La vidéosurveillance dans les chambres des EHPAD réservée aux suspicions de maltraitance
Jusque dans les chiottes
La CNIL vient de préciser les « circonstances exceptionnelles » et « conditions cumulatives » qu'un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) doit remplir « avant d'envisager » la mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance dans des chambres de ses résidents.
Le 03 mai à 17h12
8 min
Droit
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La CNIL rappelle que sa recommandation, également publiée au Journal officiel, fait suite à « plusieurs demandes de conseil » qui lui avait été adressées suite à la médiatisation de cas de maltraitance au sein d'Ehpad, et aux « nombreuses interrogations juridiques et éthiques » que cela peut poser :
« Un tel dispositif est en effet susceptible de porter atteinte tant aux droits des salariés qu’à ceux des personnes hébergées pour lesquelles la chambre représente le seul espace d’intimité dans lequel elles peuvent poursuivre leur vie affective et familiale. »
Elle avait alors, en février 2023, une consultation publique afin de « mieux comprendre les enjeux du secteur et de trouver un équilibre entre la sécurité des résidents, le respect de leur intimité et les droits et libertés des salariés ».
Elle estimait alors que, « d’une manière générale », l’installation d’un dispositif de vidéosurveillance dans la chambre d’une personne hébergée était « disproportionnée ».
Pour autant, et « en cas de suspicions fortes de maltraitance » à l’encontre d’une personne hébergée, basées sur un faisceau d’indices concordants (hématomes, changements comportementaux, etc.), elle reconnaissait qu'un organisme « devrait pouvoir installer de manière ponctuelle » un dispositif de vidéosurveillance « pour la prévention des incidents », et « sous réserve de garanties appropriées (limiter l’activation dans le temps, restreindre la prise d’images dans les lieux d’intimité, etc.) ».
Les nombreuses contributions reçues lui ont depuis « permis de mieux comprendre les préoccupations du public et les besoins du secteur », et donc d’enrichir sa recommandation définitive.
Un dernier recours, en cas de mauvais traitements avérés
« En principe », souligne la CNIL, l'installation d'un système de vidéosurveillance dans les chambres d’Ehpad « ne peut être envisagée que pour assurer la sécurité des personnes hébergées dans le cadre d’une enquête pour maltraitance (conditions cumulatives) seulement » :
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- « en cas de suspicion étayée de mauvais traitements » (hématomes constatés, changements comportementaux, etc.) malgré les dispositifs alternatifs mis en place pour assurer la sécurité des personnes hébergées (par exemple, un bouton d’appel d’urgence sans fil, des procédures de signalement et de suivi d’événements préoccupants, la création d’équipe de travail afin de permettre l’intervention des soignants en binôme) ;
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- « ET après échec des procédures d’enquêtes » n’ayant pas permis de détecter une situation de maltraitance, dès lors qu’un doute subsiste.
La (longue) liste de garanties cumulatives préalables
La CNIL insiste, de plus, sur les garanties que les établissements devront avoir pris « avant la mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance », afin de :
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- limiter l’activation dans le temps ;
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- désactiver le dispositif de vidéosurveillance lors des visites des proches, sauf si le soupçon de maltraitance porte sur ces derniers ;
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- établir et appliquer un cadre interne quant aux conditions justifiant l’installation d’un dispositif de vidéosurveillance (il doit par exemple s’agir d’une demande émanant des proches de la personne hébergée à l’établissement faisant suite à des cas de suspicions fortes et avérées de maltraitance, etc.) ;
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- informer les salariés de manière individuelle et collective quant à la possibilité que des dispositifs de vidéosurveillance soient installés au sein des chambres des résidents ;
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- recueillir le consentement des personnes hébergées ou lorsque la personne n’est pas en mesure de consentir, celui-ci devra être recueilli dans le respect des règles spécifiques liées à la protection des majeurs ;
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- « flouter », dans la mesure du possible, les parties intimes de la personne concernée dès lors que les soins qui lui sont apportés sont réalisés dans son lit ;
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- insérer au sein du règlement intérieur la possibilité qu’un dispositif de vidéosurveillance soit mis en place dans la chambre d’un résident en cas de suspicions fortes de maltraitance et y faire notamment figurer les modalités de visionnage (accès aux images strictement limité au seul personnel habilité ; conditions d’accès aux images par la famille ; etc.) ;
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- lorsque la demande émane de la famille ou des proches, l’installation d’un tel dispositif devrait être réalisée en concertation avec l’établissement, tenant compte des procédures d’enquêtes, du respect du cadre interne en matière de faisceaux d’indices, de l’information du personnel, le cas échéant ;
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- sensibiliser et former le personnel chargé de gérer et de mettre en œuvre ces dispositifs.
La durée de conservation devra, au surplus, être « limitée à quelques jours » si les images ne révèlent pas de maltraitance à l’égard du résident ou, dans le cas contraire, à la durée de la procédure contentieuse.
