[Interview] Le fondateur d’Ulule évoque la responsabilité des plateformes
« Découvrir chaque jour des dizaines de projets, c'est passionnant »
Le 31 juillet 2013 à 09h11
7 min
Économie
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Dans le cadre de la rédaction de notre dossier sur le financement participatif dans le secteur des jeux vidéo, nous avons pu nous entretenir avec Alexandre Boucherot, le fondateur de la plateforme Ulule. Vous retrouverez ici la retranscription en intégralité de nos échanges.
Actuellement, sur Ulule comment se portent les projets liés au jeu vidéo ? Sont-ils nombreux ? Quelles sommes ont été collectées cette année/l’an passé ?
Il y a relativement peu de jeux vidéo en cours de financement à ce stade sur Ulule. Une petite dizaine en ce moment, à tout casser. Plutôt moins que des jeux de plateau, JdR, etc. qui marchent très fort sur Ulule ! Et beaucoup moins bien sûr que les projets de films, la première catégorie du site avec près de 1000 films financés avec succès.
La rubrique jeux représente aujourd'hui environ 8% de l'activité du site (ce chiffre regroupe jeux vidéo et jeux de plateau). Cette activité augmente au même rythme que l'ensemble des catégories du site : en 6 mois, Ulule a triplé son activité : nombres de projets financés, sommes collectées, etc. La croissance ne se dément pas : le financement participatif est de plus en plus reconnu, de mieux en mieux compris.
Un autre élément à prendre en compte : si Ulule n'a pas encore connu de blockbuster en jeu vidéo (à part dans une certaine mesure Magrunner et ses 110 000 € collectés, en partenariat avec notre partenaire Gamesplanet), beaucoup de projets ont connu ou connaissent de vrais succès d'estime comme Deadlock, Pix my Street, ou Post Human W.A.R. L'utilité du crowdfunding ne se mesure pas uniquement aux gros projets, mais à la corrélation entre un projet et son public à un instant T. Les bons exemples apportant de nouveaux projets, nous sommes donc à peu près convaincus que de plus en plus de créateurs de jeux vidéo feront appel à Ulule.
Kickstarter trust la plupart du marché du financement des jeux vidéo, souvent pour financer des acteurs américains. Quels éléments manquent au marché français pour le dynamiser ?
Est-ce une question qui concerne le marché du financement participatif... ou celui du jeu vidéo ? Sincèrement, la réponse n'est pas évidente... Nous avons vu pas mal de projets français aller se casser les dents sur Kickstarter... Une campagne de crowdfunding réussie, c'est à la fois et surtout un public local, et parfois un public international. Nous avons une expérience internationale sur Ulule vu que le site existe en 6 langues : par exemple, des projets comme Magrunner, Warblade MKII ou les serveurs Farming Simulator ont été très largement financés en Allemagne, Pologne, Ukraine ou dans les pays nordiques.
Pourquoi n'y a-t-il pas plus de réussites éclatantes en France que sur Kickstarter ? Peut-être tout simplement parce qu'il y a assez peu de « Tim Schafer français », des projets qui ont à la fois un public local et une dimension internationale... mais ça viendra !
Le gouvernement, et plus particulièrement Fleur Pellerin, travaille sur un cadre légal pour le financement participatif, est-ce selon vous un élément qui pourrait déclencher un mouvement sur votre marché ? Qu’attendez-vous de ces discussions ?
Nous avons eu l'occasion de dire à Fleur Pellerin qu'en ce qui concerne notre secteur (le crowdfunding "reward based", sans contreparties financières) nous n'attendions pas de modifications du cadre légal, et ceci pour une raison simple : Ulule est d'ores et déjà entièrement encadré d'un point de vue réglementaire et 100% légal. Ce que nous attendons des pouvoirs publics, c'est qu'ils comprennent - voir qu'ils promeuvent - notre secteur, qui permet à de nombreux projets créatifs ou entrepreneuriaux de voir le jour.
