LCEN : Réponse d’un hébergeur à la mission Lescure
Un loup dans l'herbergerie
Le 12 décembre 2012 à 16h51
6 min
Droit
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Nicolas Poirier (@GrandNicolas), responsable juridique d'Ebuzzing (Overblog Nomao Ebuzzing Beezik/Beead) a bien voulu répondre à nos questions suite aux propos de la Mission Lescure sur le statut de l’hébergeur.
La semaine dernière, Pierre Lescure affirmait lors d’un point d’étape qu’«évidemment, il va falloir revenir sur la définition d’un certain nombre de statuts d’aujourd’hui, à commencer par celui d’hébergeur ». Selon l’ancien numéro un de Canal Plus, « un hébergeur aujourd’hui ne peut plus revendiquer la même neutralité qu’au début de son activité. Ça ne veut pas dire qu’il est totalement devenu un éditeur, ça veut dire qu’il faut trouver les mots, les descriptions, et donc, la définition des statuts qui correspondent vraiment aux usages et aux développements d’aujourd’hui ». En filigrane, Lescure dessine ici les premières briques de l’arsenal attendu par Aurélie Filippetti et bon nombre d’ayants droit, mais la modification de ce statut d’intermédiaire provoque justement la colère des principaux acteurs. En témoignent les propos ci-dessous de Nicolas Poirier, responsable juridique d'Ebuzzing (ex Wikio Group).
Que pensez-vous des préconisations de la mission Lescure, ce statut intermédiaire de l'intermédiaire ?
Elles me font penser au programme des chaines du PAF, qui chaque année rererediffusent pour une énième fois Les Bronzés font du ski ou Le père noël est une ordure : un éternel recommencement, en fait.
Comme tous les trois ans environ, on nous sort une nouvelle commission au sommet de laquelle on met une tête sympathique, qui « consulte » quelques semaines histoire de gagner ses galons d'entité neutre, et une fois le décor posé, les masques tombent et on se retrouve avec toujours les mêmes lubies d'une industrie ayant très peu d’estime pour les internautes, pour rester dans la nuance.
La loi du 21 juin 2004, issue d'une directive européenne transposée partout en Europe de la même manière, c'est quelque chose que les personnes qui se cachent derrière la commission Lescure n'ont jamais accepté, et n'accepteront jamais. D'ailleurs, cette loi était radicalement différente telle que votée par l'Assemblée nationale en ce qu'elle était très contraignante pour les intermédiaires, à l'opposé de l'esprit de la directive, et c'est le Conseil Constitutionnel qui lui a donné une direction toute opposée en la censurant.
Pourquoi cette loi dérange ? Parce qu'elle permet à tout un chacun de publier du contenu sur internet, sans avoir à demander l'autorisation de qui que ce soit ou à subir la censure de quiconque. En somme, c'est une immense avancée démocratique, en ce qu'elle permet à chacun de s'exprimer, diffuser son art sans avoir à craindre qu'un intermédiaire technique (ou éditorial) ne vienne s'opposer à cette diffusion. On comprend dès lors qu'un certain milieu élitiste essaye d'avoir la peau de cette loi tous les 3 ans, à travers des commissions Olivennes, ou aujourd'hui mission Lescure.
Par conséquent, mon avis sur cette proposition de statut intermédiaire de l'intermédiaire, c'est une simple tentative de plus de revenir sur cette loi du 21 juin 2004, et d'un certain milieu de prendre le contrôle d'un internet qui ne veut justement pas de lui.
Peut-on juger inefficace le statut actuel ? Peut-on l'améliorer ou doit-on ?
Le statut actuel est particulièrement efficace. Représentant un hébergeur, bien évidemment que l'on me fera le procès de ne pas être objectif, mais dans le fond, des missions menées par l'ancien PDG de la Fnac (Olivennes) ou par l'ancien PDG d'une chaine diffusant des films contre abonnements payants le sont-elles elles-mêmes ?
Aujourd'hui, la jurisprudence s'est bien établie autour de cette loi du 21 juin 2004, et les hébergeurs retirent les contenus réellement illicites dans des délais records, ce à quoi ils ont intérêt, car contrairement à la légende encore entretenue par la mission Lescure sur une éventuelle irresponsabilité des hébergeurs, ceux-ci sont bien responsables s'ils n'agissent pas rapidement, et lorsqu'ils ne le font pas, la douloureuse amende à laquelle ils sont condamnés par le tribunal s'établit en dizaines de milliers d'euros : ça fait cher l'irresponsabilité !
Surtout, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le jour où les hébergeurs deviendront responsables des contenus qu'ils hébergent, ils ne pourront plus prendre le risque de laisser des contenus publiés sur internet sans une vérification a priori. Ce que vous, nous, moi écrivons, publions aujourd'hui et tous les jours sur internet, devra faire l'objet d'une validation a priori par l'hébergeur s'il ne veut pas se retrouver en faillite en quelques semaines sous le poids des procès perdus pour des contenus publiés par des internautes.
