Le Conseil d’État rejette les recours de Free et FDN contre des décrets Hadopi
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Le 27 décembre 2013 à 08h17
5 min
Droit
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Le verdict est finalement tombé hier : le Conseil d’État a rejeté les recours introduits par Free et l'association French Data Network (FDN) contre deux décrets d’application de la loi « Création et Internet » de 2009, celle instituant la Hadopi. Explications.
Comme c’est traditionnellement le cas lorsqu’une loi est adoptée, différents décrets d’application ont été pris par le gouvernement Fillon suite au vote de la loi Hadopi. Le 12 octobre 2010, un décret dit « anti-Free » fut ainsi publié pour faire plier l’opérateur, qui refusait alors de relayer les premiers courriels d’avertissement à ses clients pris dans les filets de la riposte graduée.
En vertu de ce texte émanant du ministère de la Culture, les FAI étaient expressément « tenus d'adresser par voie électronique à l'abonné chacune des recommandations (…) dans un délai de vingt-quatre heures suivant sa transmission par la commission de protection des droits » de la Hadopi. Tout opérateur ne remplissant pas cette mission est depuis passible d’une amende d’un montant maximal de 1 500 euros d’amende par email non transmis.
Le décret « anti-Free » devant le Conseil d’État
En réaction, Free avait attaqué ce décret devant le Conseil d’État. L’opérateur clamait que celui-ci était illicite, notamment dans la mesure où différentes formalités n’avaient pas été respectées par l’exécutif (absence de contreseing du ministre de l'Économie, pas de consultation de l’ARCEP,...). Mais dans sa décision, rendue hier (et disponible ici), la juridiction administrative ne l’a pas entendu de cette oreille. À ses yeux, tout est en règle.
En effet, même si l'article L. 36 - 5 du Code des postes et des communications électroniques prévoit que l’ARCEP soit « consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques et participe à leur mise en œuvre » le Conseil d’État a considéré que le lien était trop lointain avec le décret anti-Free. La juridiction a ainsi retenu que « le décret attaqué se borne à rappeler l'obligation faite aux personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne ayant conclu un contrat avec des abonnés de transmettre à ces derniers les recommandations de la commission de protection des droits de la HADOPI ».
Les arguments invoqués par Free ont ainsi tous été balayés par les magistrats de l'ordre administratif, tant sur la forme que sur le fond. Tandis que Free prétendait que la mise en oeuvre « sans délai » des obligations d'envoi des emails portait atteinte au principe de sécurité juridique, le Conseil d’État n’y a rien trouvé à redire. « L'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont (...) imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante » indique la décision des juges.
Résultat : le décret n’est pas entaché d’irrégularité aux yeux du Conseil d’État. Ce dernier a donc rejeté le recours de Free et refusé par la même occasion d’annuler le texte litigieux.
Pas d'irrégularités aux yeux du juge administratif, même pour le recours de la FDN
La haute juridiction administrative a également rendu son verdict sur un second recours, qui avait été introduit en parallèle par French Data Network (PDF). L’association alors présidée par Benjamin Bayart visait cette fois un décret du 11 mars 2011 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel autorisé par l'article L. 3331 - 29 du Code de la propriété intellectuelle. Un traitement qui est au cœur de la riposte graduée (saisines des ayants droit, notifications aux procureurs, etc.).
De la même manière que Free, FDN considérait que l’ARCEP aurait du être sollicitée par le gouvernement à propos de ce décret. Mais l’absence de consultation de l’autorité administrative n’est pas vue comme un argument valable aux yeux du Conseil d’État. Étant donné qu’il porte sur un traitement de données à caractère personnel, « le décret attaqué ne concerne pas les communications électroniques au sens des dispositions de l'article L. 36 - 5 au code des postes et des télécommunications électroniques » balaye ainsi la juridiction.
Aussi, l’association clamait qu’une différence en matière de délais d’effacement des données contenues dans ce traitement automatisé était de nature à porter atteinte à la présomption d’innocence. Et pour cause : en fonction des suites réservées par la justice aux dossiers, la suppression des données n’intervient pas au même moment. Mais pour le Conseil d’État, « cette différence n'a aucune incidence sur la culpabilité éventuelle des personnes concernées ». En ce sens, il n’y a « aucune automaticité entre la durée de conservation des données et le prononcé (...) d'une sanction pénale par l'autorité judiciaire ».
Deux échecs successifs pour l'association
Bref. Comme pour Free, la haute juridiction administrative a balayé tous les arguments avancés par le plaignant et rejeté le recours de French Data Network. Les magistrats ont ainsi suivi les conclusions du rapporteur public, qui avait préconisé un rejet des demandes de Free et FDN lors des audiences, en octobre dernier.
Rappelons enfin que ce n'est pas la première fois que l'association dont Benjamin Bayart est aujourd'hui le porte-parole connait une telle déconvenue devant le Conseil d'État à propos de décrets concernant la loi Hadopi. En 2011, l'institution avait en effet déjà refusé de donner suites aux demandes de la FDN, mais également à Apple.
Le Conseil d’État rejette les recours de Free et FDN contre des décrets Hadopi
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Le décret « anti-Free » devant le Conseil d’État
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Pas d'irrégularités aux yeux du juge administratif, même pour le recours de la FDN
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Deux échecs successifs pour l'association
Commentaires (28)
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Abonnez-vousLe 27/12/2013 à 10h12
TOUS POURRIS !
