Rejet de la plainte de Molotov contre TF1 et M6 devant l’Autorité de la concurrence

Rejet de la plainte de Molotov contre TF1 et M6 devant l’Autorité de la concurrence

Salto arrière

Avatar de l'auteur

Marc Rees

Publié dansDroit

05/05/2020
6
Rejet de la plainte de Molotov contre TF1 et M6 devant l’Autorité de la concurrence

L’Autorité de la concurrence a finalement rejeté le recours de Molotov contre les deux groupes. La plateforme n’a pu apporter suffisamment de preuves pour démontrer les prétendues atteintes concurrentielles dont elle s’estimait victime. 

Le 12 juillet 2019, Molotov saisit l’Autorité de la concurrence pour dénoncer les pratiques de TF1 et M6. Pour comprendre pourquoi, il faut remonter à 2015. Cette année, la plateforme qui avait déjà pour ambition de réinventer la télévision avait signé des contrats de distribution avec plusieurs chaines, pour couvrir certains services. 

Pour M6, ces options concernaient par exemple le moteur de recommandation, le « start over » ou retour au début… La fonction d’enregistrement, qui s’appuie sur l’exception pour copie privée, n’est apparue finalement que le 2 décembre 2016 suite à un avenant. Ces liens contractuels concernaient les chaînes M6, W9, 6TER et M6 Boutique pour le bouquet gratuit, Paris Première, Téva, M6 Music et Girondins TV pour l’abonnement payant. Ces contrats furent conclus à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2017.

Pour les huit chaines du groupe TF1, le « NPVR » (Network Personal Video Recorder) n’est apparue qu’avec l’avenant du 21 décembre 2016. Le contrat initial fut signé pour le 1er novembre 2015 pour deux ans puis prorogé jusqu’au 30 juin 2019.

Restructuration par TF1 et M6 des conditions de distribution

Problème, dans ce calendrier, un évènement a changé la donne. Dès 2016, les deux groupes « ont souhaité restructurer les conditions de distribution de leurs services, en exigeant chacun une rémunération de leurs distributeurs pour le droit de distribuer leurs chaînes et services associés ».

Le 30 octobre 2017, soit deux mois avant le terme du contrat initial, M6 a ainsi prévenu Molotov que « tout nouvel accord devra s’inscrire dans le cadre des conditions générales de distribution de [ses] services qui prévoient notamment que ceux-ci doivent être repris uniquement au sein d’une offre de télévision payante ne pouvant être constituée essentiellement de chaînes de la TNT en clair ».

En somme, une offre groupée et payante, à mille lieues du modèle freemium de la plateforme. Ce n’est qu’en dernière ligne droite que Molotov a pu poursuivre la distribution des chaînes selon les conditions initiales, mais seulement jusqu’au 31 mars 2018.

Le 4 avril 2018, Molotov a changé de braquet, assignant le groupe devant le tribunal de commerce de Paris. Le 11 février 2019, la juridiction lui donne raison et annule la clause dite de paywall, comme expliqué dans nos colonnes. L’affaire n’en est pas restée là : non seulement M6 a fait appel, mais le 6 avril 2018, explique l’Autorité, le groupe « a saisi le tribunal de grande instance de Paris d’une action en contrefaçon et parasitisme à l’encontre de Molotov, celle-ci ayant maintenu par un autre biais la diffusion des services du groupe M6 en l’absence d’accord ».

Molotov se plaint tout autant de la décision du groupe TF1 d’imposer brutalement « un durcissement de ses conditions de distribution ». Selon la plateforme, La logique serait la même : résiliation de l’accord de distribution initial, application d’un modèle « premium ». « Toutes les tentatives de discussions initiées par Molotov à la suite du courrier (…) auraient été écartées par le groupe TF1 » constate encore l’Autorité de la concurrence. « Le groupe TF1 aurait refusé de répondre aux sollicitations de Molotov, avant de lui annoncer, le 14 juin 2019, qu’il refusait de poursuivre les négociations et que la reprise de ses chaînes devrait cesser à compter du 1er juillet 2019 ».

Depuis, même scénario : Molotov a poursuivi la reprise des chaînes du groupe, qui l’a attaqué en contrefaçon devant le tribunal de grande instance de Paris.

Un curieux alignement de planètes, dans la constellation Salto

Pour Molotov, ce drôle d’alignement de comportements a une explication : les deux groupes participent à la création de Salto, plateforme concurrente à Molotov.

