Déploiement de la fibre : l’Avicca grogne et distribue les mauvais points
Fini les villes à plus de 100 % d’éligibilité
Le 04 octobre 2021 à 07h00
9 min
Internet
Internet
Le déploiement de la fibre en France suit son cours, sous l’impulsion du plan France THD. Les écarts se creusent entre les zones, et l’Avicca souhaiterait que l’Arcep et/ou l’État sévissent davantage afin de faire respecter les engagements des uns et des autres. L’ombre de la pénurie des poteaux plane toujours.
Suite à la publication par l’Arcep de l’observatoire du déploiement de la fibre optique en France, l'Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l'Audiovisuel (Avicca) revient sur ce sujet, zone par zone. Comme nous l’avions expliqué dans notre analyse, le déploiement dans les RIP (Réseaux d’Initiative Publique) monte en puissance, il a même pris le dessus sur les zones privées au second trimestre.
L’association s’en félicite d’ailleurs : « avec 850 000 prises déployées sur les seuls réseaux d’initiative publique (RIP), soit un doublement par rapport au T2 2020, la filière professionnelle prouve qu'elle est en capacité de déployer massivement des prises "consommant" 9 fois plus de supports aériens et 2 fois plus de génie civil qu'une même prise en zone d'initiative privée ». En effet, les lignes sont généralement plus longues et nécessitent de recourir à des supports extérieurs dans les zones rurales, par rapport aux grandes villes.
Elle en profite pour dénoncer la « passivité » de Bouygues Telecom, Free et SFR qui ne se contentent « même plus de faire de la figuration ». En effet, « Orange reste de plus en plus seul à déployer (115 000 prises sur les 117 000 déployées) ». De manière générale, de nouvelles prises sont installées partout sur le territoire, mais cela n’est pas forcément suffisant face aux nouvelles constructions et donc à l’augmentation du nombre de locaux à raccorder.
L’Avicca donne plusieurs chiffres pour étayer son propos et remet quelques pendules à l’heure au passage.
ZTD : plus je déployais moins vite, moins j’avançais plus vite
Dans les zones très denses (ZTD) où les quatre opérateurs se livrent une guerre commerciale, « 239 000 nouvelles prises FTTH ont été construites » sur le semestre, alors que sur la période « l'Arcep a décompté 201 000 nouveaux locaux à rendre raccordables ». Bref, à peu de choses près « les déploiements FTTH font du surplace en ZTD ».
Conséquence de ce réajustement, « plus aucune commune n'est raccordable à plus de 97 % ». Pour l’Avicca, « il faut donc sortir vite le plus grand nombre possible de communes de cette zone d'impasse réglementaire où les opérateurs n'ont aucune obligation de complétude ».
Pour rappel, la complétude consiste en une obligation de rendre raccordables « l’ensemble des locaux d’une zone technique prédéfinie dans un délai raisonnable », avec une faible proportion de raccordables « à la demande » (délai de 6 mois maximum après la demande) pour ne pas laisser quelques prises de côté une fois la zone fibrée.
Selon les données de l’Avicca et de l’Arcep, sur les 106 communes ZTD, 100 % dispose d’au moins 50 % de lignes éligibles à la fibre optique (105/106 le trimestre précédent). On descend à 89 % (+ 5 points en trois mois) qui ont au moins 80 % de prises FTTH. Seulement 22 % (- 5 points) avec 95 % des prises éligibles au FTTH ou plus :
Dans le dernier cas, la baisse s’explique par la prise en compte des nouveaux logements dans les calculs. Mais de manière générale, les exemples de grandes villes avec un « faible » taux de couverture sont nombreux : « Marseille, Nantes, Strasbourg, Lille, Nancy, Clermont-Ferrand, Toulon, Rouen restent, 12 ans après leur classement d'office par l'Arcep en ZTD, mal couvertes en FTTH (de 50 à 76% de raccordabilité) » précise l'Avicca.
Fini les villes avec plus de 100 % de taux de couverture
Le réajustement du nombre de locaux permet de remettre les choses à plat : le taux de logements raccordables dépassait parfois les 100 % (ce qui ne peut pas correspondre à la réalité) : « Boulogne-Billancourt, Cergy, Colombes, Évry (qui passe de 131 % selon les opérateurs à 92 % après corrections des bases de locaux par l'Arcep), Issy-les-Moulineaux, Le Plessis-Robinson, LevalloisPerret, Romainville (qui passe de 135 % à 88 %), Rosny-sous-Bois (de 100 % à 75 %) et Vénissieux (108 % à 69 %) ». Ces villes sont désormais à moins de 95 % de complétude.
