À l’Assemblée, pas de TVA à taux réduit pour les appareils reconditionnés
Taux ou tard
Le 12 octobre 2018 à 13h08
5 min
Droit
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Les députés ont refusé, hier, en commission des finances, de soumettre les appareils électroniques reconditionnés (smartphones, tablettes...) à un taux de TVA de 5,5 %. Le rapporteur a prévenu qu’une telle mesure serait contraire à la législation européenne.
L’initiative était portée par une quarantaine de députés de la majorité, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2019. L’idée : « encourager la consommation de produits plus responsables issus de l’économie circulaire », en jouant sur le levier fiscal.
En lieu et place du taux normal de TVA en vigueur à ce jour (20 %), un taux réduit de 5,5 % aurait été appliqué aux « produits électriques et électroniques reconditionnés » : ordinateurs, téléphones, télévisions, grille-pains, frigos...
Jeudi 11 octobre, en commission des finances, le député Didier Martin a tenté de faire valoir qu’une telle réforme pourrait « créer de l'emploi dans tous nos territoires ».
Doper la filière des produits d’occasion en les rendant plus compétitifs
L’élu LREM a ainsi appelé ses collègues à soutenir un « secteur fragile », et qui permet selon lui « de former des techniciens (...) capables de prolonger la durée de vie des équipements et d’accroître leurs performances en respectant les objectifs de développement durable ».
Pour les porteurs de cette réforme, la filière bénéficie certes « d’aides aux postes », mais mériterait d’être « confort[ée] » afin que la revente des équipements reconditionnés devienne « un choix de consommation incontournable comme alternative économiquement, socialement et écologiquement responsable auprès des consommateurs ».
Ces députés appelaient surtout la majorité à la « cohérence », la récente feuille de route gouvernementale relative à l’économie circulaire misant sur une « adapt[ation de] la fiscalité pour rendre la valorisation des déchets moins chère que leur élimination ».
Éric Bothorel a par ailleurs fait un lien avec les ambitions du gouvernement en matière de lutte contre la « fracture numérique ». « Soutenir ces activités, c'est aussi, dans le recyclage et le reconditionnement, donner accès au numérique à ceux qui en sont privés. Et donc il y aurait une accélération de l'inclusion », a prédit l’élu LREM.
Du côté de l’opposition, le groupe La France Insoumise avait déposé un amendement pour que toutes les « activités de réparation visant à rallonger la durée de vie des produits » profitent d’un taux réduit de 5,5 %.
Des taux réduits de TVA dépendants d’une directive européenne
Le rapporteur, Joël Giraud, a toutefois balayé ces propositions d’un revers de la main. « Ces amendements, même si j’en comprends certains parfaitement, sont hors du champ de la directive TVA. Donc ils ne peuvent pas être adoptés », s’est justifié l’élu LREM.
Et pour cause. La directive de 2006 « relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée » permet aux États membres d’appliquer un taux réduit de TVA, mais uniquement sur certaines catégories de biens et de services. Le texte dresse ainsi une liste, dans laquelle figurent la « distribution d’eau », les prestations de pompes funèbres, les billets de théâtre, de cirque, de parcs d'attractions, etc. Mais pas les appareils reconditionnés.
Cet été, le ministre de l’Économie et des finances avait d’ailleurs fourni la même explication, suite à une question écrite de la députée Aina Kuric : « La directive (...) n'autorise l'application des taux réduits de TVA que pour certains biens et services limitativement énumérés, dont les produits reconditionnés, dans leur ensemble, ne font pas partis. »
Une réforme jugée « coûteuse » par le gouvernement
Bruno Le Maire ajoutait qu’il n’était « pas envisageable » d'appliquer différents taux de TVA à de même produits, neufs et reconditionnés, au nom du « principe de neutralité fiscale ». L'exécutif présentait même cette mesure était comme « coûteuse pour les finances publiques au regard des biens concernés », alors que « potentiellement sans effet sur le prix supporté par le consommateur, les marges étant fixées librement par les opérateurs économiques ».
La commission des finances a rejeté tous les amendements en question, sans plus de débat. Dans le passé, le législateur ne s’est toutefois pas toujours encombré de ces problèmes de conformité au droit européen. On pense notamment à l’abaissement de la TVA sur les livres numériques, qui a valu à la France une condamnation, en 2015.
