Patrick Drahi (Altice) en piste pour le rachat de Libération
Xavier style
Le 14 mai 2014 à 06h20
5 min
Économie
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Patrick Drahi, patron d'Altice et principal actionnaire de Numericable-Completel (et bientôt SFR), semble suivre les pas de Xavier Niel. Après avoir investi 10 millions d'euros dans l'Institut Mines-Télécom afin de développer les MOOC, voilà que le milliardaire a ouvert son portefeuille et en a sorti 4 millions d'euros pour renflouer le quotidien Libération.
Patrick Drahi, à droite, lors d'une conférence de Numericable abordant le cas SFR.
Drahi en libérateur
Dévoilée par Mediapart ce lundi, la nouvelle a rapidement fait le tour de la presse française. Il faut dire que depuis plusieurs semaines, beaucoup se demandaient qui était l'homme mystère qui avait prêté quatre millions d'euros à Bruno Ledoux, actionnaire et président du conseil de surveillance de Libération. Le nom de Patrick Drahi avait déjà circulé, mais l'information avait été infirmée par le PDG du quotidien lui-même.
Très mal en point, le sort de Libération est sur toutes les lèvres depuis plusieurs mois maintenant. En mars dernier, le fameux trio Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre Bergé, qui détient déjà Le Monde et bien d'autres médias, s'était dit intéressé par le dossier, sans plus de détails. Début avril, nous apprenions que Bruno Ledoux comptait reverser quatre millions d'euros dans le journal, tout du moins si le tribunal de commerce venait à accepter son plan de recapitalisation.
Un peu plus d'un mois plus tard, nous apprenons donc qu'en réalité, Patrick Drahi se trouve derrière ce petit pactole. Une semi-surprise, sachant que dimanche, l'AFP indiquait déjà que le patron d'Altice était intéressé par le journal suite à des sollicitations de la part de Bruno Ledoux. « Patrick Drahi réfléchit au dossier et l'étudie, mais aucune décision n'est encore prise. (...) Les discussions avec Patrick Drahi sont très avancées et une décision devrait intervenir dans les jours qui viennent » ont ainsi précisé plusieurs sources proches du dossier.
« Cette stratégie du cheval de Troie contrevient au principe de transparence »
Mais ces quatre petits millions d'euros ne seraient qu'un amuse-bouche. Drahi pourrait en effet aller plus loin et investir quatorze millions d'euros supplémentaires d'après Mediapart. De quoi lui donner un poids conséquent et lui permettre de rentrer de plain-pied dans le capital du journal fondé par Jean-Paul Sartre. La nouvelle n'a toutefois pas spécialement plu aux journalistes de Libération. Ce n'est pas tant l'arrivée du milliardaire que la façon détournée qui agace.
« Pourquoi alors autant de cachoteries de la part de ces hommes d’affaires autour de Libération ? se demandent ainsi les employés du quotidien dans une tribune publiée hier. Selon Mediapart, Patrick Drahi aurait sorti son chéquier en urgence, afin de laisser le journal en vie le temps de se mettre d’accord sur le montant de sa part dans le reste de la recapitalisation. Si les négociations entre Ledoux et Drahi (ou tout autre investisseur) n’aboutissaient pas, le premier serait obligé de verser lui-même la totalité de la recapitalisation annoncée, soit 18 millions d’euros.
Cette stratégie du cheval de Troie contrevient au principe de transparence dans le financement de la presse, auquel les salariés de Libération demeurent particulièrement attachés et sur lequel ils entendent rester vigilants. Ce principe, posé au sortir de la Seconde guerre mondiale par le Conseil national de la Résistance et qui donnera lieu à deux ordonnances fondatrices en 1944, faisait de l’entreprise de presse « une maison de verre » reposant sur des règles simples : transparence, identification des dirigeants et des propriétaires. Or, aujourd’hui, la recapitalisation en cours repose sur le principe inverse, celui de la dissimulation volontaire. »
Les milliardaires du secteur des télécoms croquent les médias un à un
Roi du monde télécom avec des sociétés dans plusieurs territoires, Patrick Drahi s'attaque donc désormais aux médias. Il détient d'ores et déjà quelques petites chaînes en France, dont Vivolta, Shorts TV, Kombat Sport et le groupe MCS, mais d'un point de vue médiatique, cela n'a rien à voir avec Libération. Cela prouve surtout que les acteurs des télécoms, ces nouveaux riches, commencent à empiéter sur le monde des banques et autres financiers, qui détenaient auparavant une grande partie de la presse française. Depuis quelques années, la situation a cependant changé.
