La Section 702 de la loi sur la surveillance du renseignement étranger (Foreign Intelligence Surveillance Act – FISA)ODNI

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Aux USA, la surveillance des communications d’étrangers sans mandat (FISA) fait débat

La Section 702 de la loi sur la surveillance du renseignement étranger (Foreign Intelligence Surveillance Act – FISA)ODNI

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19 représentants républicains ont finalement voté en faveur de la reconduction du programme controversé de collecte des communications de cibles étrangères sans mandat. Censé arriver à expiration ce vendredi, il pourrait être prolongé pendant deux ans, avec plus de transparence et de contrôles.

« Après des mois de retards, de faux départs et d'interventions de législateurs soucieux de préserver et d'étendre les pouvoirs d'espionnage de la communauté du renseignement américain, la Chambre des représentants a voté vendredi en faveur de la prorogation pour deux ans de la Section 702 de la loi sur la surveillance du renseignement étranger (FISA) », rapporte Wired.

La Chambre des représentants états-unienne (l'équivalent de l'Assemblée nationale en France) a en effet réautorisé son projet controversé de surveillance à des communications entre Américains et étrangers à l'étranger en raccourcissant, explique Politico, de cinq à deux ans la durée de la prolongation du programme, face à la résistance de 88 représentants conservateurs de l'ancien président Donald Trump.

Trump avait en effet « déformé les faits » pour tenter de « TUER FISA », comme il l'a exhorté dans un message publié sur son réseau Truth Social. Il affirmait, à tort, que la section 702 de FISA avait été utilisée pour espionner sa campagne présidentielle de 2016, relève CNN.

La proposition de réduire la durée du projet de loi de cinq à deux ans signifie que si M. Trump remporte l'élection de 2024, il contrôlera la Maison-Blanche lorsque le projet de loi devra être renouvelé. Ce qui a permis, explique le New York Times, aux transfuges républicains de la droite dure de crier victoire, et à 19 d'entre eux de changer de position pour finalement voter en faveur du projet de loi.

Un revirement majeur sur fonds d'hostilité trumpiste

Le New York Times évoque un « revirement majeur », alors que la mesure arrive à expiration vendredi prochain, et alors que les défenseurs des libertés civiles avaient été rejoints par des républicains de droite alignés sur l'hostilité de M. Trump à l'égard du FBI et de la communauté du renseignement.

L'adoption par la Chambre des représentants est intervenue après que les législateurs ont rejeté de justesse une initiative bipartisane visant à restreindre les recherches dans les messages des seuls Américains visés par le programme, une « modification majeure » qui, selon les responsables de la sécurité nationale, « viderait la loi de sa substance », précise le NYT.

Les législateurs ont en particulier rejeté une proposition visant à interdire aux agents du FBI et aux analystes du renseignement d'utiliser les identifiants d'Américains (tels que les adresses électroniques) pour interroger le répertoire des messages recueillis par le programme, à moins que ces agents n'obtiennent au préalable un mandat.

Les défenseurs des libertés civiles réclament depuis longtemps une telle restriction, rappelle le NYT. Mais les responsables de la sécurité nationale font valoir que cela paralyserait le programme. Ils l'utilisent généralement au début des enquêtes, par exemple lorsqu'ils essaient d'en savoir plus sur un numéro de téléphone ou un compte de messagerie électronique en contact avec un espion étranger ou un terroriste présumé, avant qu'il n'y ait suffisamment de preuves pour satisfaire à la norme de la cause probable pour l'obtention d'un mandat.

Collecter les communications de cibles étrangères sans mandat

La Section 702 de la loi FISA (voir aussi le décryptage d'electrospaces et le résumé qu'en fait l'Office of the Director of National Intelligence – ODNI) « permet à la communauté du renseignement de collecter les communications de cibles étrangères sans mandat », rappelle Politico.

Process for Section 702 Collection

Elle « constitue la base de la plupart des renseignements que le président consulte chaque matin », 60 % des informations figurant dans le Presidential Daily Brief contenant des données provenant du programme 702, explique la NSA.

