Dans un arrêt rendu ce matin, la Cour de justice de l’Union européenne tranche : Amazon n’a pas à être contrainte de fournir un numéro de téléphone pour être contactée avec ses futurs clients. Le site de e-commerce peut opter pour d’autres moyens de communication, pourvu qu’ils soient directes et efficaces.
Cette affaire tranchée aujourd’hui implique le Code civil allemand. Celui-ci oblige les professionnels de la vente à distance à fournir aux consommateurs une série d’informations précontractuelles, dont un numéro de télécopieur et un numéro de téléphone.
Amazon a été poursuivie en Allemagne pour quelques contrariétés avec ces dispositions : aucun numéro de télécopieur, et un parcours du combattant pour obtenir le précieux numéro de téléphone. Une association de consommateurs a estimé en conséquence que le site ne respectait pas ces dispositions, poursuivant ce litige jusque devant la Cour fédérale de justice.
La directive 2011/83 relative aux droits des consommateurs impose une obligation d’information concernant les contrats passés à distance. Ainsi, les consommateurs doivent recevoir, avant conclusion par exemple d’une vente, « l’adresse géographique où le professionnel est établi ainsi que le numéro de téléphone du professionnel, son numéro de télécopieur et son adresse électronique, lorsqu’ils sont disponibles, pour permettre au consommateur de le contacter rapidement et de communiquer avec lui efficacement ».
« Lorsqu’ils sont disponibles » ? Ce petit bout de phrase a intrigué les juridictions allemandes qui se sont demandées finalement si les e-commerçants devaient impérativement fournir le numéro de téléphone avant consentement au contrat.
Une telle obligation imposerait la présence d’une cellule apte à répondre aux demandes des potentiels clients, avec toutes les conséquences qu’on peut imaginer en termes d’infrastructures.
Dans son arrêt du jour, la Cour de justice a été confrontée à un cas épineux puisque l’information précontractuelle change de sens selon les versions linguistiques de la directive : la communication des numéros de téléphone et de télécopieur prévue à l’article 6 est soit une vraie option soit tend à devenir une obligation.
Une disposition interprétée selon les objectifs du droit européen
« Il convient, dès lors, déduit faute de mieux la juridiction, d’interpréter la même disposition en fonction de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie ».
Une certitude, la directive précitée « oblige nécessairement le professionnel à mettre à la disposition de tout consommateur un moyen de communication qui permette à ce dernier de le contacter rapidement et de communiquer avec lui efficacement ».
Cependant, imposer une obligation inconditionnelle « de mettre à disposition du consommateur, en toutes circonstances, un numéro de téléphone, voire de mettre en place une ligne téléphonique, ou de télécopieur, ou de créer une nouvelle adresse électronique pour permettre aux consommateurs de contacter le professionnel paraît disproportionnée ».
Disproportionné puisque certaines structures peuvent vouloir réduire leur coût de fonctionnement, au titre de la liberté d’entreprendre, qui est d’égale importance avec la nécessaire protection des consommateurs.
En outre, l’obligation de fournir ces informations est cette fois non équivoque après la conclusion du contrat, comme le prévoit l’article 5 :
« Si l’intention du législateur de l’Union avait été de conférer à l’obligation de renseigner son numéro de téléphone, mise à charge du professionnel par l’article 6, paragraphe 1, sous c), de cette directive, la même portée que celle qui pèse, de manière non équivoque, sur ce même professionnel en vertu de l’article 5, paragraphe 1, sous b), de ladite directive, il semble plausible qu’il aurait adopté la même formulation ».
Une communication directe et efficace, mais non forcément un téléphone
L’essentiel, finalement, est que la plateforme de vente à distance satisfasse « aux critères d’une communication directe et efficace », tel que posé par la directive. Ainsi, le professionnel peut par exemple encourager l’usage d’un « système de messagerie instantanée ou de rappel téléphonique ».
Au final, conclut la CJUE, la directive interdit bien à une législation nationale d’imposer, en toutes circonstances, la fourniture d’un numéro de téléphone. Elle ne l’oblige pas non plus à mettre en place une ligne téléphonique ou de télécopieur, ou créer une nouvelle adresse électronique « pour permettre aux consommateurs de le contacter ».
Elle n’impose « de communiquer ce numéro ou celui du télécopieur ou son adresse électronique que dans les cas où ce professionnel dispose déjà de ces moyens de communication avec les consommateurs ». Seul cas obligatoire envisagé.
Avant tout, la cour rappelle que le texte de 2011 impose toujours la fourniture d’ « un moyen de communication de nature à satisfaire aux critères d’une communication directe et efficace ». Et le commerçant peut dès lors opter pour d’autres moyens de communication que ceux qu’elle énumère non limitativement.