Xavier Niel, le fondateur d'Iliad (Free), a ainsi mis quelques millions dans divers journaux et sites internet, que ce soit à titre personnel ou accompagné d'autres investisseurs. En compagnie de Pierre Bergé et Matthieu Pigasse, il détient ainsi Le Monde, qui comprend le fameux quotidien, mais aussi Télérama, Courrier International, ou encore Le Monde Diplomatique. Le trio dispose aussi d'une part majoritaire dans Le Nouvel Observateur, un hebdomadaire propriété du groupe Perdriel. Les magazines Challenges et Sciences et Avenir, eux aussi dans le giron du groupe Perdriel, ne sont par contre pas concernés.
Outre ces parts majoritaires dans des quotidiens et hebdomadaires majeurs, Xavier Niel détient aussi des parts plus ou moins grandes dans certains sites. Selon un article de 2012 publié par le spécialiste des médias Acrimed, c'est le cas d'Atlantico, Mediapart, Bakchich, Electron Libre, Owni (fermé depuis) ou encore Causeur et Terra Eco. Depuis, l'homme d'affaires a aussi misé sur Marsactu.fr.
Patrick Drahi (Altice) en piste pour le rachat de Libération
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Les milliardaires du secteur des télécoms croquent les médias un à un
Commentaires (18)
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Abonnez-vousLe 14/05/2014 à 12h23
Le 14/05/2014 à 06h24
Avant Xavier Niel et avant Patrick Drahi, il y a eu Marcel Dassault puis Serge Dassault : Dassault Communication, Socpresse (Le Figaro, Valeurs actuelles,…)
Le 14/05/2014 à 06h24
Libération appartenant à un ultra capitaliste qui vit à travers des holdings basé dans des paradis fiscaux ? " />
Le 14/05/2014 à 06h44
Le 14/05/2014 à 07h21
Le sous titre….
On sent bien l’influence Free / XN chez NXI quand même :o
Le 14/05/2014 à 07h23
Rien qu’un copieur " />
Le 14/05/2014 à 07h58
Le 14/05/2014 à 08h10
C’est surtout le prix à payer pour avoir l’aval du gouvernement socialiste pour le rachat de SFR !
Vous sauvez Liberation qui est notre organe officiel de communication et qui est au bord du depot de bilan et on vous laisse acheter SFR.
Le 14/05/2014 à 08h14
Le 14/05/2014 à 09h46
Ces mecs dominent le monde, c’est incroyable, ils possèdent les médias sous toutes leurs formes. XN enseigne déjà son idéologie à l’école 42, et après ? ils vont ouvrir des crèches pour les lobotomiser plus tôt ? …
Le 14/05/2014 à 09h56
C’est plus une Rolex qu’il faut avoir pour réussir sa vie maintenant, c’est être propriétaire d’un quotidien.
Le 14/05/2014 à 10h06
Le 14/05/2014 à 10h16
En même temps qui lit un torchon pareil? " />
Le 14/05/2014 à 10h18
Autant les journalistes pourraient se bouger un peu le cul pour faire quelque chose de différent avant de mourir (sans parler politique, changer vraiment de paradigme), autant les actionnaires se croient vraiment tout permis " />
Quand on voit la puissance des actionnaires dans le contenu et la forme d’un journal (genre affaire Nouvel Obs / Rue89), il ne reste qu’une chose à faire… Oublier tout ça et se taper un DM dans BF4 pour se calmer " />
Le 14/05/2014 à 10h27
C’est pas un peu ironique que les journalistes de Libé apprennent des trucs sur leur journal par Médiapart ?
Pour moi ça montre un peu leur problème.
Le 14/05/2014 à 11h03
Le 14/05/2014 à 11h29
Le système aide le système. " />
Le 14/05/2014 à 06h23
Ça fera un journal de moins à critiquer sa société. Bien joué " />