ONU : une première résolution mondiale sur l’intelligence artificielle
"Don't be evil", again ?
Les Nations unies ont adopté à l'unanimité jeudi 21 mars une résolution sur l'intelligence artificielle pour soutenir des systèmes « sûrs, sécurisés et dignes de confiance » qui doivent bénéficier « également au développement durable pour tous ». Ce texte évoque une collaboration nécessaire avec les pays en développement tout en oubliant les travailleurs du clic.
Le 26 mars à 11h51
6 min
IA et algorithmes
IA
L'ONU qualifie d '« historique » la résolution sur l'intelligence artificielle (IA) adoptée jeudi 21 mars [PDF] par son Assemblée générale. Le texte, proposé par les États-Unis et « coparrainé » par plus de 120 autres États membres (dont la France, la Belgique, le Kenya, le Libéria, l'Ouzbékistan, le Chili et les îles Fidji), n'est pas contraignant, mais appelle les États membres à créer des « cadres de réglementation et de gouvernance permettant de régir des systèmes d’intelligence artificielle qui soient sûrs, sécurisés et dignes de confiance ». Cette résolution contient 13 points sur lesquels l'ONU insiste pour que le développement de l'IA à travers le monde soit « responsable ».
Combler le fossé numérique et favoriser le développement durable
Dans cette résolution, l'ONU se déclare « résolue à combler le fossé numérique entre les pays et à l’intérieur même des pays, et notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle ». Les nations unies soutiennent clairement le développement de cette technologie : « l'objectif étant de favoriser, plutôt que d’entraver, la transformation numérique et l’accès équitable aux avantages que procurent ces systèmes ».
Et ce, « en vue d’atteindre les 17 objectifs de développement durable et de réaliser le développement durable dans ses trois dimensions – économique, sociale et environnementale – et de tenter de remédier à d’autres difficultés communes à l’échelle mondiale qu’éprouvent en particulier les pays en développement », même si on sait que l'intelligence artificielle et notamment les grands modèles de langage posent des questions énergétiques complexes.
Coopération avec les pays en développement, mais oubli des travailleurs du clic
La résolution encourage la coopération de tous les acteurs du secteur avec les pays en développement « et à leur apporter une assistance pour favoriser un accès inclusif et équitable aux avantages » de ces technologies.
Elle demande à ses membres de « donner aux pays en développement, en particulier aux pays les moins avancés, les moyens de lever les principaux obstacles structurels et les barrières empêchant l’accès aux avantages que peuvent procurer les technologies nouvelles et naissantes et l’innovation en matière d’intelligence artificielle pour atteindre les 17 objectifs de développement durable », notamment en donnant accès aux sources scientifiques et à la recherche.
Elle incite aussi l'évaluation des incidences du déploiement de l'intelligence sur les marchés du travail « en particulier dans les pays en développement ». Mais elle n'évoque jamais la partie immergée du travail de l'IA impliquant actuellement souvent des travailleurs de ces pays : l'étiquetage des données, indispensable pour l'entraînement des IA.
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Une gouvernance des données à mettre en place
Pourtant, le texte affirme que « les données sont fondamentales pour la mise au point et le fonctionnement des systèmes d’intelligence artificielle » et souligne « qu’une gouvernance des données juste, inclusive, responsable et efficace, l’amélioration de la production, de l’accessibilité et de l’infrastructure des données et l’utilisation des biens publics numériques sont essentielles » pour la mise en place d'IA « responsables ». Mais son objectif affiché sur le sujet est d'assurer « une plus grande cohérence et interopérabilité, dans toute la mesure du possible, des stratégies visant à améliorer la fiabilité des flux de données transfrontières ».
Le texte n'évite pas le sujet des discriminations et demande à ses membres de faciliter l'élaboration et l'application de cadres pour « mieux protéger les personnes contre toutes les formes de discrimination, de préjugés et d’utilisation abusive » et « d’éviter de renforcer ou de perpétuer des applications et des résultats discriminatoires ou entachés de préjugés ». Mais il ajoute tout de suite que les mesures prises en ce sens ne doivent pas avoir « une incidence involontaire ou disproportionnée sur le développement positif ou l’accès et l’utilisation des autres utilisateurs et bénéficiaires ».
