Le CSA plaide (encore) pour une plus vaste régulation des plateformes
CSA alors !
Le 27 septembre 2016 à 06h57
6 min
Droit
Droit
Toujours en quête de compétences accrues, le CSA a publié une vaste étude sur la question des plateformes et de l’accès aux contenus audiovisuels. Une mesure qui s’inscrit dans un long plaidoyer de l’institution pour déployer plus encore ses ailes sur Internet.
Le document d’une centaine de pages épaule un colloque organisé aujourd’hui par l'autorité administrative indépendante. Il cible tout particulièrement les plateformes, du moins celles qui « assurent une fonction d’intermédiation entre le contenu audiovisuel, les internautes et d’autres groupes d’utilisateurs tels que les annonceurs ».
L’expression est très vaste dans l’esprit de l’institution, qui y range aussi bien « des réseaux sociaux, des sites de partage de vidéos, des magasins d’applications et des moteurs de recherche ». Ces YouTube, Facebook et autres « offrent de nouveaux services et regroupent en leur sein une multitude de services autrefois séparés ». Or, de telles entités « brouillent les frontières entre les différents types de médias, entre les contenus amateurs et professionnels et entre l’univers gratuit et l’univers payant ». Pire : ils « captent une partie significative de la valeur créée au détriment des autres acteurs, grâce à une relation directe avec l’utilisateur final qui leur donne un accès privilégié aux données ».
Le rôle accru des plateformes
L’étude est scindée en deux temps. Dans son premier acte, elle met en exergue la place occupée par les plateformes. Les faits sont connus : essor des autres écrans que la TV, développement de la connectivité et recul du poste traditionnel qui, s’il est encore présent dans 94,1% des foyers au premier trimestre 2016, serait en baisse constante depuis 2013.
Dans ce glissement, la consommation de vidéo grimpe en flèche sur les réseaux : selon une étude CISCO, elle « représentait 70 % du trafic internet mondial en 2015 et atteindrait 82 % en 2020 ». Quant à la consommation de vidéo à la demande, elle devrait « doubler entre 2015 et 2020 ».
Le CSA considère que ces plateformes entrent aujourd’hui en concurrence avec les acteurs traditionnels sur le marché de la publicité. Elles deviennent dans le même temps des portes incontournables pour les éditeurs de contenus. Et dans cette bataille commerciale, « l’avantage semble aujourd’hui plutôt dans le camp des plateformes, qui disposent d’un fort pouvoir de négociation » du fait d’une « relation directe avec l’utilisateur et un effet de parc incontournable ».
Des modèles économiques trop éloignés de la régulation nationale
Dans le second acte, l’étude analyse les modèles économiques de ces intermédiaires pour constater, sous forme de regrets, qu’ils ne participent généralement pas au préfinancement des œuvres, contrairement aux entités traditionnelles (chaînes de TV, etc.).
Leur apport se fait davantage a posteriori, « par le biais de renversement d’une partie de la valeur qu’elles ont captée principalement à travers un partage de recettes publicitaires ». Ou bien par des voies parallèles « en mettant par exemple des outils de production à la disposition des créateurs (Amazon Studios, YouTube Space), ou en établissant avec eux des partenariats » voire en investissant dans les contenus, quittant de ce fait leur rôle de médiateur.
Vers une refonte du cadre juridique
En toute fin de course, le rapport du CSA plaide évidemment pour une refonte du cadre juridique au motif que ces acteurs « déforment les catégories existantes, voire les rendent obsolètes : les notions d’édition et de distribution sont désormais difficilement dissociables dans de nombreux cas ». En outre, ils « dépassent largement les frontières géographiques du cadre applicable en France », désarmant dans le même temps les règles actuelles centrées sur le territoire national.
Le Conseil milite au final pour une réforme certes « mesurée » mais à tout le moins « cohérente au niveau européen, voire international ».