Des caméras jusque dans les WC en cas de « forte suspicion »
La CNIL précise que la prise d’images dans les lieux d’intimité (toilettes, douches) « doit être proscrite sauf circonstances exceptionnelles », à savoir lorsque les procédures d’enquêtes internes et le dispositif de vidéosurveillance installé au sein de la chambre n’ont pas permis de détecter une situation de maltraitance, alors qu’il subsiste « une forte suspicion » que de tels actes y soient perpétrés.
Au regard des « risques élevés » susceptibles d’être engendrés pour les droits et libertés des personnes concernées, les organismes mettant en œuvre ce type de dispositif « devront réaliser une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD) », précise la CNIL, qui se met à la disposition des organismes pour les accompagner à cet effet, et qui invite les Ehpad à commencer à y réfléchir sans attendre de cas de maltraitance :
« Une telle AIPD ne pouvant être réalisée en urgence, cela implique d’avoir réfléchi à la possibilité d’utilisation d’un tel dispositif à l’avance, en cas de suspicion de maltraitance. »
L’organisme mettant en œuvre le dispositif devra dès lors et plus particulièrement insister sur :
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- les raisons l’ayant conduit à considérer que des moyens alternatifs moins intrusifs s'avéraient inefficaces ;
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- les garanties qu’il met en œuvre pour ne pas mettre sous surveillance continue les salariés travaillant dans l’établissement ;
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- les mesures pour assurer la confidentialité des données ;
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- les précautions prises pour protéger la vie privée des personnes hébergées.
La vidéosurveillance devra être consentie
La CNIL rappelle par ailleurs qu'il est « en principe » interdit d’installer des caméras pour « améliorer » le service offert à la personne concernée en renforçant son « confort » (afin, par exemple, d'améliorer le temps d'intervention rapide à la demande des résidents), « même lorsqu’elle a donné son consentement ».
Elle précise aussi que les proches des résidents ne sont pas habilités à installer de caméras, y compris pour assurer la sécurité du membre de leur famille, et que « seul l’établissement peut en principe mettre en place le dispositif, afin que celui-ci soit le plus respectueux des droits et libertés de chacun ».
La CNIL relève en outre que des dispositifs alternatifs peuvent également être mis en place pour assurer la sécurité des personnes hébergées en cas de chute ou d’accident, tels que des capteurs de présence placés sous le sol et susceptibles de détecter la moindre anomalie, bracelets susceptibles de détecter une chute brutale grâce à un accéléromètre, capteurs/boitiers infrarouges capables de détecter une chute et d’envoyer un message d’alerte au personnel, « sous réserve du recueil du consentement » de la personne hébergée ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure de consentir, dans le respect des règles spécifiques liées à la protection des majeurs.
Le consentement de la personne concernée devra en tout état de cause être recueilli avant l’installation du dispositif de vidéosurveillance, « y compris lorsque la demande provient de ses proches ».
Si l’initiative émane de l’établissement, il devra aussi permettre à la personne concernée de refuser son installation.
La vidéosurveillance dans les chambres des EHPAD réservée aux suspicions de maltraitance
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Un dernier recours, en cas de mauvais traitements avérés
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La (longue) liste de garanties cumulatives préalables
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Des caméras jusque dans les WC en cas de « forte suspicion »
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La vidéosurveillance devra être consentie
Commentaires (11)
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Abonnez-vousLe 03/05/2024 à 18h35
Le 04/05/2024 à 07h42
L'établissement devra être informé de l'installation, donc le personnel sera très certainement au courant. Et retour à la case départ.
Le consentiment de la personne, on parle de personnes qui n'ont pas toujours toute leur tête. Incapable de prendre une décision.
Il faut être allé dans un ephad pour comprendre.
C'est pitoyable
Le 04/05/2024 à 09h32
Le 04/05/2024 à 17h04
Le 04/05/2024 à 09h49
Le 04/05/2024 à 10h35
Elle justifie la vidéosurveillance uniquement dans les cas de maltraitance (supposée) où l'on n'est pas arrivé à trouver le responsable par d'autres moyens.
Le 04/05/2024 à 09h56
Ne pas avoir imaginé la possibilité d’une telle situation.
Un système de vidéo surveillance dans le dernier espace d’intimité (relative) de ces personnes.
Et la CNIL se devant de pousser des recommandations en de nombreux points similaires à celles poussées en milieu carcéral (encadrant la vidéosurveillance dans les cellules de détenus).
Je ne discute pas les raisons amenant à cette situation. Pas pour l’instant.
Simplement, cela me fait froid dans le dos.
Le 04/05/2024 à 10h31
Le 04/05/2024 à 10h54
Le 04/05/2024 à 11h06
Après, la CNIL ne pousse pas des recommandations, elle dit que dans certains cas extrêmes, la vidéosurveillance est la seule solution possible et qu'en prenant de très fortes précautions, elle est autorisée. Mais je ne veux pas te pousser à en discuter si tu ne le veux pas ;).
Le 04/05/2024 à 11h26
À vrai dire pour avoir visité nombre d’établissements de ce type, avant même de parler de maltraitance, la tristesse de ces lieux est en soi déjà chez moi un exhausteur de nausée.
Sans doute parce que le moment de m’y retrouver potentiellement moi-même approche l’air de rien.