Loi Audiovisuel : l’Arcep tique sur les modalités du blocage des sites pirates
L'Arcep d'or
Le 04 décembre 2019 à 15h11
4 min
Droit
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Dans son avis sur le projet de loi relative à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle, l’Arcep s’est notamment penchée sur la question du blocage d’accès prévue par l’article 29 du texte. Non sans inquiétudes.
Dans les quatre avis publiés par le ministère de la Culture, celui de l’Arcep est le seul à se pencher précisément sur le sujet du blocage des sites. Il s'agit de l’une des briques du projet de loi défendu par Franck Riester, qui aura d’ailleurs pour rapporteure la députée Aurore Bergé (LREM).
L’article 29 traite du cas où une décision de justice interdit « la reprise totale ou partielle d’un contenu portant atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin ». L’objectif de cette disposition est alors d’aiguiser la lutte contre les sites dits miroirs.
Lorsqu’un tribunal de grande instance ordonne le blocage d’un nom de domaine, il est simple pour son éditeur de rediriger les visiteurs sur un nouveau nom. Si les tribunaux ont pris des mesures d’assouplissement à l’égard des moteurs, pour actualiser la mesure d’interdiction, les ayants droit sont en principe contraints de revenir devant le juge avec les fournisseurs d’accès.
D'une logique de sites à une logique de contenus
Dans le projet de loi ausculté prochainement par les députés et sénateurs, l’idée est de confier à l’Arcom, future autorité fusionnant CSA et Hadopi, la possibilité de demander aux fournisseurs d’accès, mais également aux fournisseurs de noms de domaine « de bloquer l’accès à tout site, à tout serveur ou à tout autre procédé électronique donnant accès aux contenus jugés illicites par ladite décision ».
Elle pourra tout autant réclamer des moteurs l’arrêt du référencement « des adresses électroniques donnant accès à ces contenus ».
Cette procédure n’est pas impérative en ce sens que si le FAI, le moteur ou le fournisseur de nom de domaine ne donne pas suite à cette demande, « l’autorité judiciaire [pourra] être saisie, en référé ou sur requête pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès à ces contenus ».
L’Arcep voit toutefois d’un très mauvais œil cette mesure. En lisant bien la prose du projet de loi, elle anticipe « une obligation de surveillance disproportionnée ».
Pourquoi ? Dans le scénario décrit dans son avis, on ne retrouve pas la logique du blocage des sites pédopornographiques par exemple. Dans ce cas de blocage administratif, l’OCLCTIC transmet une liste de sites que les fournisseurs doivent bloquer, et les moteurs déréférencer.
Dans le blocage voulu par le projet de loi du ministère de la Culture, l’Arcep estime que cette fois « les FAI seraient soumis à une obligation de blocage de tout site, de tout serveur ou de tous autres procédés électroniques donnant accès aux contenus jugés illicites par une décision de justice, alors même que ne seraient transmis aux FAI que ces contenus ».
La nuance est donc forte : nous ne sommes plus dans une logique de listes, mais dans une logique de contenus, à charge pour les intermédiaires concernés, « d’identifier tous les cas de mise à disposition du contenu jugé illicite ». Un dispositif jugé irréaliste techniquement et même disproportionné, résume l’autorité de régulation des télécoms.
La proposition de loi Avia, cible par ricochet de ces critiques
Le point est important, car ces critiques portées sur le projet de loi gouvernemental vont pouvoir être dupliquées à l’égard de la proposition de loi Avia.
L’article issu de la future loi audiovisuelle a en effet été soigneusement calqué sur l’article 6 de la « PPL » contre la haine en ligne, comme on peut le constater avec ces deux captures :
À gauche, la proposition de loi Avia, à droite, le projet de loi audiovisuel.
En somme, il ne serait pas étonnant qu’au Sénat, qui s’apprête à « faire un sort » à cette proposition de loi, réapparaissent les remarques de l’Arcep.