En, 2014, interrogé justement sur la régulation à de ces nouveaux pans, le directeur général d'e-TF1 avait appelé à la prudence, à l’instar de France Télévisions : « attention quand on contraint trop, l'offre diminue ! » expliquait Olivier Abecassis, « surtout si ces contraintes, au final, pèsent sur les seuls acteurs français comme on le voit au travers du décret sur les services de médias audiovisuels à la demande que les acteurs internationaux ne respectent pas parce que le pouvoir du CSA de sanctionner un acteur international n'est évidemment pas le même. »
Si on remonte une année en arrière, les conclusions du rapport Lescure – pour la plupart restées lettre-morte – avaient imaginé la piste du droit souple. En substance, les sites de vidéo qui auraient mis davantage en avant les créations françaises et/ou européennes se seraient vus offrir une série d’avantages sous le contrôle de l’immanquable CSA. L'ancien PDG de Canal+ poussait cette logique de carotte très loin, rêvant de voir les moteurs identifier ces vertueux à l’aide d’une jolie pastille. Sans surprise, ces mesures avaient été torpillées par l’ASIC, l’Association des services Internet communautaires (qui compte Google ou Facebook dans ses rangs).
Quelle réforme en Europe ?
Vers l’avenir cette fois, les yeux pourront se concentrer non pas seulement du côté de la CJUE, qui considère que les vidéos des sites de presse peuvent relever de la compétence des CSA, mais aussi et surtout à la porte de la Commission européenne.
Dans sa grande réforme du droit d'auteur, celle-ci souhaiterait que ces plateformes aient à « protéger les mineurs des contenus préjudiciables (telles que la pornographie et la violence) et tous les citoyens de l’incitation à la haine » à charge pour les CSA européens d’infliger des amendes administratives en cas de manquement.
Hasard ou coïncidence, en 2012, les contenus odieux avaient déjà servi d’épouvantail au CSA pour justifier une régulation des contenus générés par les utilisateurs sur YouTube ou Dailymotion. L’une des pistes d’explications de cette belle harmonie est sans doute à rechercher dans la nomination d’Olivier Schrameck, le président du CSA, à la première place du groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (ERGA). Une position stratégique pour souffler la bonne parole à l’oreille de la Commission...
La protection des mineurs n’est pas la seule cible. Rappelons que l’institution bruxelloise demande aussi l’instauration d’un quota minimum obligatoire de 20 % d’œuvres européennes dans les catalogues des services à la demande. Un taux jugé évidemment trop faible par la SACD qui préfèrerait flirter avec le seuil des 50 %.
Le CSA plaide (encore) pour une plus vaste régulation des plateformes
-
Le rôle accru des plateformes
-
Des modèles économiques trop éloignés de la régulation nationale
-
Vers une refonte du cadre juridique
-
Quelle réforme en Europe ?
Commentaires (9)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 27/09/2016 à 07h02
“protéger les mineurs des contenus préjudiciables”
C’est marrant le csa a pas encore interdit les journaux de TF1 , france 2, … ni même les gens comme lenglet, etc .. qui sont bien plus préjudiciables pour leur intellectuel …
Le 27/09/2016 à 07h06
“Toujours en quête de compétences accrues…”
Un parfait résumé dès la première ligne, avant même la première phrase. " />
Le 27/09/2016 à 07h28
J’adore l’approche standard en la matière: (terrorisme)->pornographie-> violence/haine -> ayants droits.
La méthode devrait être brevetée c’est absolument ingénieux
Le 27/09/2016 à 07h48
Pourquoi ai-je l’impression que le CSA est en train de dérouler le tapis rouge aux ayants (trop de) droits ?
L’architecture de diffusion change, et les vieux se palignent que Youtube ne contribue pas à la création française ?
Pourquoi devrait il cracher au bassinet alors que les industriles de la culture ne font rien dans le contenu diffusé ? Les mecs pensent d’abord en terme monétaire avant de voir l’interet des spectateurs.
Le 27/09/2016 à 08h04
Toujours en quête de compétences accrues
« compétences » : est un euphémisme dans ce contexte : une hydre bureaucratique qui cherche à accroître ses pouvoirs avec des arguments fiscaux et paternalistes qui vont résonner comme une douce confirmation « qu’il faut faire quelque chose » auprès des zélus dispendieux et liberticides, quelle surprise " />
Le 27/09/2016 à 08h18
Le 27/09/2016 à 10h12
He oui.
Belle démago que de confondre lutte contre le terrorisme et la protection des intérêts financiers de quelques privilégiés.
Pourtant, ça partait d’un bon sentiment " />
Le 27/09/2016 à 17h05
Il comptent faire comment pour réguler youporn ?
Le 28/09/2016 à 03h20
" />
“instauration d’un quota minimum obligatoire de 20 % d’œuvres européennes”
Rocco est italien, il a le droit à 4 demoiselles hors de la zone euro.