À contrario, cinq communes dépassent désormais ce seuil : Bagneux, Cachan, Garches, La Garenne-Colombes et Villeneuve-la-Garenne. L’Avicca ajoute une « petite note positive » doublée d’une pointe de sarcasme : « Lille passe enfin la barre des 50% de raccordables. En théorie, les Lillois devraient ainsi tous être raccordables vers 2033... ».
Le plan France THD (que nous avons détaillé dans notre second magazine) prévoit pour rappel que 100 % de la France métropolitaine dispose d’une couverte en très haut débit, dont 80 % des lignes avec de la fibre optique, d'ici 2022. Un nouvel objectif d’atteindre 100 % en FTTH a ensuite été ajouté à l’horizon 2025.
Un « arrêt progressif » dans les zones AMII ?
Après les ZTD, l’Avicca analyse le déploiement dans la zone AMII (Appel à Manifestation d'Intention d'Investissement), des zones moins denses d’initiative privée du territoire où Orange et SFR déploient de la fibre.
« Les chiffres du T2 2021 confirment l'arrêt progressif de l'outil de production de prises FTTH en zone AMII par Orange et SFR. Déjà divisé par deux au premier trimestre, le rythme de construction de nouvelles prises baisse encore de 20 % ». Pourtant cette zone est aussi confrontée à une hausse du nombre des locaux : « Cette chute est d'autant plus critique que les 474 000 prises rendues raccordables au second trimestre sont à rapprocher des 370 000 nouveaux locaux à rendre raccordables ». Résultat des courses, l'ajustement conduit à une baisse importante des communes à plus de 95 % de complétude : on passe de 682 au premier trimestre à 608 au second.
Voici quelques exemples des corrections avec des villes qui étaient à plus de 100 % : « Chessy (Seine-et-Marne) qui passe ainsi de 172 % (!) de raccordables à 82 %, Villenave-d'Ornon (Gironde) de 131 % à 80 %, Dardilly (Rhône) de 121 % à 80% également, ou encore Sarrola-Carcopino (Corse) qui chute de 137 % à 68 % ! ».
L’Avicca a « une envie folle » : faire respecter les engagements
L’association en profite pour lancer un appel du pied aux autorités : « S'il prenait un jour l'envie folle à l'État et/ou à l'Arcep de faire respecter les engagements L.33 - 13 des opérateurs, encore faudrait-il que ce soit sur des bases statistiques solides ». L’Arcep explique qu’Orange et SFR s’étaient engagés à rendre raccordable ou à la demande (dans un maximum de 8%) 100 % des lignes en 2020 (près de 3 000 communes pour Orange, 641 pour SFR).
Problème pour l’Avicca, les chiffres de 2018 du nombre de locaux sur lesquels se basent les calculs sont inférieurs à ceux d’aujourd’hui. D’autres « joyeusetés » doivent être prises en compte : « Il faudra donc disposer d’un référentiel fiable, nettoyé « des prises "gelées", des locaux retirés de la commercialisation après plusieurs échecs de raccordement (qui restent pourtant identifiés comme logements raccordables) ».
Se pose aussi la question des « locaux raccordables à la demande toujours non raccordables (à date) et d'autres variants utilisés çà et là pour gonfler artificiellement les statistiques ».
En zone AMEL, des silences « assourdissants » de l’État
Sur les zones AMEL (Appel à Manifestation d'Engagement Local), l’Avicca n’est pas plus tendre et regrette que l'Arcep ne donne pas des chiffres détaillés, autres que « 150 000 locaux éligibles » fin juin 2021.
« Rien sur l'absence d'atteinte ne serait-ce que d'un seul des objectifs intermédiaires des AMEL pris individuellement. Rien sur le rythme de production de prises FTTH en zone AMEL. Le déploiement recule pour le quatrième trimestre consécutif. Il n'est plus que la moitié de ce qu'il était il y a un an. Rien sur les 3 AMEL qui ne comptent toujours aucune prise FTTH, à date, parmi les 10 AMEL validés par l'État ! ».
Là encore, l’association ne mache pas ses mots : « L'État a cependant le mérite d'être constant : il n'assure pas plus le service après-vente des "engagements" L.33 - 13 en zone AMII qu'en zone AMEL. Certains silences sont assourdissants… ». 3 426 communes sont dans une zone AMEL. Sur ce lot, les travaux ont commencé dans seulement 785 (+ 169 en trois mois) d’entre elles. Elles sont au dernier décompte 547 (+ 106) à disposer d’au moins 50 % de prises raccordables à la fibre, et 148 seulement (+ 10) avec un taux de complétude supérieur à 95 % :
Les RIP en forme… modulo les poteaux
Enfin, et sans surprise, l’Avicca se félicite du déploiement dans les RIP, qui font office de locomotive depuis plusieurs mois : « En un seul trimestre, les RIP auront déployé plus de prises FTTH que durant toute l'année 2018 ! ».