Ce qui aurait notamment aidé les États-Unis à « surveiller les intentions de la Russie en Ukraine, à identifier les efforts déployés par des pays étrangers pour accéder aux infrastructures américaines, à découvrir des réseaux terroristes étrangers et à déjouer des attaques terroristes aux États-Unis », précise CNN.

Une série de nouvelles politiques pour lutter contre les abus

Bien qu'elle n'approuve pas les mandats individuels permettant à la communauté du renseignement ou au FBI d'effectuer des recherches dans ces données collectées, une Cour spéciale de surveillance du renseignement étranger (Foreign Intelligence Surveillance Court) « approuve les procédures d'accès aux données », et l'ODNI dispose d'un organigramme « qui tente de les expliquer », explique CNN.

Le Brennan Center déplore que les infractions connues du public comprenaient l'accès des autorités aux « communications de 141 manifestants de Black Lives Matter, de membres du Congrès, de 19 000 donateurs à une campagne du Congrès, d'un parti politique local et de dizaines de milliers de personnes impliquées dans des "troubles civils" ».

Le FBI a cela dit « mis en place une série de nouvelles politiques internes pour lutter contre les abus », précise Wired. Des changements qui, « selon l'administration Biden, sont suffisants pour éviter de nouveaux abus ».

Bien que le projet de loi ne prévoie pas l'exigence d'un mandat, réclamée depuis longtemps par les défenseurs de la vie privée, il impose en effet de « nombreuses nouvelles restrictions », précise le NYT, sur la manière dont le FBI peut rechercher des informations sur des Américains dans le répertoire des communications collectées dans le cadre du programme.

Le FBI a aussi renforcé son système afin de réduire le risque de requêtes contraires aux normes. Le projet de loi à l'étude codifierait ces changements et ajouterait des exigences supplémentaires, tout en limitant le nombre de fonctionnaires ayant accès aux informations brutes.

Accroître la transparence et le contrôle

Le fait de « rechercher sciemment dans la base de données des informations sur des Américains » obligerait en effet les analystes, « qui doivent désormais se soumettre à des sessions de formation annuelles », à « demander l'approbation d'un échelon plus élevé de la chaîne de commandement qu'auparavant », de sorte que « l'exécution de requêtes par lots ciblant les communications des Américains nécessite désormais la consultation d'un avocat du gouvernement ».

La réautorisation a aussi été modifiée, relève Politico, « dans le but d'accroître la transparence et le contrôle, notamment en exigeant un niveau d'approbation plus élevé pour les recherches "sensibles", en réduisant le nombre de membres du personnel du FBI habilités à rechercher des données étrangères et en augmentant les sanctions en cas de tromperie de la cour de surveillance ».

En vertu des mises à jour de la loi FISA adoptées en 2008, le gouvernement « peut contraindre les compagnies de téléphone et les fournisseurs d'accès à internet américains à fournir un accès aux communications sur la "colonne vertébrale" d'Internet », souligne CNN.

Le gouvernement « peut également exiger l'accès à des informations téléphoniques qui lui permettent d'obtenir le contenu des appels et demander aux fournisseurs de messagerie électronique et autres de fournir des communications à partir d'une adresse spécifique », de sorte de « permettre aux agences de renseignement américaines d'accéder rapidement à des données concernant des étrangers dans d'autres pays ».

La Chambre a apporté plusieurs autres modifications qualifiées par le NYT d' « importantes » au projet de loi. Elle a notamment autorisé l'utilisation du programme de la section 702 pour recueillir des renseignements sur les organisations étrangères de trafic de stupéfiants, mais également pour contrôler les visiteurs étrangers potentiels aux États-Unis.

Elle a aussi autorisé certains membres du Congrès à assister à des audiences classifiées devant un tribunal qui supervise la surveillance de la sécurité nationale, et elle a élargi les types d'entreprises ayant accès à des communications étrangères qui peuvent être obligées de participer au programme.

La section 702 a fait l'objet d'abus

Les détracteurs du programme « affirment que le fait de compter sur le FBI pour faire la police interne contre ses propres violations de la Constitution est une tactique qui a échoué dans le passé, et que l'on ne peut plus faire confiance au bureau pour ne pas espionner les Américains sans raison », relève Wired.

