[MàJ] Dépôt de bilan de Point de Contact : désaccords entre le spécialiste des signalements et le CIPDR
Silence éloquent
Spécialisée dans le signalement des contenus illicites, Point de Contact a entamé les démarches pour déposer le bilan suite à un défaut de financement. Auprès de Next, son président revient sur ses difficultés et le secrétariat d'État chargé de la citoyenneté et de la ville explique la suspension d'une subvention jusqu'ici versée annuellement.
Le 07 mars à 09h20
7 min
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Mise à jour du 7 mars 09h20 : ajout des réactions de Point de Contact à la réponse du CIPDR
Mise à jour du 6 mars 13h20 : ajout des réponses du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR)
Article publié initialement le 29 février à 17h49 :
Privée de financements, l’association Point de Contact, spécialisée depuis 26 ans dans la fourniture d’outils pour signaler les contenus illicites en ligne, a entamé les démarches pour déposer le bilan.
« En 2023, sur un total de plus de 30 000 signalements reçus, nous en avons transmis 10 000 aux autorités », indique son président Jean-Christophe Le Toquin. En 2022, les trois quarts de ces remontées concernaient de l’exploitation sexuelle de mineurs.
L’association a par ailleurs lancé en novembre 2023 l’initiative DISRUPT pour aider les victimes mineures et majeures de diffusion non consentie de contenus intimes. En quatre mois, elle revendique 700 signalements de publications de ce type.
Faute d’argent, cela dit, la structure semi-publique devrait fermer. Habituellement, « nous avons un budget de 600 000 euros, dont un tiers vient de la Commission européenne, un tiers de l’État français, et un tiers de nos membres, qui regroupent une série de petits fournisseurs de technologies et les grandes plateformes », explique son président.
Sauf que l’année passée, « patatras ». L’association espérait reconduire l’accord triennal selon lequel le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) lui accordait une subvention de 226 000 euros. « Je m’interroge vraiment sur le bénéfice collectif » de cet abandon, indique Jean-Christophe Le Toquin. « Aujourd’hui, il n’y a pas équivalent à ce que nous faisons. Que l’on meure, en quoi ça aide les victimes, l’écosystème [de protection des internautes, ndlr], l’État, même ? »
Auprès de Next, le CIPDR explique que les « nombreux contrôles et inspections diligentés dans le cadre du fonds Marianne » ont provoqué l'ouverture d'une mission d'audit interservices, et que cette dernière a relevé plusieurs éléments qui l'on conduit « à ne pas attribuer de subvention en 2023 ». Parmi eux : un défaut d'accomplissement des missions financées en 2022, un faible nombre de signalements adressés à la plateforme PHAROS, et un non-respect de certaines règles de subventionnements.
Point de Contact rejette les accusations et s'étonne de découvrir les problématiques relatives au nombre de signalements par voie de presse.
Course de fonds
Depuis l’été, Point de Contact a fait des pieds et des mains pour trouver les financements qui lui permettraient de survivre. Le but : « fonctionner en mode dégradé s’il le fallait, le temps d’ouvrir des discussions, et de réorganiser le travail ».
Il faut dire que l'entité fait partie d’un système plus large : une association comme e-enfance, elle aussi signaleur de confiance, « c’est la ligne d’écoute », avec le 3018. « Nous, on est spécialistes du takedown, du retrait. Et Tralalère [derrière le programme Internet sans crainte, ndlr] ce sont les spécialistes de la communication et de la sensibilisation », résume Jean-Christophe Le Toquin.
À la rentrée 2023, Point de Contact réussit à obtenir des cotisations d'avance de certains membres privés. Des plans de rapprochement avec d’autres associations, dont e-enfance, sont ensuite envisagés, sans succès. Pour finir, le président de Point de Contact explique avoir « proposé un plan d’économie. Il fallait 95 000 euros pour financer ce plan de départ. »
À l’issue d’une assemblée générale extraordinaire, il obtient une promesse de contribution « de 54 000 euros de la part des acteurs privés ». Parmi les membres, TikTok, Google et Meta refusent de mettre au pot, relevait l’Informé le 20 février. « Il nous manquait 41 000. On a trouvé une solution pour avoir un délai jusqu’au 28 février », huit jours pendant lesquels l’association s’efforce d’obtenir une réponse de l’État. Sans nouvelles, « on en déduit que nous n’avons pas de soutien, et on entame la procédure de dépôt de bilan ».
Dans le contexte d’économies, Jean-Christophe Le Toquin se déclare ouvert à une explication strictement financière. Mais si la raison n’était que budgétaire, selon lui, « ça se saurait. Là, il n’y a aucune communication officielle expliquant le geste. Or, une absence de position, au bout d’un moment, ça devient une action en soi. »
Le point de repère français au sein d’un réseau international
Auprès de Next, son président Jean-Christophe Le Toquin explique : « Notre métier, c’est de recevoir les signalements de contenus illégaux et de les signaler aux autorités. On joue un rôle de filtre : on reçoit les signalements, on analyse, et on signale ce qui doit l’être à PHAROS et aux hébergeurs concernés en France. ».