Il n’en reste pas moins qu'il s'agit des zones avec le plus faible taux d’éligibilité à la fibre : 42 % seulement. En ZTD on est à 87 % en moyenne, contre 81 % pour les zones moins denses d’initiatives privées, selon les derniers chiffres de l’Arcep. On retrouve cette situation sur les communes : elles sont seulement 13 671 sur les 28 105 où les travaux ont ne serait-ce que débuté. 10 720 avec au moins 50 % de lignes éligibles, 9 010 à 80 % et 5 799 à 95 % :
Au rythme actuel, il faudra encore deux ans pour que les travaux débutent dans toutes les communes des RIP, et près de cinq ans pour atteindre 80 % de locaux éligibles à la fibre optique. Notons tout de même que la tendance est à la hausse trimestre après trimestre. Pourvu que cela dure !
Reste la question des poteaux…
« Même si certains territoires restent parfois encore un peu en retrait, l'Avicca considère que les indicateurs de déploiement de la zone RIP sont presque* tous au vert ». La petite étoile renvoie à un sujet en deux parties dont nous avons déjà parlé et qui peut jouer les trouble-fêtes dans les mois à venir : les poteaux.
Les perspectives d’utilisation de ceux d’Enedis pour les raccordements FTTH « restent bonnes, même si elles tardent un peu à se concrétiser ». Par contre, « aucune perspective côté Orange de régler la pénurie de poteaux avant la fin de l'année. Quand bien même la situation s'est stabilisée, de trop nombreux chantiers de RIP sont à l'arrêt ou en mode "stop and go" », ajoute l’Avicca.
Déploiement de la fibre : l’Avicca grogne et distribue les mauvais points
-
ZTD : plus je déployais moins vite, moins j’avançais plus vite
-
Fini les villes avec plus de 100 % de taux de couverture
-
Un « arrêt progressif » dans les zones AMII ?
-
L’Avicca a « une envie folle » : faire respecter les engagements
-
En zone AMEL, des silences « assourdissants » de l’État
-
Les RIP en forme… modulo les poteaux
-
Reste la question des poteaux…
Commentaires (20)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 04/10/2021 à 07h15
C’est fallacieux de raisonner en nombre de communes… une commune de 100 locaux, c’est pas la même chose à fibrer qu’une commune de 10 000 locaux…
Le 04/10/2021 à 07h19
En nombre de locaux c’est pas mieux.
Le 04/10/2021 à 08h29
En effet : celle à 100 locaux est souvent plus compliquée et surtout moins rentable à fibrer, parce que beaucoup moins dense…
Le 04/10/2021 à 08h57
on ne parle pas de rentabilité ici. Sur la densité je suis d’accord mais il y a des communes de 10 000 locaux avec des coins peu denses aussi. Et certains communes de 100 locaux peuvent être très denses. Du coup, en temps pour fibrer, je persiste : quand il y a plus de locaux, c’est plus long. C’est pas une règle absolue non plus.
Le 04/10/2021 à 07h24
pourquoi?
Le 04/10/2021 à 07h33
Parce qu’en dehors des ZTD (et encore pas partout) le taux de déploiement en nombre de prises n’est pas plus glorieux qu’en nombre de communes.
Le 04/10/2021 à 08h53
ah bon?
C’est pas ce que je vois sur le site de l’Arcep (https://www.arcep.fr/cartes-et-donnees/nos-publications-chiffrees/observatoire-des-abonnements-et-deploiements-du-haut-et-tres-haut-debit/observatoire-haut-et-tres-haut-debit-abonnements-et-deploiements-t2-2021.html)
En ZTD: 87%
En zone AMII/AMEL: 81%
En zone RIP : 42%
il y a que pour la zone RIP où ça semble pas glorieux
Le 04/10/2021 à 09h04
En nombre de communes :
ZTD : 100%
En zone AMII/AMEL : 58%
En zone RIP : 49%
Si on pondère tout ça on est aux alentours de 50% des communes couvertes pour 54% des locaux fibrés. Donc pas si loin l’un de l’autre.
Le 04/10/2021 à 09h23
64% des locaux fibrés (site de l’Arcep). 14 points d’écart, ça me semble sensible comme différence.
