La possible extradition de Julian Assange ne sera jugée qu’au début du mois de mars
Ennemi d'État
Les deux jours d'audience, en l'absence de Julian Assange, ont opposé les avocats du fondateur de WikiLeaks, qui ont dénoncé un « procès politique », empêchant a priori une extradition aux États-Unis, aux avocats des USA pour qui une « extradition n’est pas bannie pour délit politique ».
Le 22 février à 09h23
7 min
Droit
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Le Monde rappelle qu'en première instance, en janvier 2021, la justice britannique avait refusé l’extradition, « citant l’état de santé psychologique du fondateur de WikiLeaks et les conditions de détentions difficiles qui l’attendaient outre-Atlantique », sans pour autant attaquer au fond l’action en justice.
La décision avait alors été cassée près d'un an plus tard par la Haute Cour de justice, qui s’était appuyée sur « une série de garanties » émises par les autorités américaines qui avaient, entre autres, promis que Julian Assange serait « correctement traité en détention ». La demande d’extradition avait ensuite été approuvée par la justice britannique, puis par la ministre de l’Intérieur de l’époque, Priti Patel.
« Très affaibli », Julian Assange « n’était pas présent aux audiences mardi et mercredi, ni physiquement, ni en visioconférence », relève Le Monde, « parce qu'il ne se sentait pas bien », a expliqué son épouse Stella.
La dernière fois qu’il avait eu le droit d’assister à l’une de ces audiences, c’était le 6 janvier 2021. Depuis, ajoute-t-elle, « l’une des grandes absurdités de ce dossier est qu’il devait suivre les procédures comme un spectateur », relève Mediapart.
« Son état de santé n’a cessé de se dégrader depuis son incarcération et aujourd’hui il reste une personne très fragilisée », souligne au Monde son avocat en France Antoine Vey.
Les crimes de guerre des USA et le projet d'assassinat de la CIA
Les avocats du fondateur de WikiLeaks ont cette fois mis de côté ces problèmes de santé, et remis en avant le droit de la liberté d’expression et de la liberté de la presse, en faisant valoir les protections qui devraient dès lors s’appliquer au citoyen australien.
Le fondateur de WikiLeaks « a juste fait un travail de journaliste en diffusant des informations vraies qui mettent en cause des crimes de guerre », explique au Monde Antoine Vey. Or, « les États-Unis refusent à Assange le bénéfice du premier amendement [qui protège la liberté d’expression] sous l’argument qu’il n’est pas un citoyen américain », ajoute-t-il.
Ses avocats accusent les États-Unis de poursuivre le citoyen « pour des motifs politiques, ce qui irait à l’encontre du traité d’extradition qui lie Londres à Washington », souligne Le Monde. L'un d'entre eux, Mark Summers, dénonce ainsi « un exemple paradigmatique de représailles de l'État contre l'expression d'une opinion politique », relève la BBC.
Ils ont également fait valoir que la peine d'emprisonnement de plusieurs dizaines d'années qu'il encourt était « disproportionnée », accusant Washington d'agir de « mauvaise foi », note Voice of America.
Edward Fitzgerald, l’avocat londonien de Julian Assange, a par ailleurs mis en avant un « véritable risque » que des actions « extrajudiciaires » soient menées contre son client, selon la BBC, citant notamment un projet de kidnapping, voire d’assassinat fomenté par la CIA alors que le lanceur d’alertes était réfugié à l’ambassade équatorienne de Londres.
M. Fitzgerald a ajouté qu’il existait des « preuves » de ce projet, révélé par le site Yahoo News en 2021. D'après Mark Summers, le plan « s'est effondré parce que les autorités britanniques n'étaient pas très enthousiasmées par l'idée d'une restitution ou d'une fusillade dans les rues de Londres ».
« L’extradition n’est pas bannie pour délit politique », plaident les USA
Une défense rejetée par l’avocate du gouvernement américain, Clair Dobbin, pour qui la « loi britannique sur l’extradition », qui intègre le traité bilatéral dans l’arsenal législatif britannique et régule les demandes d’extradition faites au et par le Royaume-Uni, a « largement réformé » le traité en 2003.
La mention d’exception d’opinions politiques aurait alors été « omise », avance-t-elle. Avant de conclure : « L’extradition n’est pas bannie pour délit politique ».
Les avocats états-uniens l'accusent en outre d'avoir « publié sans discernement et en connaissance de cause les noms d’individus qui ont servi de sources d’information pour les États-Unis », « mis des vies innocentes en danger », et d'être allé « au-delà du journalisme dans sa tentative de solliciter, voler et publier sans discernement des documents classifiés du gouvernement américain », rapporte l'agence AP.