Le 27/12/2013 à 10h21
Que peu t’on attendre d’une administration geré par des politiciens capablent de dire que -100 est un chiffre positif.
La réalité est dictée par les politiques. Si ils vous disent que le ciel est vert … il est vert et puis c’est tout.
Le 27/12/2013 à 11h40
hadopi a t-elle payée les FAIs au fait ?
Allez qui croît encore à la liberté dans ce pays ?
Parce qu’hadopi, c’est le début du flicage et de la censure de l’Internet, mais c’est pour votre sécurité, qu’ils (le gouv) disent.
Le 27/12/2013 à 11h41
Le 27/12/2013 à 12h26
Ca etonne qui ? Dans cette fausse democratie ou on crache a la tronche du peuple quand il s agit de lui mettre profond… sinon hadopi quisertarien a t elle fait qqchose pour les offres legales ? Parce qu a part emmerder le monde et couter du fric… emplois fictifs….
Le 27/12/2013 à 14h00
Comment commenter cette actu intelligemment ? Perso je vois pas, alors je vais balancer une connerie inutile.
Vive la France et le Conseil d’État !
Le 27/12/2013 à 17h03
Pour moi, cette actu à un étrange gout de je le sait déjà !
Effectivement free transmet bien les infos à l’hadopi, " />
je viens de recevoir mon premier mail d’avertissement aujourd’hui même " />
Zut va falloir que je réfléchisse pour pas me refaire choper une deuxième fois." />
Le 27/12/2013 à 20h17
Le 27/12/2013 à 21h08
Hop go pour mettre en place les servers SMTP et le stockage des infos.
Le 28/12/2013 à 03h03
Le 28/12/2013 à 06h47
Le 28/12/2013 à 09h25
Le 28/12/2013 à 15h25
Le 28/12/2013 à 17h17
Le 29/12/2013 à 10h44
Le 27/12/2013 à 08h22
Pourquoi cela ne m’étonne pas?
Le 27/12/2013 à 08h29
Donc rien empeche Free d´envoyer sous format electronique des scans pourris des listes? " />
Le 27/12/2013 à 08h31
Surtout pourquoi plus de 2 ans pour délibérer ?
Le 27/12/2013 à 08h40
Le 27/12/2013 à 08h42
C’est surtout que HADOPI continue à faire chier son monde , que l’état français continue de construire des aberrations par la non compréhension de l’économie numérique malgré les promesses du Candidat Hollande et surtout le non respect de la charte de déontologie sur ses propres promesses.
Quand on respecte même pas des promesses qui ne dépendent pas de la conjoncture ou d’événements extérieurs inattendus, on est un escroc !
Le 27/12/2013 à 08h46
Petit HS intéressant.
Benjamin Bayart n’est plus le président de FDN depuis cette année.
Il “n’est plus que” le porte parole. La présidence ayant été reprise par “Arnaud Luquin”.
Je pense qu’il a quitté son poste de président parce que FDN devenait trop gros, on l’entends souvent dire que ça ne lui plait pas beaucoup d’avoir une grosse association où tout le monde ne connait pas tout le monde.
—
A part ça, sur le fond => bouarf…
Le 27/12/2013 à 08h50
s/“L’association présidée”/“L’association alors présidée”
Benjamin n’est plus président mais porte parole.
Échouer, c’est au moins avoir essayé, merci donc.
[Edit] touch444719 m’a coiffé au poteau
Par contre je pense que tu fais erreur sur les motivations qui l’ont amenées à quitter la présidence de FDN, tu devrais voir ça avec lui, si le sujet t’interroge.
[Troll] Au fait, y’a quoi ce soir sur Bitorrent ? [/Troll]
Le 27/12/2013 à 09h02
C’est vrais que la gauche au pouvoir, c’est un peu comme la droite. La sensation de traitrise en plus… Par ce que j’ai un peu voté pour eux. On ne m’y reprendra plus de partir voter. Voleurs, menteurs, traitres.
Cordialement.
Le 27/12/2013 à 09h20
Intéressantes conclusions du Conseil d’Etat. Il existe des dangers dans la création de la Hadopi pour la sérénité du citoyen dans l’usage des services de communications électroniques, pour autant c’est surtout la séparation des pouvoirs qu’il faut surveiller dans les processus de décisions de l’Etat. A ce sujet, il me semble qu’un recours auprès du Conseil constitutionnel avait été fait, ce qui avait déjà “nettoyé” substantiellement la loi “Hadopi”.
Le droit est une matière qui exige une grande précision. Pour cette raison, il vaut mieux ne pas utiliser des termes comme “échec” car faire un recours auprès d’une juridiction est plutôt une question que l’on pose qu’un préjugé que l’on formule face à un juge (d’autant que le Droit administratif est un droit strictement applicable contrairement au Droit civil qui ne fait que limiter la liberté de chacun).
Le 27/12/2013 à 09h37
Le 27/12/2013 à 10h02
Le 27/12/2013 à 10h07
Merci pour vos précisions concernant Benjamin Bayart, j’avais loupé cet épisode et vient de corriger en conséquence " />
Le 27/12/2013 à 10h08
En même temps, vu la tronche de leurs moyens de légalité externe … c’est quand même tout ce qu’on dit quand on a rien à dire.
Sur la légalité interne, je suis plutôt d’accord avec le Conseil d’Etat.