« La section 702 a fait l'objet d'abus sous les présidents des deux partis politiques et a été utilisée pour surveiller illégalement les communications d'Américains de tout bord politique », déplore Kia Hamadanchy, conseiller politique principal à l'American Civil Liberties Union (Union américaine pour les libertés civiles – ACLU) : « Le Sénat doit ajouter l'exigence d'un mandat et mettre un frein à cet espionnage gouvernemental incontrôlé ».

Les membres du comité judiciaire avaient également « cherché à inclure un amendement interdisant au gouvernement d'acheter les données de géolocalisation des Américains à des entreprises privées », note Wired. Or, et « à la demande de M. Turner, le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a supprimé cet amendement en début de semaine ».

« Je ferai tout pour empêcher ce projet de loi »

« Le projet de loi de la Chambre des représentants représente l'une des extensions les plus spectaculaires et les plus terrifiantes en matière de surveillance dans l'histoire », a déclaré le sénateur démocrate Ron Wyden, fervent défenseur des libertés :

« Il permet au gouvernement de forcer tout Américain qui installe, entretient ou répare quelque chose qui transmet ou stocke des communications à espionner pour le compte du gouvernement. Cela signifie que toute personne ayant accès à un serveur, un câble, un boîtier de câblodistribution, un routeur wifi ou un téléphone sera obligée d'espionner pour le compte du gouvernement. Et cela resterait secret : les Américains recevant les directives du gouvernement seraient tenus au silence, et il n'y aurait pas de contrôle judiciaire. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour empêcher ce projet de loi. »

Ce dernier doit encore passer par le Sénat et arriver sur le bureau du président Joe Biden avant la date limite d'expiration de ce 19 avril. Le NYT relève cela dit qu' il s'agit là d'une date limite « peu contraignante ».

Le programme peut en effet continuer à fonctionner jusqu'en avril 2025. La semaine passée, le tribunal FISA a en effet accédé à une demande du gouvernement l'autorisant pour une année supplémentaire. En vertu de la loi, les activités de surveillance peuvent se poursuivre tant que des ordonnances judiciaires les autorisant sont en vigueur, même si la loi sous-jacente expire.

Philippe Latombe, député (MoDem) et membre de la CNIL, estime son côté qu'il serait dès lors et « dorénavant indispensable » d'annuler le Data Privacy Framework (DPF), censé sécuriser le transfert de données personnelles entre l'Europe et les États-Unis.

Commentaires (4)


América F... ? ah Oui c'est First le mot.
C'est étrange, j'avais l'impression que les forces de l'ordre et le renseignement américain avaient beaucoup plus de l'attitude pour contrôler ce qu'ils veulent, quand ils le veulent. A la lecture de cet article, je me demande dans quelle mesure, ce n'est pas pas au contraire plus restrictif qu'en France par exemple. À l'étranger, ils font ce qu'ils veulent, mais sur leur sol ça a l'air bien cadré. Je n'arrive pas à me faire un avis. Un "simple" enquêteur et je France semble pouvoir faire pas mal de choses (cf. d'autres articles sur le sujet sur Next cette année).
Modifié le 15/04/2024 à 23h16

Historique des modifications :

Posté le 15/04/2024 à 23h16


C'est étrange, j'avais l'impression que les forces de l'ordre et le renseignement américain avait beaucoup plus de l'attitude pour contrôler ce qu'ils veulent, quand ils le veulent. A la lecture de cet article, je me demande dans quelle mesure, ce n'est pas pas au contraire plus restrictif qu'en France par exemple. À l'étranger, ils font ce qu'ils veulent, mais sur leur sol ça a l'air bien cadré. Je n'arrive pas à me faire un avis. Un "simple" enquêteur et je France semble pouvoir faire pas mal de choses (cf. d'autres articles sur le sujet sur Next cette année).

Les "révélations" Snowden ont laissé entendre que la NSA faisait n'importe quoi n'importe comment en mode openbar, alors que non, loin de là ; j'ai rajouté un schéma simplifié de la procédure, ainsi qu'une mention de ma série d'articles sur « Ce que peuvent faire les agents de la NSA (ou pas) ».
C'est bien, ça permettra au procès Schrems/Noyb 3 d'être un peu plus facile.
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