utiles à un débat d’intérêt public et de les réutiliser. »

Protection des données personnelles (Art. 5). « La loi garantit à toute personne la protection des données à caractère personnel qui la concernent et le contrôle des usages qui en sont faits. »

Droit à l’éducation au numérique (Art. 6). « Toute personne a le droit à l’éducation et à la formation au numérique et à son utilisation. »

Portée internationale (Art. 7). « La présente Charte inspire l’action européenne et internationale de la France. »

À titre liminaire, le texte contient plusieurs « considérants » (comme on dit dans le jargon) afin de poser symboliquement certaines idées, comme le fait que « l’égalité des personnes et des territoires face au numérique est un objectif que l’État doit rechercher ».

Débats dès la semaine prochaine en commission des lois

Contactée par nos soins, la députée Paula Forteza confirme qu’elle proposera dès la semaine prochaine l’introduction de cette charte au travers d’un amendement au projet de loi constitutionnelle. « La France ne peut pas manquer le rendez-vous de la révision qui approche pour faire rentrer la Constitution dans l’ère du numérique, en y inscrivant le noyau dur de droits et libertés qui constituent la vision française du numérique », a par ailleurs fait savoir l’élue par voie de communiqué.

Alors que la neutralité du Net a récemment pris fin outre-Atlantique, la parlementaire soutient que le législateur français a « une occasion unique de consolider un modèle du numérique alternatif à celui des États-Unis et de la Chine ». Elle entend ainsi appeler ses collègues à « protéger au plus haut niveau les grands principes d’un numérique pour tous ».

Comme nous l’avaient expliqué plusieurs membres du groupe de travail, l’idée est d’ancrer de grands principes dans ce qu’on appelle le bloc de constitutionnalité (la Constitution et différents textes afférents, comme la Déclaration des droits de l’homme de 1789, qui ont tous valeur constitutionnelle) afin de les protéger des aléas politiques.

L’introduction de cette charte est cependant loin de faire l’unanimité. Auditionné par le groupe de travail, Laurent Cytermann, maître des requêtes au Conseil d’État, avait clairement affirmé que certains principes étaient déjà protégés par les textes suprêmes : « Il y a, sur le droit à la protection des données personnelles, sur le droit d'accès à Internet, un véritable ancrage constitutionnel, une véritable protection constitutionnelle, sur la base de principes existants – qui fait que ces principes sont aujourd'hui constitutionnellement protégés. »

Entre opportunité d’introduire une charte et contenu de cette charte, les débats ne font que commencer (voir à ce sujet notre interview de Benjamin Bayart, cofondateur de La Quadrature du Net). Ils se poursuivront d’ailleurs au Sénat, où le soutien des élus de la Haute assemblée sera indispensable à la réussite de la réforme constitutionnelle portée par le chef de l’État.

Commentaires (16)

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Jeu des 7 différences : trouvez les passages qui sont incompatibles avec les textes récents



Sujet complémentaire, vous décrirez comment l’article 3 de la charte peut s’accomoder de l’art 13 voté en commission JURI cette semaine ^^

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Les parlementaires préconisent d’introduire une « Charte du numérique », qui protègerait notamment le droit d’accéder à Internet, la neutralité des réseaux ou la liberté d’expression.



Le lendemain du vote de la directive du droit d’auteur qui permet de censurer un site sur simple demande.

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Romaindu83 a écrit :



Aux dernières nouvelles, il existe encore des zones blanches en France métropolitaine et dans les dom-tom. Si l’article 1 doit être respecté, je conseille au Gouvernement de mettre sur la table quelque dizaine de millions d’euros pour relier ces zones à Internet, puisque les FAI ne sont pas foutus de s’y intéresser.



Avant d’écrire un article, dans une charte qui va être incluse dans notre Constitution, ce serait bien que les parlementaires prennent en considération la situation des zones rurales et les dom-tom en terme d’accès à Internet… et pas que d’ailleurs.



 

« Sur le plan substantiel, une Constitution contient deux types de règles. D’une part des règles relatives au fonctionnement des institutions, d’autre part des règles relatives aux droits garantis aux individus. Cette conception de la Constitution est inscrite dans l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminées, n’a point de Constitution ». […] Par ailleurs, la Constitution exprime un certain nombre de valeurs (par exemple l’égalité ontologique entre les hommes), pose un certain nombre de principes (par exemple la souveraineté nationale) et décline un certain nombre de droits (par exemple la liberté d’expression). »




  • source



    Exprimer des valeurs, des principes, des droits dans un texte fondamental, cela ne veut pas dire que ça existe concrètement dans la réalité. Cela veut dire que, dans l’absolu, ce sont des valeurs, des principes, des droits reconnues et souhaitées par notre Société.


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Art. 1er. - Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »



Art. 1. Charte du numérique

« La loi garantit à toute personne un droit d’accès aux réseaux numérique libre, égal et sans discrimination. »



C’est un peu la même chose qui se répète… Le législateur ne serait-il pas en train de réinventer la roue ?

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La Constitution devient un torchon.



«&nbsp;Le numérique facilite la participation de toute personne à la vie publique et l’expression des idées et des opinions.&nbsp;» Sauf si votre opinion n’est pas en raccord avec l’idéologie libérale dominante.

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MoonRa a écrit :



La Constitution devient un torchon.