Pour donner un exemple parlant, Facebook deviendrait responsable autant que l’utilisateur qui publie un statut, et serait incité à créer une modération systématique de l’ensemble de ces contenus. Elle serait alors accusée de censure, mais la censure lui aurait été imposée par la loi, qui en serait donc directement responsable.
Quelle est la marge de manœuvre de la France ?
La France peut se débattre sur ces questions, elle le fait comme je le disais très, trop, régulièrement, mais dans le fond, seule une directive Européenne, sinon un traité international comme le fameux Acta qui a été repoussé par le parlement Européen, peuvent réellement modifier les choses. Par ailleurs, la Commission européenne est opposée à cette révision, et le rappelle à chaque tentative de la France en ce sens, comme elle l'avait fait par exemple en 2008.
Que recommanderiez-vous à la mission Lescure ?
Travailler sur l'offre légale. La mission Lescure ne sera qu'une nouvelle perte de temps si elle ne vise pas à aboutir sur une offre légale digne de ce nom, qui seule fera perdre tout intérêt pour le piratage.
Sortir de ce point de vue faussé qu’internet (et les jeux vidéo !) est responsable de tous les maux du monde, bien au contraire.
Ne pas considérer les hébergeurs comme uniquement des "gros groupes Américains", mais aussi comme de très grosses sociétés Françaises créatrices d'emplois et leaders dans leurs domaines, comme Dailymotion pour la vidéo en France, Overblog pour les blogs, Ovh pour les sites.
Merci Nicolas Poirier.
Commentaires (12)
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Abonnez-vousLe 12/12/2012 à 17h02
ben un gros +1.
mais je ne suis pas inquiet, internet vaincra.
et je ne parle pas des méchants américains.
Le 12/12/2012 à 17h05
Bref,encore une mission pour meubler “l’action” de l’état. " />
Le 12/12/2012 à 17h08
Comme quoi le bon sens est accessible à tous. Pourquoi le gouvernement gaspille du temps, de l’argent, des ressources à écouter toujours et encore les mêmes lobbys??
Le 12/12/2012 à 17h23
Quelqu’un qui s’y connait et qui ose parler de la bêtise humaine pour gagner plus en faisant moins (droits d’auteurs) En espérant que la mission soit encore rejettée, et pas acceptée par cause de lassitude de revoir toujours les mêmes chialer pour les mêmes raisons.
ps: le texte de l’interview reste en noire sur le thème sombre
Le 12/12/2012 à 17h29
Il y a un non dit qui me laisse perplexe dans cette interview.
Quand
Le 12/12/2012 à 17h30
Mais puisqu’on nous dit que l’offre légale n’évoluera pas tant que le piratage existera " />
Le 12/12/2012 à 17h57
Ne pas considérer les hébergeurs comme uniquement des “gros groupes Américains”, mais aussi comme de très grosses sociétés Françaises créatrices d’emplois et leaders dans leurs domaines, comme Dailymotion pour la vidéo en France, Overblog pour les blogs, Ovh pour les sites.
Et aussi comme de simple citoyens qui s’auto-hébergent.
Le 12/12/2012 à 18h28
Le 12/12/2012 à 19h15
Le 12/12/2012 à 22h08
Le 13/12/2012 à 05h53
La loi du 21 juin 2004, issue d’une directive européenne transposée partout en Europe de la même manière, c’est quelque chose que les personnes qui se cachent derrière la commission Lescure n’ont jamais accepté, et n’accepteront jamais.
Pourquoi cette loi dérange ? Parce qu’elle permet à tout un chacun de publier du contenu sur internet, sans avoir à demander l’autorisation de qui que ce soit ou à subir la censure de quiconque. En somme, c’est une immense avancée démocratique, en ce qu’elle permet à chacun de s’exprimer, diffuser son art sans avoir à craindre qu’un intermédiaire technique (ou éditorial) ne vienne s’opposer à cette diffusion. On comprend dès lors qu’un certain milieu élitiste essaye d’avoir la peau de cette loi tous les 3 ans, à travers des commissions Olivennes, ou aujourd’hui mission Lescure.
C’est dommage qu’il perde un peu de crédibilité en utilisant quelques tournures de phrases paranoïdes. D’autant plus que c’est prêter de bien malveillantes arrières pensées politiques intelligentes à des ayant droits qui en sont totalement dépourvus (d’intelligence). On a du mal à espérer une quelconque lueur de génie dans le Rogard…euh regard, pardon.
Ils ne sont, ni plus, ni moins qu’animés, motivés par la cupidité, l’appât du gain, pas la peine de chercher plus loin. Pour le contrôle d’Internet, les gouvernements s’en chargent très bien pour eux (et encore, ça peut les arranger de laisser faire, machiavélisme US tousssa).
Le 13/12/2012 à 12h34