Celle-ci dénonce qu’« une corrélation évidente peut être observée au plan temporel entre l’émergence du projet Salto et le comportement des groupes TF1 et M6 dénoncé par Molotov, lequel est au surplus dépourvu de toute rationalité autre que celle d’exclure Molotov en tant que concurrent ».

TF1 et M6 tenteraient ainsi d’évincer Molotov. Il y aurait « collusion anticoncurrentielle » entre les groupes et Molotov serait « dans une situation de dépendance économique » vis-à-vis de ces deux acteurs qui en auraient abusé par leur comportement.

Pas d’infraction selon l’Autorité de la concurrence

L’Autorité de la concurrence n’a toutefois pas été convaincue par la démonstration d’une position dominante collective, en retenant une approche simplement calendaire du dossier. Par exemple, « s’agissant, par ailleurs, du lien structurel résultant de la création de Salto, force est de constater qu’il n’est apparu que postérieurement aux pratiques dénoncées par la saisissante ». D’autant que dans sa décision autorisant la création de Salto, le 12 août 2019, l’Autorité avait exigé une série d’engagements ayant « pour objectif de remédier aux risques concurrentiels identifiés par l’Autorité, empêchent les parties d’adopter une ligne commune sur le marché via leur filiale commune ».

S’agissant de l’allégation d’abus de dépendance économique, l’Autorité reproche à Molotov de ne pas avoir mené une analyse « au cas par cas » de la dépendance dans laquelle elle se trouverait vis-à-vis des deux groupes. « La saisissante ne fournit pas de chiffre permettant d’estimer avec précision la part que représentent les chaînes et services des groupes TF1 et M6 dans son chiffre d’affaires total ».

Molotov dénonçait encore une entente. Mais l’Autorité lui a indiqué qu’un « parallélisme des comportements ne suffit pas à qualifier une entente anticoncurrentielle ». Pour elle, la nouvelle stratégie de TF1 et M6 s’explique avant tout par « la stagnation des ressources publicitaires des éditeurs de télévision nécessitant de rechercher de nouvelles sources de revenus » :

« S’il existe un certain parallélisme entre l’évolution des relations entre M6 et Molotov d’une part, et entre TF1 et Molotov d’autre part, dans la mesure où M6 et TF1 ont chacun à leur tour rompu leurs contrats de distribution avec Molotov, tandis que les négociations respectives en vue de la conclusion d’un nouveau contrat n’ont pas abouti, la saisine et les éléments au dossier ne contiennent aucun élément tendant à démontrer l’existence d’un accord de volonté, explicite ou tacite, entre les groupes TF1 et M6 ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, en excluant Molotov du marché ».

Enfin, Molotov a mis en cause une restriction verticale, à savoir la clause de paywall imposée par M6. Mais ce dernier point n’a pas fait un pli devant l’AdlC, déjà parce qu’il suppose un accord de volonté qui n’existait pas entre la chaîne et la plateforme et parce que la clause litigieuse, à la date de la saisine, avait été désactivée par la justice.

« Il résulte de ce qui précède que la société Molotov n’apporte pas d’éléments suffisamment probants à l’appui de ses allégations » conclut l’autorité. Cette décision est susceptible de faire l’objet d'un recours.

6
Avatar de l'auteur

Écrit par Marc Rees

Tiens, en parlant de ça :

Poing Dev

Le poing Dev – Round 7

Meuh sept super !

22:32 Next 7
Logo de Gaia-X sour la forme d’un arbre, avec la légende : infrastructure de données en forme de réseau

Gaia-X « vit toujours » et « arrive à des étapes très concrètes »

« Money time »

18:06 WebSécu 3

Trois consoles portables en quelques semaines

Et une nouvelle façon de concevoir le jeu se confirme

10:45 Hard 36

Sommaire de l'article

Introduction

Restructuration par TF1 et M6 des conditions de distribution

Un curieux alignement de planètes, dans la constellation Salto

Pas d’infraction selon l’Autorité de la concurrence

Poing Dev

Le poing Dev – Round 7

Next 7
Logo de Gaia-X sour la forme d’un arbre, avec la légende : infrastructure de données en forme de réseau

Gaia-X « vit toujours » et « arrive à des étapes très concrètes »

WebSécu 3

Trois consoles portables en quelques semaines

Hard 36
Une tasse estampillée "Keep calm and carry on teaching"

Cyberrésilience : les compromis (provisoires) du trilogue européen

DroitSécu 3

#LeBrief : fuite de tests ADN 23andMe, le milliard pour Android Messages, il y a 30 ans Hubble voyait clair