   «&nbsp;Le numérique facilite la participation de toute personne à la vie publique et l’expression des idées et des opinions.&nbsp;» **Sauf si votre opinion n'est pas en raccord avec l'idéologie libérale dominante.






  &nbsp;&nbsp;   

&nbsp;L'article 3 de ce projet de « Charte du numérique » ressemble à un truisme qui tente maladroitement de paraphraser l'Article 11 de la&nbsp;Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789&nbsp;:



&nbsp;



 &nbsp;« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »

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Il semble pourtant que les idées libérales n’ont pas vraiment le vent dans les voiles en ce moment, dans un monde plus numérique que jamais.



Le numérique favorise plutôt les idées les plus immédiatement satisfaisantes : les utopies, l’idée que tous les problèmes sont de la faute des étrangers, des juifs, des pauvres, ou des riches, les solutions simplistes etc. Tout en faisant croire qu’en lisant un post Facebook on est un révolutionnaire opprimé par le gouvernement (alors que le post est lui même une manipulation politique qui permettra au prochain gouvernement populiste d’arriver au pouvoir).



Le numérique est le nouvel espace de débat publique, sa protection en tant que tel est une bonne idée pas tant pour se protéger des libéraux (menace limitée pour les libertés publiques comme le montre le débat public en ligne) mais des populistes qui à la première occasion instaureront un système de censure politique pour se maintenir au pouvoir comme on peut le constater, par ex, en Europe de l’est, en Turquie ou en Chine…



En effet nous sommes encore au début du numérique et je pense que la société prendra du temps pour s’approprier pleinement l’outil, développer les anticorps nécessaires pour ignorer les idées les plus stupides/dangeureuses, et une protection solide et effective de la libre expression et du débat en ligne en est la première étape.

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Est-ce qu’une interprétation moderne de l’article 11 ne suffirait pas ?

En se mettant bien dans le crâne qu’internet c’est un moyen de parler, écrire et imprimer (mais sur des écrans), on pourrait se dire que la question ne devrait même pas être là.

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T’illustre bien le bordel ambiant… Quand ta constitution est limitée par la Loi, tu peux la jeter à la poubelle.

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Quand le mot “Loi” est utilisé dans la Constitution, c’est vis-à-vis du pouvoir exécutif qui pourrait limiter trop facilement les droits des individus ou porter arbitrairement préjudice aux “valeurs”, “principes fondamentaux” communément admis dans notre Société.




La Constitution sert à énoncer des principes valables dans l'absolu.&nbsp;La Loi sert à énoncer des règles valables concrètement dans des contextes précis. La plupart du temps, la Loi limite les grands principes énoncés par la Constitution, c'est son rôle pour rendre applicables les grands principes dans la réalité concrète (et dans le respect de la Constitution). La Loi ne s'oppose pas à la Constitution, au contraire : la Constitution est le fondement de notre Société, la règle (loi, décret, arrêté, circulaire, jugement, etc) est le pilier de notre Société.
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D’ailleurs, l’expression «&nbsp;La loi garantit à toute personne […]&nbsp;»&nbsp;utilisée dans quelques articles de ce projet de « Charte du Numérique » semble contradictoire avec l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen :&nbsp;«&nbsp;La Loi est l’expression de la volonté générale. […] »




Cette expression limiterait le pouvoir du "Peuple", ce qui entre en conflit avec d'autres principes constitutionnels.
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C’est ce que je pense aussi. Mais peut-être est-il utile de préciser dans la Constitution que les communications électroniques et les services numériques sont un “service public” essentiel à l’exercice des droits fondamentaux ? Je pose la question même si j’en doute beaucoup, surtout si c’est pour réécrire les Droits de l’Homme dans une version contextualisée (et parfois maladroite).

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Pas besoin de tout réécrire, pas forcément besoin de modifier la constitution, à moins que la définition que l’on modifie soit dans la constitution.

C’est au mieux une précision à faire, mais ils paraphrasent tout en mode numérique, et c’est pas mieux que l’original.

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“La Constitution sert à énoncer des principes valables dans l’absolu”



Oui, c’est ce que je disais. Si les principes énoncés ne sont pas absolus, autant ne pas les énoncer. On s’économisera quelques caractères dans un texte qui n’est le fondement de rien du tout. Dès le premier article, la Constitution est bafouée…



J’passe une bonne journée. Youpi.

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MoonRa a écrit :



La Constitution devient un torchon.



«&nbsp;Le numérique facilite la participation de toute personne à la vie publique et l’expression des idées et des opinions.&nbsp;» Sauf si votre opinion n’est pas en raccord avec l’idéologie libérale dominante.





donc selon toi tout ce qui va à l’encontre de l’“idéologie libérale dominante” serait censuré et interdit d’expression…? Tu as une idée de ce que signifie “libéral”, en fait…? (un indice : si ça ressemble à “liberté” c’est pas un hasard)


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Aux dernières nouvelles, il existe encore des zones blanches en France métropolitaine et dans les dom-tom. Si l’article 1 doit être respecté, je conseille au Gouvernement de mettre sur la table quelque dizaine de millions d’euros pour relier ces zones à Internet, puisque les FAI ne sont pas foutus de s’y intéresser.



Avant d’écrire un article, dans une charte qui va être incluse dans notre Constitution, ce serait bien que les parlementaires prennent en considération la situation des zones rurales et les dom-tom en terme d’accès à Internet… et pas que d’ailleurs.

Réforme constitutionnelle : le projet de « Charte numérique » se dévoile

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