L'ONU « encourage le secteur privé à respecter les dispositions applicables en droit international et en droit interne et à agir conformément » aux principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme qu'elle énonçait déjà dans une résolution prise en 2011.
Un texte bien accueilli par les multinationales du secteur
Porteuse du texte, l'ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield a exprimé l'espoir que le « dialogue inclusif et constructif qui a conduit à cette résolution serve de modèle pour les conversations futures sur les défis de l'IA dans d'autres domaines, par exemple, en ce qui concerne la paix et la sécurité et l'utilisation militaire responsable de l'autonomie de l'IA ». Elle a également souligné l'opportunité et la responsabilité de la communauté internationale « de gouverner cette technologie plutôt que de la laisser nous gouverner ».
Dans ce contexte d'absence de contraintes concrètes, les responsables des multinationales du secteur comme Meta, Google ou Microsoft se sont montrés en accord avec la résolution. « L’IA doit être conçue de manière à améliorer la vie, peu importe où vous vivez dans le monde » a affirmé sur Twitter Nick Clegg, Président des affaires internationales chez Meta, ajoutant que cette résolution était « une étape significative vers les normes d’interopérabilité dont nous avons besoin pour promouvoir un écosystème d’IA sûr, dynamique, ouvert et inclusif ».
De même, du côté de Microsoft, Brad Smith déclare que « nous soutenons pleinement l’adoption par l'ONU de la résolution globale sur l’IA ». Chez Google, Kent Walker affiche le même enthousiasme en affirmant que cette résolution « montre comment une bonne IA accélérera considérablement les progrès sur les systèmes "sûrs, sécurisés et dignes de confiance" et aidera les gens partout dans le monde ».
ONU : une première résolution mondiale sur l’intelligence artificielle
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Combler le fossé numérique et favoriser le développement durable
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Coopération avec les pays en développement, mais oubli des travailleurs du clic
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Une gouvernance des données à mettre en place
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Un texte bien accueilli par les multinationales du secteur
Commentaires (7)
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Abonnez-vousModifié le 26/03/2024 à 17h01
Il y a eut des précédents ...
Modifié le 26/03/2024 à 17h43
« en vue d’atteindre les 17 objectifs de développement durable ». Comme le rappelle l'article à juste titre, les LLM consomment énormément d'énergie. Encore un signe que cette « résolution » c'est du foutage de gueule.
Le 26/03/2024 à 23h38
Le 27/03/2024 à 00h52
il commence à émerger des hardwares dédié bien plus efficace.
Le 27/03/2024 à 08h38
Bref, on a touché le mur et on continue d'appuyer sur l'accélérateur en espérant qu'on passera à travers ...
Modifié le 30/03/2024 à 17h23
Des sortes de comités Théodule qui se paluchent mutuellement.
Cela rejoint le sous-titre : Cela s'opposerait à un "Be evil", absurde.
Et pourtant à l'époque, tout le monde soulignait cette phrase comme positive _a priori_, sans réellement souligner ni même saisir son absurde vacuité.
Personne n'a jamais de mauvaise intention de son point de vue.
Personne n'est jamais un "méchant" objectif, car cela n'existe pas.
Il n'y guère quand dans les mondes manichéens, les fictions immatures, que des "méchants" transpirent la méchanceté dans leurs attitudes, paroles, actes, et jusqu'à leur physiologie.
L'ONU a parfois des cartes à jouer, mais comme elle ne fonctionne que lorsqu'elle n'est pas empêchée, et qu'elle l'est rapidement dès qu'il n'y a pas consensus général (donc mou & vide), cette institution n'existe que sur des voies de garage.
Ses programmes les plus connus compensent des problèmes d'États sans s'attaquer à ceux-ci… et il y a peu ou pas de contrôles/sanctions envisagées, car pas de pouvoir.
Cette institution peut-elle structurellement produire autre chose que du consensus mou, du vide & compenser l'inaction d'États ou leurs torts à l'échelle internationale ? Vous avez 2 heures.
Le 27/03/2024 à 16h22