Dobbin a ajouté qu’en encourageant la lanceuse d'alerte Chelsea Manning et d’autres à pirater les ordinateurs du gouvernement et à les voler, Assange « allait bien au-delà » d’un journaliste rassemblant des informations.
« Plusieurs personnes ont disparu après la publication des câbles […]. D’autres ont été arrêtées après que leurs noms aient été révélés », précise l’avocate, qui a cela dit ajouté qu’aucun lien n’a pu être « établi avec la diffusion des documents », souligne Mediapart.
L'un des avocats d'Assange, Mark Summers, a rétorqué qu'il n'y avait « aucune preuve qu'un préjudice ait réellement été causé », relève l'agence Reuters. RSF a d'ailleurs récemment rappelé qu'il avait même pris grand soin, au contraire, de « demander de toute urgence au gouvernement américain de prendre des mesures pour protéger toute personne susceptible d’être lésée », de manière proactive.
Une peine d' « au moins 30 à 40 ans », VS de « pas plus de 63 mois »
Les avocats d'Assange ont pour leur part fait valoir que les autorités américaines cherchaient à le punir pour « la révélation par WikiLeaks d'une criminalité de la part du gouvernement américain d'une ampleur sans précédent », notamment de torture et de meurtres.
Les deux juges britanniques Victoria Sharp et Jeremy Johnson ont déclaré en fin d'audience que le tribunal rendrait sa décision à une date ultérieure. Reuters avance qu'une décision sur l'avenir d'Assange « n'est pas attendue avant mars au plus tôt », voire mi-mars selon la BBC.
Mediapart précise que les deux juges, qui « redoutent aussi que l’affaire ne traîne encore des mois, ce qui serait au détriment de la santé de l’Australien », ont précisé qu’ils « réservaient leur décision au moins jusqu’au 4 mars, en attente de la réception de certains documents ».
Les avocats d'Assange, qui a 52 ans, affirment qu'il pourrait être condamné à une peine de 175 ans de prison au maximum, mais probablement d' « au moins 30 à 40 ans ». Les procureurs américains ont de leur côté déclaré que ce ne serait « pas plus de 63 mois » [ndlr : 5 ans et 3 mois].
« S’il est extradé, Julian Assange sera le premier journaliste à être mis en cause au nom de l'Espionage Act [la loi américaine contre l’espionnage – ndlr] », explique Fiona O’Brien, la directrice de Reporters sans frontières au Royaume-Uni, relève Mediapart.
Le fondateur de Wikileaks est incarcéré dans la prison de haute sécurité de Belmarsh depuis 2019, après avoir passé sept ans terré dans l'ambassade d'Équateur à Londres, soit 13 ans de privation de liberté à ce jour.
S'il perd, la seule option qui lui reste serait de s'adresser à la Cour européenne des droits de l'homme. Mais la Grande-Bretagne pourrait néanmoins décider de l'extrader sans attendre sa décision, d'autant que le gouvernement britannique « a déjà signé une ordonnance d’extradition », souligne Reuters.
La possible extradition de Julian Assange ne sera jugée qu’au début du mois de mars
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Les crimes de guerre des USA et le projet d'assassinat de la CIA
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« L’extradition n’est pas bannie pour délit politique », plaident les USA
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Une peine d’ « au moins 30 à 40 ans », VS de « pas plus de 63 mois »
Commentaires (14)
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Abonnez-vousLe 22/02/2024 à 10h51
Déjà l'idée n° 5 décrit que ce n'est pas WikiLeaks qui a publié les données non expurgées mais un des médias partenaires. C'est la première fois que je lis cette information écrite aussi nettement. Sait-on quel a été ce média qui a publié le mot de passe qui a permis d'accéder à ces données ?
J'aime bien aussi le fait qu'ils n'affirment pas qu'il est journaliste (idée n°3) mais qu'ils le défendent parce qu'il a contribué au journalisme. Ça change de ceux qui affirment ici qu'il est journaliste et aussi de la directrice de Reporters sans frontières au Royaume-Uni qui elle affirme la même chose.
Ils rappellent aussi qu'il n'est pas un lanceur d'alerte (idée n° 2).
Le 22/02/2024 à 11h46
Le 22/02/2024 à 12h03
Modifié le 22/02/2024 à 12h05
C'est bien ça, mais la révélation du mot de passe vient de journalistes du Guardian : Plus de détails ici.
Édit : grillé dans la même seconde par Jean-Marc Manach !
Le 22/02/2024 à 13h06
Peut-être que je n'ai pas bien compris le sens de cette phrase, mais en l'état ça me donne:
1. elle considère que le motif d'extradition qu'elle souhaite faire valoir a été "oublié" dans la convention / loi -> mais il s'applique quand même
2. elle reconnait que c'est une extradition pour motif politique.