En France, cet arrêt devrait imposer la réécriture d’un décret de 2014 relatif justement « aux obligations d'information précontractuelle et contractuelle des consommateurs et au droit de rétractation ». Depuis cette date, le Code de la consommation oblige les professionnels à toujours communiquer aux futurs consommateurs leur numéro de téléphone.
Commentaires (14)
#1
Que le droit européen ne l’exige pas je le comprends, mais de là à déduire (par un raisonnement a contrario et donc en droit = 0 ) de la Directive comme le fait la CJUE qu’il est interdit aux Etats membres d’imposer que la “communication directe et efficace” se fasse à minima par la fourniture d’un numéro de téléphone, me semble tiré par les cheveux.
Imposer un service client accessible par téléphone, ça semble pas être une entrave disproportionnée à la liberté d’entreprendre…
En outre, ça risque de placer le consommateur dans une situation difficile si la Loi ou la réglementation ne peut pas désigner les outils de cette “communication directe et efficace”, le dit consommateur va dire je n’ai jamais pu avoir quelqu’un au téléphone ou par email, et la professionnel de s’en sortir en disant ben on a un chatbot dispo 24h/24h 7j/7 et on a jamais enregistré la moindre demande de ce consommateur sur notre outil. Au final, il va s’instaurer un débat débile et reposant strictement sur le consommateur pour prouver que cet outil est pas direct et efficace.
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#3
Dans le genre service client autiste, c’est Google Alphabet qui s’impose comme maître … vu le nombre de témoignage où des mecs sont obligés de faire jouer leurs relations/«amis» FB/contact Git* c’est quand même délirant.
#4
D’un point de vue légal, je suis d’accord: pas d’obligation, selon le texte.
En revanche, il est peu crédible de dire qu’Amazon ne possède pas de numéro auquel le joindre…
Enfin, si tel est le cas (qu’il n’a pas de numéro), c’est une preuve d’irrespect envers d’éventuels clients en devenir. Tout le monde n’apprécie pas l’échange électronique; personnellement je préfère le dialogue, et pour mon travail je préfère me déplacer entre les services plutôt que de décrocher un combiné ou envoyer un email…
#5
imposer un service client, ça me semble problématique pour de toutes petites structures.
A l’époque des auto-entrepreneurs, c’est un coût non négligeable qui va avantager les gros comme Amazon.
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#7
C’est intéressant.
À voir évidemment la qualité d’un chat de support/courriel/forum/réseaux sociaux de support par rapport à un téléphone.
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Sauf que, navré, tu es complètement à côté de la plaque.
D’abord, la question posée concernait les relations entre professionnels et CONSOMMATEURS.
Le job dont tu parles de dev indépendant concerne TRÈS rarement ce type de relations, et bien plus couramment une relation pro-pro pour laquelle le principe est “vous êtes grands vous vous démerdez”.
Ensuite et quand bien même, personne ne met un flingue sur la tempe pour rester à côté du téléphone.
Rappel : ça fait chier aussi bien celui qui répond que celui qui appelle -> si tu prends le temps d’écrire et rendre accessible une faq ou équivalent pour traiter les cas les plus courants (genre délais de livraison, conditions contractuelles) tu vas largement limiter les appels téléphoniques aux seules questions réellement complexes, pour lesquelles de toute façon tu aurais eu (à priori) besoin d’intervenir directement.
Enfin, je rejoins les autres : sans définition claire et vérifiable de ce qu’est une communication “directe et efficace”, les sites auront beau jeu de mettre en place un truc théoriquement efficace mais concrètement moisi pour une majorité de clients (typiquement les chatbots), voire corriger en douce au dernier moment si ça gueule (combien d’utilisateurs auraient le réflexe de prendre des captures d’écran et même comme ça le site peut arguer que t’as loupé l’accès).
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#12
Je retranscris juste le contenu de l’actu
“Amazon a été poursuivie en Allemagne pour quelques contrariétés avec ces dispositions : aucun numéro de télécopieur, et un parcours du combattant pour obtenir le précieux numéro de téléphone.”
Bien sur, en France,
“le Code de la consommation oblige les professionnels à toujours communiquer aux futurs consommateurs leur numéro de téléphone”
#13
mouais, entre Amazon qui a peut-être pas de numéro de téléphone, mais chez qui un chat se fait en 10 minutes et le truc est plié et OVH qui dispose d’une panoplie de numéros de téléphone et même pour leur service VIP il faut parfois attendre plus d’une demi heure avant d’avoir un humain au téléphone, tout ça en compliquant le parcours usager dans des serveurs vocaux interactifs mal organisés, c’est tout de même gonflé d’en arriver à reprocher cela !
Ceci dit, vite vu : visiblement, il suffit d’un numéro, pas de quelqu’un qui décroche …
#14