Pour être complet, le gouvernement s'interroge beaucoup sur le cadre légal de deux autres "branches" du crowdfunding : l'equity et le peer-to-peer lending. Sur ces activités - qui ne sont pas celles d'Ulule - il y a en effet des améliorations réglementaires nécessaires pour libérer le potentiel des plateformes concernées. L'equity notamment, ou la distribution de royalties, pourraient faire sens pour certains acteurs du jeu vidéo. (NdR : Ulule a récemment lancé une consultation autour d'une éventuelle version « Entreprises » du site)
Mais encore une fois, sur Ulule nous faisons le pari qu'il est possible de financer des projets sans entrer dans une logique de prêts ou de retours financiers, sur une dynamique qui est très différente d'une simple logique financière : l'adhésion à un projet, le partage d'une expérience, la liberté absolue pour le créateur etc. Ce qui ne nous empêche pas bien sûr de souhaiter que d'autres solutions s'ouvrent aux porteurs de projets.
Admettons qu'un projet de la même envergure que le film N00b soit financé, récolte beaucoup d'argent, et que pour une raison quelconque (disons un cas de force majeure comme le décès du créateur) ce dernier n'aboutisse pas, que devient l'argent des internautes ? Peuvent-ils en récupérer tout ou partie ?
Il est arrivé dans de très rares occasions (moins d'une dizaine sur plus de 2500 projets financés) que les porteurs de projets soient amenés à rembourser leurs soutiens. Comme l'indique très clairement le site, le porteur de projet est responsable des sommes collectées et des contreparties à fournir vis-à-vis des internautes qui ont soutenu son projet.
Les plateformes ont-elles un rôle à jouer dans un tel cas ? Provisionnent-elles des sommes dans le cas d’un tel incident pour rembourser les contributeurs, ou leur fournir une assistance juridique ?
Elles ont un rôle à jouer bien sûr, d'abord par souci moral, et plus prosaïquement parce qu'une mauvaise perception du service par les internautes reviendrait de fait à se tirer une balle dans le pied. En pratique, il y a d'abord un gros travail effectué en amont avec les porteurs de projet pour s'assurer de leur compréhension du système et de leur responsabilité. Ulule ne provisionne pas de sommes pour effectuer des remboursements, parce que c'est légalement au porteur de projet de s'assurer qu'il sera en mesure de délivrer ses contreparties. Si Ulule avait dû « couvrir » de telles sommes, c'est plus de 8 millions au total, soit le total des sommes collectées au 1er juillet 2013, qu'il aurait fallu provisionner !
En revanche : oui, Ulule s'est préparé à fournir une assistance juridique aux internautes si cela est nécessaire. Nous n'avons encore jamais eu à l'activer, parce que tout s'est toujours bien passé jusqu'à aujourd'hui même dans les très rares cas où les internautes ont dû être remboursés par le porteur de projet. Le crowdfunding repose sur la confiance. Il nous incombe de créer les meilleures conditions pour que cette confiance puisse être partagée par tous.
Y a-t-il un tri fait en amont par la plateforme, pour limiter les risques ou n’importe quel projet peut être financé
Oui, tous les projets sont modérés et validés en amont. Nous avons des critères de sélection à la fois ouverts, pour ne pas reproduire les schémas de sélection classiques, et d'autres plus stricts. C'est un gros boulot, parce que nous recevons beaucoup de propositions, parfois assez farfelues... Mais c'est aussi ce qui rend notre travail excitant : découvrir chaque jour des dizaines de projets, essayer d'en évaluer la faisabilité, contacter ou rencontrer les porteurs de projets... c'est passionnant !
Merci à Alexandre Boucherot pour ses réponses.
[Interview] Le fondateur d’Ulule évoque la responsabilité des plateformes
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Actuellement, sur Ulule comment se portent les projets liés au jeu vidéo ? Sont-ils nombreux ? Quelles sommes ont été collectées cette année/l’an passé ?
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Kickstarter trust la plupart du marché du financement des jeux vidéo, souvent pour financer des acteurs américains. Quels éléments manquent au marché français pour le dynamiser ?