Dans les 2 cas ça me semble contraire à la notion d'un état de droit. Est-ce qu'ils sont réellement conscient des implications d'une sortie de l'état de droit !?
Le 22/02/2024 à 16h15
Elle ne reconnaît pas que c'est vrai, mais au cas où les juges retenaient ce motif, elle dit que rien n'interdit l'extradition pour un motif politique.
Quant à ton 1., quand elle dit : La mention d’exception d’opinions politiques aurait alors été « omise », c'est pour expliquer que c'est pour cela que l'extradition pour délit politique est autorisée (faute d'une exception). Elle était peut-être interdite dans l'accord précédent avec les USA parce qu'il y avait une exception.
Le 22/02/2024 à 13h44
Le type est un lanceur d'alerte ! Cette ou ces alertes peuvent être démenties (preuves à appui) !
Non il faut emprisonner et bâillonner définitivement celui qui dévoile des magouilles d’État !
La Stasi c'était en DDR ça s'appelle comment chez les Étasuniens ????
Le 22/02/2024 à 16h19
La lanceuse d'alerte était Chelsea Manning.
Modifié le 22/02/2024 à 16h58
Après il y a une glorification d'Assange, qui se comprend dans le contexte des journalistes qui veulent protéger leur liberté d'informer (de manière entièrement légitime), mais qui masque le fait que Assange est à la base un activiste cryptoanarchiste, qui n'a pas hésité à demander à Trump dans les derniers messages échangés avant l'élection de 2016 de "ne pas reconnaitre le résultat des élections" alors qu'il pensait qu'il allait perdre (dans l'objectif d'affaiblir le système démocratique américain ce qui a été un succès), et à publier des documents hackés par les russes destinés à salir Clinton, qui même s'ils étaient véridiques avaient été dérobés, sélectionnés et fournis par des acteurs étatiques hostiles juste avant une élection critique. Le compte Twitter de Wikileaks avait même retwitté une fausse info sur un compte de Macron aux Iles caïman juste avant la présidentielle française de 2017.
Même si Wikileaks tentait de ne publier que des infos vérédiques, c'était tout de même une pièce centrale d'une machine de propagande antidémocratique avec des intentions clairement malicieuses et hostiles.
Les anarchistes ont toujours été les idiots utiles des fascistes (c'est en une idéologie très proche du plus fort).
RSF rappelle a juste titre que "Les poursuites ne sont pas liées aux activités de WikiLeaks concernent l'élection présidentielle américaine de 2016".
Le 22/02/2024 à 17h04
C'est donc normal que RSF ne parle pas de ce que tu dis.
Je suis très loin de soutenir Assange dans cette affaire, même si j'ai toujours du mal avec la justice des USA qui peut condamner quelqu'un à plus de 100 ans de prison.
Modifié le 23/02/2024 à 07h31
Ca m'intéresse de savoir ce qui te fait penser cela, alors que les mouvances anarchistes ont combattu le fascisme justement. Tu sembles confondre anarchisme et libertarianisme (au sens américain et moderne du terme), dont les cryptoanarchistes font très souvent parti.
(On ne peut pas faire de citations en markdown avec ">" ?)
Modifié le 23/02/2024 à 17h00
D'après Wikipedia, l'anarchisme est une idéologie libertaire.
Modifié le 23/02/2024 à 17h12
Du moins pas pour ce que l'on peut appeler l'anarchisme historique, qui est ancré à Gauche de l'échiquier politique et prône la coopération entre les individus (pour vraaaaaiment schématiser), sans autorité supérieure. Qui défend des valeurs toutes autres.
Ce n'est pas laisser faire les plus forts mais le contraire.
Par contre le libertarianisme (ou on va dire anarchiste de Droite, là encore pour schématiser) prône indirectement ce que tu décris. Les cryptoanarchistes font parti, majoritairement, de ceux-là.
Mais ils n'ont fait qu'emprunter le terme d'anarchisme (et le terme libertarien aussi, qui a un tout autre sens à la base) en le réduisant à la seule dissolution de l'Etat, ... Pour une finalité toute autre toutefois, qui n'inclut pas les valeurs de justice sociale etc.
C'est pour cela que je souhaitais savoir ce qui te faisait tenir de tels propos. Car l'anarchisme est très mal connu et souvent mal compris, parfois même par ses propres militants. Le terme lui-même a été dévoyé de son essence initiale.
La fin de l'Etat, oui. Mais pas comme tu le décris.
Je t'invite à explorer les différentes pages Wikipedia (si ce n'est déjà fait) sur le sujet de l'anarchisme, du libertarianisme, et leurs différentes sous-branches. Elles sont bien écrites.
Et après à lire certains auteurs historiques si tu veux creuser plus loin :)
Le 23/02/2024 à 14h06
Force à lui.