Le 04/10/2021 à 10h00
Mince j’ai lu trop vite, les 54% que j’annonce c’est le taux d’abonnement aux lignes déployés
Enfin bon déployer un immeuble de 50 appartement ça va quand même plus vite que déployer un lotissement de 59 maisons.
Le 04/10/2021 à 11h29
ça dépend du syndic
Le 04/10/2021 à 12h48
Je connais quelqu’un qui est dans ce cas. Sa maison n’existe pas sur toutes les cartes fibres (Arcep, Orange, SFR, Free). Celles de ses voisins si (et éligibles). Il existe en ADSL (avec numéro de téléphone mais avec adresse). Et ça fait 1 an que ça n’avance pas . Il téléphone à tout les opérateurs, qui disent qu’effectivement juste à coté de lui c’est éligible donc qu’il devrait l’être. Qu’il vont le rendre éligible, patati patata.
Quelqu’un sait comment faire apparaitre sa maison sur les cartes svp ?! (L’opérateur de cette zone AMII est Orange)
Le 04/10/2021 à 14h03
Il faut contacter ta commune. C’est à elle de mettre à jour la base nationale d’adresse:
https://wiki.openstreetmap.org/wiki/FR:France/WikiProject_Base_Adresses_Nationale_Ouverte_(BANO)
https://fr.okfn.org/2014/09/03/bano-la-base-dadresses-nationale-ouverte/
République Françaisehttps://adresse.data.gouv.fr/donnees-nationales
Tu peux contrôler si l’adresse a été répertorié ici:
https://adresse.data.gouv.fr/base-adresse-nationale
Le 04/10/2021 à 15h01
Oh, merci pour tout ces liens que je ne connaissais pas
Alors le souci que j’ai entendu sur le fait qu’il n’est pas de numéro auprès de la commune, c’est que le chemin commence sur la commune A et se fini chez lui (c’est donc un cul de sac), mais lui se retrouve sur la commune B ! La commune B dit que le chemin commence sur l’autre commune donc c’est à elle de donner un numéro, et l’autre commune ne veut pas car il ne fait pas parti de la commune
Mais une image vos parfois mieux que de long discourt : https://imgur.com/a/DEP8BfA
Le 04/10/2021 à 18h04
Et il paye la taxe des ordures ménagères de la commune A ou B?? Ou celle de la taxe d’habitation.
Sinon, tu t’appuyes sur le cadastre (donc les impôts) pour trouver sa commune de rattachement.
Le 05/10/2021 à 11h47
“haha” (bon j’imagine sans peine que c’est pas cool comme situation)
ça me fait penser à chez mon père, le lotissement où il habite est le long d’une rue et le changement de département se fait sur cette rue, les maisons ne sont que d’un seul coté, et à quelques maisons de la sienne, y’a un dégagement “parking” avec … les boites aux lettres
donc, techniquement, les BàL sont dans l’autre département XD
le fait est amusant, mais à ma connaissance y’a jamais eu de souci avec ça
courage à lui pour rétablir une situation normale
Le 04/10/2021 à 15h50
Il n’a plus qu’a déclarer une révolte territorial et ce rattacher à l’autre commune.
Dans un cas de maison aussi proche ça avait été fait chez moi pour un décès d’une personne en obésité extrême, le maire avait préférer donner le terrain à la commune d’à côté plutôt que de s’embêter à venir le chercher, mais bon c’était au début du siècle dernier
Le 05/10/2021 à 07h24
Il fait tout sur la commune B
Le 05/10/2021 à 08h24
Donc il me semble que c’est à cette commune de faire les démarches pour régulariser sa situation (elle ne peut pas avoir les sous et sans les devoirs).Que la commune B délégue ce travail à la commune B n’est pas du ressort du citoyen.
Il faut entreprendre des démarches pour que le https://fr.wikipedia.org/wiki/Système_d’information_géographique">SIG rentre son adresse dans la base d’adresse nationale. Car cette absence rend son habitation +/- visible pour les impôts, la poste, la fibre, les services de livraisons, la poste, l’électricité, l’eau etc …
Ensuite, toutes les communes n’ont pas un service SIG en leur sein, cela peut-être délégué à la communauté de communes, au département ou à la région.
Le 06/10/2021 à 14h37
L’installation de la fibre c’est un moyen pour des petites communes d’attirer du monde, dont des télétravailleurs.
C’est utile pour le développement local, pour désengorger les grandes villes…
Il faut vraiment fibrer et pousser les opérateurs à le faire. C’est de l’aménagement du territoire dans l’intérêt de tout le monde.