Vidéosurveillance : la Cnil « appelle d’urgence » le législateur à un débat
Débat amoureux
Le 19 septembre 2018 à 09h58
5 min
Droit
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Face à l’essor des dispositifs basés sur les images de vidéosurveillance (caméras-piétons, systèmes de reconnaissance faciale, etc.), la Cnil vient d’inviter le Parlement et le gouvernement – fait rare – à engager un « débat démocratique sur les nouveaux usages des caméras vidéo ».
Au travers d’un communiqué publié mercredi 19 septembre, la Cnil explique avoir « constaté ces derniers mois le développement rapide de nouveaux outils de captation et de nouvelles modalités d’exploitation de la vidéoprotection dans l’espace public : caméras-piétons, utilisation des terminaux mobiles de particuliers, systèmes de vidéo « intelligente », dispositifs de suivi et de reconnaissance d’individus à l’aide de données biométriques, reconnaissance faciale, etc. »
La Cnil plaide pour de nouveaux « garde-fous »
Si l’utilisation des caméras à des fins de « prévention ou de répression des troubles à l’ordre public » reste légitime aux yeux de la gardienne des données personnelles, cette dernière prévient qu’il est « aujourd’hui impératif que des garde-fous soient prévus ». L’objectif ? « Encadrer les finalités pour lesquelles ces dispositifs peuvent être déployés et prévenir tout mésusage des données traitées par leur biais », écrit la Cnil.
L’institution fait ainsi valoir que certains systèmes vidéo posent différentes « problématiques » vis-à-vis des « droits et libertés individuelles des citoyens », notamment lorsqu’il y a articulation « avec des technologies de big data ». On pense ici en particulier au projet marseillais du « Big Data de la Tranquillité », épinglé il y a peu par plusieurs organisations dont La Quadrature du Net.
L’autorité laisse clairement transparaître ses inquiétudes face à « l’exploitation accrue et potentiellement à grande échelle de données personnelles, pour certaines sensibles (données biométriques) », ou, plus largement, au regard de « la restriction de la liberté d’aller et de venir anonymement ».
Une révision du cadre juridique « s’impose »
À l’attention des responsables politiques, la Cnil lance que « le cadre juridique actuel, précis sur certaines technologies (caméras fixes, certains usages de caméras-piétons) et certaines finalités (visionnage « simple » d’images), n’apporte en revanche pas nécessairement de réponse appropriée à l’ensemble des techniques et usages nouveaux ».
Il suffit d’ailleurs de se replonger dans les archives parlementaires de ces dernières années pour s’apercevoir que le dossier de la vidéosurveillance est régulièrement mis sur la table. On pourra par exemple citer :
- En 2016, lors de l’examen du projet de loi sur la Justice du 21ème siècle, le gouvernement a fait adopter un amendement qui permet dorénavant à l’exécutif d’étendre par décret la liste des infractions routières « vidéo-verbalisables ». Cette dernière a encore été modifiée hier (voir notre article), notamment pour englober désormais les refus de priorité aux piétons, le port d’oreillette, etc.
- En 2016, notamment suite à l’attentat de Nice, plusieurs députés et sénateurs ont (vainement) tenté de faire adopter des propositions de loi autorisant les forces de l’ordre à recourir à des logiciels de reconnaissance faciale, analysant en temps réel des images de vidéosurveillance.
- En 2016, la loi de réforme pénale est venue encadrer l’usage des « caméras-piétons » par les policiers et gendarmes. La Cnil a cependant déploré le flou de certaines dispositions adoptées par le législateur.
- En août dernier, a été promulguée la loi qui permet aux policiers municipaux de recourir également à des caméras-piétons. Des expérimentations sont au passage prévues pour les sapeurs-pompiers et les surveillants de prison.
- Ces derniers mois, l’Assemblée a rejeté plusieurs amendements visant à rendre obligatoire l’installation de caméras de surveillance dans les abattoirs.
- La question de l’utilisation des images réalisées par les drones (y compris ceux des forces de l’ordre) a également été évoquée au Parlement à plusieurs reprises, notamment en 2016.
Pour la Cnil, un « réexamen d’ensemble » du droit français (et notamment du Code de la sécurité intérieure) « s’impose » – de surcroît « à la lumière des nouvelles règles européennes » : l’entrée en application du RGPD le 25 mai dernier, ainsi que la transposition à venir de la directive dite « police justice » du 27 avril 2016.
L’autorité appelle ainsi « d’urgence » à ce que « le législateur puis le pouvoir réglementaire se saisissent de ces questions afin que soient définis les encadrements appropriés, en recherchant le juste équilibre entre les impératifs de sécurisation, notamment des espaces publics, et la préservation des droits et libertés de chacun ».
Ce débat, s’il a lieu, pourrait raviver les critiques portant sur l’efficacité de la vidéosurveillance, rapportée notamment à son coût. « Les caméras n’aident à élucider que 1 % à 3 % des infractions commises sur la voie publique », rappelait par exemple Le Monde il y a quelques mois, à partir des travaux du sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherches au CNRS.
Vidéosurveillance : la Cnil « appelle d’urgence » le législateur à un débat
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La Cnil plaide pour de nouveaux « garde-fous »
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Une révision du cadre juridique « s’impose »
Commentaires (19)
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Abonnez-vousLe 19/09/2018 à 10h06
“l’attention des responsables politiques, la Cnil lance que « le cadre juridique actuel, précis sur certaines technologies […], n’apporte en revanche pas nécessairement de réponse appropriée à l’ensemble des techniques et usages nouveaux ».”
Les textes sont là, les infractions aussi, en revanche le contrôle exercé par les comités est inexistant et les poursuites quasiment jamais exercées. Le problème n’est pas d’ajouter encore et encore des textes, mais simplement qu’ils sont totalement inappliqués.