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Le gouvernement, et plus particulièrement Fleur Pellerin, travaille sur un cadre légal pour le financement participatif, est-ce selon vous un élément qui pourrait déclencher un mouvement sur votre marché ? Qu’attendez-vous de ces discussions ?
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Admettons qu'un projet de la même envergure que le film N00b soit financé, récolte beaucoup d'argent, et que pour une raison quelconque (disons un cas de force majeure comme le décès du créateur) ce dernier n'aboutisse pas, que devient l'argent des internautes ? Peuvent-ils en récupérer tout ou partie ?
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Les plateformes ont-elles un rôle à jouer dans un tel cas ? Provisionnent-elles des sommes dans le cas d’un tel incident pour rembourser les contributeurs, ou leur fournir une assistance juridique ?
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Y a-t-il un tri fait en amont par la plateforme, pour limiter les risques ou n’importe quel projet peut être financé
Commentaires (17)
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Abonnez-vousLe 31/07/2013 à 18h55
Oui, tous les projets sont modérés et validés en amont. Nous avons des critères de sélection à la fois ouverts, pour ne pas reproduire les schémas de sélection classiques, et d’autres plus stricts.
Voilà pourquoi le taux de réussite d’Ulule est beaucoup plus élevé que Kickstarter, qui semble accepter tout est n’importe quoi pourvu qu’on parle d’eux (et attirer des investisseurs à tout prix). Le seul projet auquel je me suis permis de participer dans cette mode c’est la libération des cahiers de l’admin Debian, c’était sur Ulule !
Le 01/08/2013 à 11h25
J’étais chaud bouillant lorsque le financement participatif a déboulé dans nos vertes contrées, puis j’ai commencé à m’intéresser de plus prêt à la protection des “donateurs” qui pour dire les choses clairement n’ont aucun droit ni titre, si ce n’est celui de se faire arnaquer et c’est d’ailleurs mon cas avec ulule, où je me suis laissé berner par ce qui s’apparente manifestement à un aigrefin, puisqu’il ne donne plus aucun signe de vie alors que son documentaire devrait être terminé depuis belle lurette maintenant.
Du coup aujourd’hui et tant que le “backer” ne sera pas mieux protégé par la législation et bien je n’investirai plus rien dans aucun projet (en particulier sur kickstarter où j’ai participé au financement de deux jeux pas encore sortis) sauf à avoir d’énormes garanties, que les inconnus sans aucun passif sérieux, ne pourront pas me donner.
Le 31/07/2013 à 10h05
Je me demande quel est le projet le plus farfelu qu’ils aient vu :)
Le 31/07/2013 à 11h44
Le 31/07/2013 à 11h52
Le 31/07/2013 à 11h55
Le 31/07/2013 à 11h56
Le 31/07/2013 à 12h16
-doublon-
Le 31/07/2013 à 12h17
Le 31/07/2013 à 12h46
Ben voila, on a trouvé une solution pour Hadopi ! " />
Le 31/07/2013 à 12h47
J’ai été remboursé quand “one over nyne” a raté son coup sur Ulule. " />
Depuis on est tombé de charybde en scylla puisque le jeu a été fermé pour cause de hackage.
C’est vraiment dommage la version 3D en démo vidéo était excellente.
Le 31/07/2013 à 13h10
marrant, ils parlent pas de Massilia…
Le 31/07/2013 à 14h36
Le 31/07/2013 à 14h54
Je me disais bien, suite au dossier sur le crowdfunding : “Tiens ! Il manque Ulule dans le coin !” " />
" /> —>[]
Le 31/07/2013 à 16h15
Nous avons eu l’occasion de dire à Fleur Pellerin qu’en ce qui concerne notre secteur (le crowdfunding “reward based”, sans contreparties financières) nous n’attendions pas de modifications du cadre légal
Traduction : Euh, les gars, cassez pas tout une fois de plus avec vos gros panards.
L’état Français : Oh, des créateurs, de l’activité, de la vie, ça remue…. vite une loi.
Le 31/07/2013 à 17h49
Le 31/07/2013 à 18h04