Certains députés LREM espéraient toutefois avancer sur ce sujet, la directive TVA de 2006 étant actuellement en cours de révision. L’année dernière, la Commission avait ainsi annoncé vouloir supprimer la liste des biens et services pouvant profiter de taux réduits. En lieu et place, l’idée était d’instaurer une « nouvelle liste de biens auxquels le taux normal de minimum 15 % devra toujours s’appliquer » (notamment pour le tabac, les armes, les boissons alcoolisées...).
À l’Assemblée, pas de TVA à taux réduit pour les appareils reconditionnés
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Doper la filière des produits d’occasion en les rendant plus compétitifs
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Des taux réduits de TVA dépendants d’une directive européenne
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Une réforme jugée « coûteuse » par le gouvernement
Commentaires (41)
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Abonnez-vousLe 12/10/2018 à 16h27
Le 12/10/2018 à 16h29
Pas sûr qu’il se vende plus de terminaux reconditionnés que de terminaux neuf.
Le 12/10/2018 à 17h08
Le 12/10/2018 à 18h31
Le 12/10/2018 à 19h08
Sachant que la TVA payée par le réparateur n’est que sur la part plus-value entre le prix d’achat et le prix de revente, moins celle des pièces détachées qu’il a récupérée, le recyclage est déjà favorisé.
Par contre pour ça, il faut tenir une comptabilité propre…
Le 12/10/2018 à 19h17
Le 12/10/2018 à 19h22
C’est complètement faux ! Quand une entreprise est assujettie à la TVA, et elles ne le sont pas toutes, elle récolte de la TVA sur ses ventes et en paie sur ses achats. Elle reverse à l’État ensuite la différence entre les deux (collectée et déductible). Les entreprises paient donc de la TVA. Si elles n’ont pas à en payer c’est que ça va mal.
Et elles ne peuvent pas déduire la TVA sur tout.
Le 12/10/2018 à 19h28
Le 12/10/2018 à 20h15
Baisser la TVA pour les pauvres ? Quelle drôle d’idée. On est en Europe Môssieur. " />
Le 12/10/2018 à 20h57
Le 12/10/2018 à 20h58
La TVA sur le produit reconditionné, n’aurait-elle pas été déjà payée plein pot par le 1er acquéreur de l’objet ? " />
En somme, plus on recycle, plus on paie de TVA ?
Mais peut-être que recycler ajoute de la valeur à l’objet, auquel cas il faut de droit payer de la TVA… " />
Le 12/10/2018 à 21h09
Désolé d’intervenir dans cette discussion, mais les bras m’en tombe devant tant de dogmatisme.
Le 12/10/2018 à 21h13
Le 13/10/2018 à 06h39
La France cette banlieue européenne…
Le 13/10/2018 à 07h57
Le 13/10/2018 à 07h58
Le 13/10/2018 à 08h03
Le 13/10/2018 à 09h29
Le 13/10/2018 à 09h38
Je suis chef d’entreprise ! C’est une autre vision que celle d’un comptable, plus… concrète.
Le 13/10/2018 à 11h01
Le problème est que la TVA est payée lors de l’achat d’un matériel neuf (Ex : Smartphone à 667€HT + 133€ TVA). Après acquisition, une société spécialisée quelconque remet le matériel en état et le vend (Disons 300€ HT + 60€TVA).
Le même objet aura rapporté à l’état 133€ + 60€ de TVA.
A mon sens seule la valeur ajoutée (très complexe à définir pour une occasion) devrait être asujettie à la TVA.
C’est pourquoi ce taux réduit (forfaitaire) ne me parait pas idiot sur le fond.
Le 13/10/2018 à 13h04
Mais l’argument “pour baisser le prix” n’en est pas un.
Le 13/10/2018 à 13h24
Le 13/10/2018 à 13h29
Le 13/10/2018 à 18h12
Le 13/10/2018 à 19h32
Je dirais que c’est une vision étroitement mathématique du fonctionnement de la TVA. Oui intrinsèquement vous avez raison : l’exonération de TVA des achats d’une entreprise est un fait. Mais le vendeur est bien obligé d’augmenter ses prix de vente pour payer à l’État la TVA collectée. L’État prélève bien une partie de la richesse créée par l’entreprise.
Si les achats d’une entreprise ont la même valeur que ses ventes, il n’y a pas de TVA pour l’entreprise parce qu’il n’y a pas de richesse produite par l’entreprise. Donc il n’y a aucune raison pour que l’entreprise paie de la TVA… même si, finalement, il y a de la TVA payée par le consommateur final.