« pourrait raviver les critiques portant sur l’efficacité de la vidéosurveillance, rapportée notamment à son coût. “Les caméras n’aident à élucider que 1 % à 3 % des infractions commises sur la voie publique” »
Oui mais maintenant ça redevient rentable puisque les mairies, notamment, peuvent s’en servir pour verbaliser…
Le 19/09/2018 à 11h16
L’article du Monde, tout comme cet article sont significatifs du problème: à l’instar des chiffres bidons donné par le ministère de l’intérieur, ils biaisent leur réflexion.
Si on prend, l’exemple que du chiffre choc sorti ici
« Les caméras n’aident à élucider que 1 % à 3 % des infractions commises sur la voie publique »
On s’aperçoit qu’il s’agit d’un pourcentage de résolution de crimes sur un territoire sans correction du biais liées aux zones surveillées ou non.
Si on prend le cas de Marseille, sur 1850 réquisition d’image, 103 ont permis d’élucider l’affaire: soit 6%. Si on déduit les demande d’images concernant des zones annexes aux lieux du crime qui étaient surveillées, sans que le lieu lui même le soit, on augmenterait encore significativement le chiffre.
Pour finir dans le même article du monde, on cite donc l’inefficacité des caméras tout en précisant qu’en fait la délinquance se déplace
Birmingham, deuxième ville la plus peuplée d’Angleterre, constitue un cas emblématique. Une étude anglo-saxonne de 1995 montre que le nombre de vols à l’arraché et cambriolages y a triplé dans la partie de l’agglomération non couverte par les caméras, après la mise en place de la vidéosurveillance.
Si la vidéo surveillance n’était pas efficace pourquoi y aurait-il baisse d’un côté et augmentation de l’autre ?
La question de l’encadrement par la CNIL est tout à fait justifié, reprendre des chiffres et des conclusions aussi tendancieuses que le seraient ceux du ministère l’est beaucoup moins.
Le 19/09/2018 à 12h23
T’aura beau avoir toute les caméra du monde que ça changera rien si une fois inculpé un criminel ne risque pas grand chose car prisons surpeuplées… Il est peut être temps de trouver un entre deux ou un mec condamné 15 fois est toujours dehors et ou au états unis 3 condamnation c’est la prison à vie.
En tout cas il est clair que nous pouvons remercier les 50 ans de prohibition du cannabis qui à la longue à créer une nouvelle vague de criminel de plus en plus jeune et violent ainsi que des zones de non droit qui peut à peu passe des banlieues au centre villes.
Le 19/09/2018 à 13h01
Pour une fois, je suis d’accord avec Carbier (j’en suis surpris).
La faiblesse d’élucidation des infractions tient de la faiblesse du nombre de zones couvertes, mais pas que.
Il faut aussi tenir compte la “performance” de la couverture (champ de vision des caméras, qualité des images, rapidité de mouvement et suivi), de l’efficacité de la couverture (la couverture doit être continue et non-espacée de blancs), etc…
Et enfin, cela dépend aussi et surtout de la capacité du personnel à s’en servir et à l’utiliser pour résoudre une infraction.
Je ne compte plus le nombre de personnes me racontant s’être fait rentrer dedans alors que leur voiture était garée juste sous une caméra de vidéo surveillance et s’être fait rembarrer par la police quand ils sont allés porter plainte au motif que “ça va prendre trop de temps, on est pas sur de retrouver la personne et on a pas que ça à faire”. Techniquement, ce genre d’affaires peut être résolu très rapidement, mais , soit faute de formation, soit par ignorance ou incompétence, les policiers ne savent/veulent pas les gérer.
Je suis certain qu’avec un vrai encadrement, ce taux d’élucidation exploserait.
La question de l’encadrement par la CNIL est tout à fait justifié, reprendre des chiffres et des conclusions aussi tendancieuses que le seraient ceux du ministère l’est beaucoup moins.
Il est bien de reprendre ces infos pour savoir où justement le bât blesse.
Ça permet d’avoir des commentaires développés et avec un peu de chance, être pris en compte pas des personnes au gouvernement qui veulent vraiment faire évoluer les choses dans le bon sens.
Le 19/09/2018 à 13h11
Le 19/09/2018 à 13h18
Le 19/09/2018 à 13h21
Le 19/09/2018 à 13h37
Le 19/09/2018 à 13h51
Le 19/09/2018 à 14h01
Le 19/09/2018 à 14h03
Le 19/09/2018 à 14h12
Le 19/09/2018 à 14h37
Le 19/09/2018 à 15h53
Le 19/09/2018 à 18h06
Le 19/09/2018 à 18h13
Au passage, même chose pour la prostitution.
Il faut arrêter avec la petite moralité de bas étage et plutôt que de taper et interdire (le législateur n’a toujours pas compris que fermer les yeux n’éteint pas un incendie), il faut encadrer et aider. Les femmes et les hommes qui pratiquent ne méritent pas d’être considérés comme un bout de viande par un mac qui les traite en esclaves. Sans parler de l’aspect sanitaire derrière.
Et il plus il suffirait de le taxer comme le tabac et l’alcool (deux drogues dures parfaitement légales, alors que le cannabis est une drogue douce …. " /> ) aujourd’hui pour financer l’aide sociale qui va avec.
Le 19/09/2018 à 18h54
Le 19/09/2018 à 19h07
Emmanuel Macon s’est exprimé sur le sujet dans un article du quotidien “Minute”.
“Qu’est-ce qu’ils nous font chier ces petits fonctionnaires de merde de la Cnil, z’ont qu’a traverser la rue et trouver un vrai boulot dans l’hôtellerie ou le batiment.”
Le 20/09/2018 à 12h17