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Droit à l’oubli sur Google : la Cour de cassation dans l’attente de l’arrêt de la CJUE

Droit à l'oubli, un droit à l'erreur ?

Droit à l’oubli sur Google : la Cour de cassation dans l’attente de l’arrêt de la CJUE

Le 24 juillet 2019 à 07h13

Une nouvelle fois, la question du référencement des condamnations pénales par les moteurs de recherche, via les articles de presse, est soumise aux plus hautes juridictions. Cette fois, la Cour de cassation a préféré surseoir à statuer sur le droit à l'oubli, dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne.

Un expert-comptable et commissaire aux comptes avait été condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende pour des infractions commises dans le cadre de sa sphère privée. La décision du tribunal correctionnel de Metz de novembre 2011 fut confirmée en appel du 9 octobre 2013.

À l’époque, le Républicain Lorrain avait publié des articles rendant compte de ce dossier. Ces publications ont depuis été archivées sur le site de l'éditeur, mais sans être à l’abri des robots d’indexation de Google. Résultat : même des années après, une recherche associant prénom et nom de cette personne fait systématiquement remonter ce passé peu glorieux dans les premiers résultats. Avec les conséquences douloureuses que l’on imagine, pas seulement en termes d’image.  

Auprès de Google comme en référé, l’intéressé avait réclamé en vain l’effacement de ces données au titre du « droit à l’oubli », plus exactement du droit à l’effacement déjà consacré par la législation antérieure au RGPD. La juridiction d’appel avait elle aussi refusé ce coup de gomme faute de « trouble manifestement illicite ». 

Devant la Cour de cassation, l’expert-comptable a surtout rappelé que les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions et autres condamnations, des données dites sensibles, ne peuvent être mis en œuvre que par certaines institutions (juridictions, autorités publiques, auxiliaires de justice, etc.) outre la presse au titre de son droit à l’information. Pour les autres cas, il est donc nécessaire d’obtenir le consentement de la personne concernée.

Le droit à l'oubli dans les moteurs, quid des données sensibles ? 

Dans l’affaire Costeja du 13 mai 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé que l’activité d’un moteur de recherche comme Google devait être qualifiée de «traitement de données à caractère personnel ». Depuis, l’effacement (ou « l’oubli ») dans les moteurs est donc devenu un droit pour les individus en particulier lorsque la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation de leurs données est interdite.

La Cour de cassation a toutefois préféré sursoir à statuer dans son arrêt du 5 juin, et donc repousser dans le temps sa décision. Pourquoi ? Tout simplement parce que le Conseil d’État a transmis des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne  portant sur le thème des données sensibles, ignoré dans l'affaire de 2014. 

Le dossier européen est toujours en cours, mais le 10 janvier 2019, l’avocat général de la CJUE a plaidé pour une approche tempérée. Avant d’effacer ces traces personnelles, l’exploitant d’un moteur de recherche devrait, selon lui, procéder à une mise en balance entre d’une part, le droit au respect de la vie privée et celui de la protection des données et, d’autre part le droit du public à avoir accès à l’information et la liberté d’expression.

Dans l’hypothèse d’un avis suivi par la justice européenne, la Cour de cassation devra s’aligner et Google se demander si en 2019, le public a toujours besoin de savoir que cet expert-comptable a fait l’objet en 2013 d’une condamnation pénale. Délicate question.

Commentaires (11)

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Donc ça serait aux moteurs de recherche de juger si un contenu doit être desindexé ou non ? o_o’

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Sous le contrôle de la CNIL et de l’autorité judiciaire. 

Google combat depuis des lustres ce mécanisme, lui qui se veut moteur de recherche non usine à gomme.

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Ce serait surtout à des responsables de traitement de données à caractère personnel comme Google de limiter la collecte de données sensibles réalisée à ce qui est nécessaire et ne pas conserver la donnée indéfiniment.



C’est valable pour toute boite un tant soit peu respectueuse du droit à la protection des données lorsqu’elle collecte et publie des données à caractère personnel.

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Demander à Google de déréférencer un article de presse ce ne serait pas de la Censure ?

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En effet et peut importe le contenu etc…

Une censure peut importe laquelle est malsaine sur le long terme de toute manière, parce que si on censure ça pourquoi on censure pas ça etc…

 

 

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Résultat : même des années après, une recherche associant prénom et nom

de cette personne fait systématiquement remonter ce passé peu glorieux

dans les premiers résultats.





Il est peut-être là le problème : une affaire vieille de plusieurs années, dont la peine a été purgée, ne devrait pas être dans les premiers résultats. Elle devrait se trouver plus loin dans les résultats, ainsi Google se censurerait rien, et les personnes en question verrait le rappel constant à la condamnation s’éloigner.

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Jarodd a écrit :



Il est peut-être là le problème : une affaire vieille de plusieurs années, dont la peine a été purgée, ne devrait pas être dans les premiers résultats. Elle devrait se trouver plus loin dans les résultats, ainsi Google se censurerait rien, et les personnes en question verrait le rappel constant à la condamnation s’éloigner.





Elle est peut-être dans les premiers résultats parce qu’encore bien présente dans les esprits et donc dans les recherches. <img data-src=" />


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Comment veux-tu que Google sache quelles données sont sensibles? Il n’y a pas d’humains derrière qui contrôlent chaque page indexée pour vérifier si elle en contient.

Une solution pourrait être un genre de robots.txt qui indiquerait aux moteurs quelles pages ne pas indexer, ou alors sans les noms des personnes.

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La justice et ses décisions doivent être publique pour être légitime, et contrôlable par les citoyens (tout l’inverse des tribunaux d’arbitrage que Macron impose en plein été avec le CETA, sans un mot des journaux d’état comme Le monde): cet homme doit assumer ses actes passés <img data-src=" />

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Tu confonds tout comme d’habitude.

Oui, la justice et ses décisions doivent être publique et elles le sont.



Là, on parle de garder public ou non des articles de presse référencé indéfiniment avec la mention de la condamnation ?



Il a été condamné, il a payé son amende et ne doit plus rien à la société. Doit-il porter sa faute toute sa vie ?

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Il y a une façon très simple de régler ce problème : demander aux juges de statuer sur le droit à l’oubli lors du procès.

Il est déjà possible d’ordonner des parutions alors l’inverse avec un critère de durée n’est pas impensable.



Il suffirait ensuite pour la personne de transmettre le jugement à X ou Y pour exercer son droit à l’oubli.





Avant d’effacer ces traces personnelles, l’exploitant d’un moteur de recherche devrait, selon lui, procéder à une mise en balance entre d’une part, le droit au respect de la vie privée et celui de la protection des données et, d’autre part le droit du public à avoir accès à l’information et la liberté d’expression.





L’exploitant d’un moteur de recherche ne doit pas pour autant se substituer au juge. <img data-src=" />

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