Loi Audiovisuel : l’Arcep tique sur les modalités du blocage des sites pirates
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D'une logique de sites à une logique de contenus
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La proposition de loi Avia, cible par ricochet de ces critiques
Commentaires (16)
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Abonnez-vousLe 05/12/2019 à 13h54
La Chine n’arrive déjà pas à bloquer complètement, c’est pas la France qui va réussir.
Et même si on coupe le net, tu peux faire du partage avec un réseau mesh (batlan ou autre).
Le 05/12/2019 à 14h05
Certes, mais on peut s’attendre à ce que nos (futurs) dirigeants soient créatifs pour éviter la démocratisation de ces solutions, si ça permet aux gens de contourner facilement à peu près toute forme de censure. Pour le réseau mesh, on est loin de la solution simple et accessible au grand publique… Sans compter qu’hors des villes où le maillage en wifi est dense, c’est mort.
Le 06/12/2019 à 09h50
Le record entre deux points Wi-Fi c’est 382km, donc c’est pas mort mais ça nécessite de l’équipement spécial " />
ARN-FAI le test déjà dans le Bas-Rhin en situation réelle.
De toute façon, quand tu vois les “solutions” bancales déjà en place, le temps qu’ils trouvent un truc vraiment efficace ce compte en décennie " />
Le 06/12/2019 à 11h36
Le 06/12/2019 à 11h44
Le 07/12/2019 à 14h10
Le 09/12/2019 à 23h04
Le 04/12/2019 à 15h26
Si les fournisseurs de nom de domaine deviennent des acteurs du filtrages, les prix de vente vont s’envoler.
Le 04/12/2019 à 15h30
Donc on bloque le torrent en général car certain l’utilisent pour pirater ? Eh ben, on va vraiment dans un délire gigantesque là O.o
Le 04/12/2019 à 16h04
Autant interdire internet, c’est le média utilisé pour le crime !
Le 04/12/2019 à 17h05
Si on bloque un contenu partout on est d’accord que ça inclu les versions ‘légales’. Fin de la vod et retour aux galettes!
Le 04/12/2019 à 20h09
Le 05/12/2019 à 07h18
C’est parfait, qu’ils continuent dans cette voie afin que de plus en plus se mettent à développer des solutions alternatives et décentralisées du web (TOR, Zer0net, IPFS, FreeNET etc) et surtout le rendre de plus en plus accessible et simple pour le grand publique, ils vont l’avoir mal " />
Par contre la mesure de demander fournisseurs de noms de domaine risque de faire mal si appliqué par tous les fournisseurs (ce qui m’étonnerais fortement vu le nombre de TLD de premiers niveau). On aurait l’émergence de serveur DNS “pirate” à paramétrer pour faire “autorité” et contourner le problème (ce qui reste de créer d’autre problème " /> ).
Le pirate existe depuis le vinyle (voir même avant), c’est pas eux qui vont réussir à l’enterrer avec succès " />
Le 05/12/2019 à 11h02
J’ai du mal à comprendre le principe. Avec un simple login/password +HTTPS, un FAI ne peut pas savoir ce qui passe par ses tuyaux.
Le 05/12/2019 à 12h09
Les metadatas sont déjà suffisamment parlantes sans avoir à vérifier chaque paquet qui transite dans les tuyaux.
Une url du typehttps://baiedescorsaires/reine-des-neiges-2-HD-full.ruisseau, y’a peu de chance que ce soit la vidéo de ma p’tite 2eme en classe de neige …
Encore que … Mais dans ce cas je le mettrait plutôt en peertube.
Et comme pour une majorité des utilisateurs, le dns est celui du FAI, il voit en amont ce que tu cherches et donc bloquer.
Par contre si le ruisseau tu l’as récupéré ailleurs, il vont avoir plus de mal à identifier le contenu des paquets. Un paquet IP avec 1500 octets à 0 qui se suivent, ca indique pas grand chose du reste du fichier.
Le 05/12/2019 à 13h40