#Flock a sa propre vision de l’inclusion

Flock 25
Un Sébastien transformé en lapin par Flock pour imiter le Quoi de neuf Docteur des Looney Tunes

Quoi de neuf à la rédac’ #10 : nous contacter et résumé de la semaine

43
Autoportrait Sébastien

[Autoportrait] Sébastien Gavois : tribulations d’un pigiste devenu rédac’ chef

Next 20
Logo de StreetPress

Pourquoi le site du média StreetPress a été momentanément inaccessible

Droit 21
Amazon re:Invent

re:Invent 2023 : Amazon lance son assistant Q et plusieurs services IA, dont la génération d’images

IA 14
Un œil symbolisant l'Union européenne, et les dissensions et problèmes afférents

Le Conseil de l’UE tire un bilan du RGPD, les États membres réclament des « outils pratiques »

Droit 6

19 associations européennes de consommateurs portent plainte contre Meta

DroitSocials 16

#LeBrief : Ariane 6 l’été prochain, Nextcloud rachète Roundcube, désinformation via la pub

Chiffre et formules mathématiques sur un tableau

CVSS 4.0 : dur, dur, d’être un expert !

Sécu 16
Une tête de fusée siglée Starlink.

Starlink accessible à Gaza sous contrôle de l’administration israélienne

Web 35
Fibre optique

G-PON, XGS-PON et 50G-PON : jusqu’à 50 Gb/s en fibre optique

HardWeb 53
Photo d'un immeuble troué de part en part

Règlement sur la cyber-résilience : les instances européennes en passe de conclure un accord

DroitSécu 10
lexique IA parodie

AGI, GPAI, modèles de fondation… de quoi on parle ?

IA 11

#LeBrief : logiciels libres scientifiques, fermeture de compte Google, « fabriquer » des femmes pour l’inclusion

livre dématérialisé

Des chercheurs ont élaboré une technique d’extraction des données d’entrainement de ChatGPT

IAScience 3
Un chien avec des lunettes apprend sur une tablette

Devenir expert en sécurité informatique en 3 clics

Sécu 11
Logo ownCloud

ownCloud : faille béante dans les déploiements conteneurisés utilisant graphapi

Sécu 16
Le SoC Graviton4 d’Amazon AWS posé sur une table

Amazon re:invent : SoC Graviton4 (Arm), instance R8g et Trainium2 pour l’IA

Hard 12
Logo Comcybergend

Guéguerre des polices dans le cyber (OFAC et ComCyberMi)

Sécu 10

#LeBrief : faille 0-day dans Chrome, smartphones à Hong Kong, 25 ans de la Dreamcast

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

Commentaires (6)


Aurell Abonné
Il y a 4 ans

Bon le sous-titre !


roncamma
Il y a 4 ans

J’arrive toujours pas à comprendre que d’un côté on a les chaînes diffusées gratuitement en clair par la TNT et câble. N’importe qui peut récupérer le signal, l’enregistrer sur disque dur etc…
Par contre, sur un accès internet, alors là c’est restrictions max. Passer par le site web propriétaire de la chaîne, Mycanal très cher, Molotov qui galère à pouvoir utiliser le signal…. Et par les FAI c’est verrouillé sur le décodeur. Seul free propose de le recevoir via VLC par exemple, et encore on retrouve les même tensions car TF1, M6 pas dispo.


wanou2 Abonné
Il y a 4 ans

Avec tout ces épisodes j’ai eu mal à comprendre qu’elle est la situation de molotov par rapport aux éditeurs de chaînes.


choukky Abonné
Il y a 4 ans

Lorsque tu enregistre toi même la TNT tu rentre dans les clous de la copie privée.
Lorsque tu passe par un tiers, en l’occurrence Molotov, tu n’es plus dans les clous de la copie privée.
Rien que sur ce simple aspect, il y a une différence.


Zone démilitarisée Abonné
Il y a 4 ans






roncamma a écrit :

N’importe qui peut récupérer le signal, l’enregistrer sur disque dur etc…


…mais pas le diffuser à son tour. C’est là que Molotov intervient.



Zone démilitarisée Abonné
Il y a 4 ans






choukky a écrit :

Lorsque tu passe par un tiers, en l’occurrence Molotov, tu n’es plus dans les clous de la copie privée.


Tu dois l’être puisque Molotov est référencé comme distributeur de services audiovisuels auprès de CSA.