Point de Contact fait par ailleurs partie d’un réseau hors ligne (INHOPE) dans cinquante pays. Quand les contenus problématiques concernent des hébergeurs installés à l’étranger, « nous transmettons le signalement à nos partenaires internationaux. »
Sur les contenus illicites, Point de Contact, reconnu signaleur de confiance auprès des grandes plateformes, déclare avoir 100 % de retraits à ses signalements. Sur les contenus intimes, au sujet desquels l’association comptait monter en puissance courant 2024, « nous en sommes pour le moment à 64 %, ce qui est déjà plus ce que les victimes de ce type d’exposition parviennent à obtenir seules ».
Faute de moyens, difficile de continuer sur cette tendance. Des acteurs comme les plateformes auraient pu nous financer, mais malgré sa « déception profonde » et son sentiment de « gâchis énorme », Jean-Christophe Le Toquin indique qu’il comprend que ce type d’acteurs « ne financent pas indéfiniment une structure qui a vocation à être un partenariat public-privé. Ce n’est pas à eux de compenser le rôle de l’État. »
Et de regretter encore une fois l’absence de réponse fait à l'association, même face à la « disparition d’une structure internationale, à la compétence unique, de taille modeste, certes, mais avec une plateforme technologique avancée ». Jean-Christophe Le Toquin espère qu’au minimum, cela serve à « ouvrir les yeux de l’écosystème » sur la réalité de ce que les pouvoirs publics français « sont prêts à faire en termes de régulation du numérique ».
Auprès de Next, le CIPDR déclare que les missions financées en 2022 n'ont pas été accomplies dans les temps, repoussant l'examen de la demande 2023 au mois de juillet. Devant la « faible proportion de signalements adressés par l'association à la plateforme PHAROS par rapport à l'ensemble des signalements », il explique n'avoir plus considéré « opportun de verser une subvention au titre de la prévention de la délinquance et de la radicalisation ». Enfin, le comité rapporte avoir constaté que « l'intégralité de l'action de signalement était financée par l'État, sans co-financements », une pratique « contraire aux règles de subventionnement ».
Point de Contact critique ce dernier point (comme les précédents), déclarant que le CIPDR a co-financé 38% de son budget global.
[MàJ] Dépôt de bilan de Point de Contact : désaccords entre le spécialiste des signalements et le CIPDR
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Le point de repère français au sein d’un réseau international
Commentaires (16)
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Abonnez-vousLe 29/02/2024 à 18h21
À mon avis, c'est l'Etat qui devrait fournir ce genre de service.
Le 29/02/2024 à 19h28
Par exemple, ils ont fait 9470 signalements à Pharos et 5281 aux hébergeurs et plateformes en 2022. Que leur travail soit financé comme il l'est n'est pas idiot, surtout qu'ils font un travail de filtre et d'aiguillage.
En plus, 200 000 € pour un an pour l'État, ce n'est pas cher du tout comme service.
Ça va coûter beaucoup plus cher à Pharos d'augmenter ses effectifs pour trier eux-même les signalements.
Le 01/03/2024 à 09h16
Oui, il semble que l’État paye ses sous-traitants au lance-pierre s’ils s’appellent pas McKinsey.
Le 01/03/2024 à 09h46
Parce que c'est une association loi de1901 et que la structure est probablement plus légère qu'une administration.
Il ne s'agit pas de sous-traitance pour Point de Contact mais de subvention.
Peut-on discuter sérieusement d'un sujet sans sortir McKinsey qui n'a rien à voir avec le sujet ?
Le 01/03/2024 à 10h08
Pour le reste, si, pour un strict même travail, un acteur est plus cher qu’un autre, c’est qu’il y a un problème, dans un sens ou dans l’autre.
Quant au fait que ce soit une subvention, c’est jouer sur les mots : l’État paye une société externe pour – entre autres – trier des signalements à destination de Pharos. Que ce soit via un contrat commercial, une subvention, ou autre, ça reste une sous-traitance.
(Pour McKinsey, c’était juste une manière de dire que, non, tous les sous-traitants de l’État ne sont pas payés au lance-pierre. J’aurais pu en choisir un autre, c’est juste que celui-là est bien connu [du moins de chez moi, en Belgique] et bien flagrant.)
Modifié le 01/03/2024 à 13h59
En application du "décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d'alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte", le Défenseur des droits doit recueillir et traiter les signalements relatifs aux droits des efants par exemple.
Le 29/02/2024 à 19h59
Ce n'est pas possible de laisser des garde-fous sur la touche.
Le 06/03/2024 à 19h03
Le 01/03/2024 à 00h36
(ceci est du cynisme 100% label rouge, mariné dans une saumure de mort dans l'âme, et saupoudré de quelques flocons de seum)
Le 06/03/2024 à 15h27
Le 07/03/2024 à 08h25
On s'émeut ici d'un cas particulier (et dont le travail me parait socialement utile et souhaitable) mais quid d'autres arrêts de subvention ? Et pour les réorienter vers où ?
Le 07/03/2024 à 09h50
Ça serait faisable une vue à la git diff qui nous montre les ajouts via un lien cliquable quand il y a des changements ?
Le 07/03/2024 à 10h00
Tant qu'on peut les repérer d'une manière ou d'une autre
Le 07/03/2024 à 11h09
Autre solution 1: ne rien toucher au texte initial et sous chaque titre de mise à jour écrire les points nouveaux de la mise à jour
Autre solution 2:
intégrer les mise à jour dans le texte initial mais
police verte pour Mise à jour du 6 mars
et police bleue pour Mise à jour du 7 mars
Le 07/03/2024 à 10h05
Le 07/03/2024 à 12h12