Votre affirmation tranchée voudrait presque dire que l’entreprise ne devrait pas faire de bénéfices sur le dos de ses clients consommateurs… au prétexte que c’est le consommateur final qui paie, à lui tout seul, la rémunération de toute la chaîne d’entreprises qui ont permis la création du bien final ou du service final acheté par lui (on n’est pas loin de la théorie marxiste de l’augmentation tendancielle du taux de profit).
Le 13/10/2018 à 19h59
Le 13/10/2018 à 20h09
L’Etat prélève la richesse générée par l’entreprise via l’impôt quelle paye ensuite.
Les prix de vente sont affichés en HT et en TTC, l’entreprise ne compte pas son bénéfice sur le PV TTC. (le CA est toujours calculé hors taxes)
Changer le taux de TVA aura mécaniquement un effet sur le PV TTC, mais aucun impact du point de vue de l’entreprise.
J’ai l’impression qu’il y a confusion avec la marge du revendeur.
A la rigueur, l’entreprise peut prendre à sa charge une hausse de TVA comme geste commercial (en rognant sur sa marge) ou via une opération commerciale (“en ce moment on vous offre la TVA”) qui se traduit mécaniquement de la même façon.
Le 14/10/2018 à 07h08
Je suis d’accord, je ne dis pas le contraire. En bref, je dis seulement que la TVA est payée sur la base du prix de vente, pas sur la base du coût de revient de la vente. Donc, économiquement, c’est bien la valeur “créée” par l’activité de l’entreprise qui est imposée, donc la TVA est payée par l’entreprise sur la partie “richesse créée” du prix de vente (ce qui n’empêche pas que l’entreprise se rémunère grâce à ses clients et que les consommateurs paient mécaniquement l’addition fiscale de TVA).
La TVA est à la fois une taxe sur la valeur ajoutée (stricto sensu) et une taxe sur la consommation.
Le 14/10/2018 à 11h03
Le 14/10/2018 à 11h17
Le 15/10/2018 à 15h26
La TVA sur le produit reconditionné, n’aurait-elle pas été déjà payée plein pot
par le 1er acquéreur de l’objet ?
je pensai, exactement, pareil !
ça revient à payer de la TVA….sur de la TV A (déjà payée) !
“une histoire de " /> )
Le 15/10/2018 à 18h54
C’est pas un scoop, tout bien d’occasion réutilisable est éligible à la TVA si le revendeur est assujetti.
Et le taux appliqué doit être le même que celui du neuf, l’état ne conditionne pas ce dernier. (ce qui a été demandé dans le sujet de l’article justement)
Par contre il n’y a aucune notion de TVA payée sur de la TVA. Le prix sur lequel se base la TVA restera un prix HT, à quel moment peut-on considérer qu’il y a déjà une part de TVA dans le prix de vente HT ? PV qui en plus, sauf rares cas tels que l’immobilier, sera inférieur au neuf.
https://www.entreprises.cci-paris-idf.fr/web/reglementation/developpement-entrep…
Le 12/10/2018 à 13h27
Faut pas rêver, les baisses de TVA ne se répercutent jamais sur les prix de vente !
Le 12/10/2018 à 13h28
Nouvel exemple de la cohérence en macronie: il ne faudrait surtout pas favoriser le recyclage des appareils par une incitation fiscale.
Le 12/10/2018 à 13h50
La baisse de la TVA n’est pas l’outil à privilégier !
Le 12/10/2018 à 13h51
Bien vu !
Le 12/10/2018 à 15h00
La position du rapporteur est logique. Par contre les parlementaires qui ne sont pas au courant du fonctionnement du brol…
Le 12/10/2018 à 15h07
Le 12/10/2018 à 15h34
Baisser un taux de TVA en dépit d’une directive européenne n’est pas possible, en revanche ne pas respecter une directive européenne à propos des émissions de NOx en France est possible. Vive la République !
Le 12/10/2018 à 15h48
L’Europe… Le prétexte universel pour refuser sans discuter. Reconditionné ce n’est pas une catégorie de bien.
La commission est une instance représentative des États, pas un truc sorti de rien sortant des directives de nulle part.
Les gouvernants n’ont par ailleurs aucun scrupule à la contourner quand ça les arrange.
Le 12/10/2018 à 16h00
Pareil pour le traitement des eaux, les roms…
On se trouve les prétextes qu’on peut.