Blocage, filtrage et Hadopi : l'affaire Allostreaming menacée de radiation

Blocage, filtrage et Hadopi : l’affaire Allostreaming menacée de radiation

Une fausse bonne nouvelle ?

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Marc Rees

Publié dansDroit

22/12/2012
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Blocage, filtrage et Hadopi : l'affaire Allostreaming menacée de radiation

Jeudi matin, une nouvelle audience Allostreaming se déroulait au TGI de Paris. Le dossier qui milite pour le déréférencement de blocage de quatre sites, et le blocage d’une centaine d’URL patine. Les discussions entre FAI, ayants droit et moteurs n’avancent pas et le juge en charge du dossier secoue le spectre d’une radiation pure et simple. Nouveau compte rendu d'audience.

TGI Paris tribunal cour
Courant 2011, l’industrie du cinéma français (SEVN, FDNF, APC) réclamait le blocage de quatre sites appartenant de la galaxie Allo (Allostreaming.com, Alloshowtv.com, Alloshare.com et Allomovie) chez les principaux FAI français (Auchan, Bouygues, Darty, Free, Numericable, Orange, SFR). Ils exigeaient également le déréférencement des moteurs de recherches d'Orange, Microsoft Bing, Yahoo! et Google.

Un super article, une super procédure, un super logiciel

Pour cette action, les représentants de l’audiovisuel actionnaient l’article 336-2 du Code de la propriété intellectuelle, jamais utilisé jusqu’alors. Cet article a été implanté dans notre droit par la loi Hadopi. Il permet aux ayant-droits de réclamer du juge toute mesure à l’égard de toute personne afin de faire cesser ou prévenir une atteinte à leurs intérêts (notre dossier).

 

Ces quatre sites étaient des annuaires de liens menant vers des fichiers hébergés sur des plateformes comme Megaupload, RapidShare et équivalents. Mais la demande des ayants droit est beaucoup plus ambitieuse puisqu’elle veut également lutter contre la problématique des sites miroirs. La mise en ligne d’un tel site peut ridiculiser en un instant un jugement ordonnant le blocage d’une URL qui aura mis plusieurs mois à aboutir… À l’aide de l’assignation révélée dans nos colonnes, on découvrait que ces ayants droit ont conçu avec l’ALPA (l’association de lutte contre le piratage audiovisuel) et TMG, un logiciel capable de détecter et dénoncer la réapparition de sites miroirs chez les intermédiaires. Avec cette procédure, ils demandent ainsi au juge d’avaliser juridiquement cet outil afin que ces dénonciations puissent se faire directement entre ayant droit et intermédiaires…

Depuis, cette procédure d’urgence en la forme des référés, d’heure à heure, a connu plusieurs soubresauts. Au fil de cette affaire, les quatre sites ont été tour à tour fermés par leur propriétaire. Aujourd’hui ils redirigent vers des sites comme DPStream, FifoStream ou un site pornographique. Les ayants droit ont de leur côté étendu leur demande de blocage à 105 noms de domaine soupçonnés d’être en liaison avec la galaxie Allo. 

 

Le dossier est hasardeux juridiquement. D’un, quand le Conseil constitutionnel a interprété l’article 336-2 de la loi Hadopi il a réclamé une procédure contradictoire et des mesures proportionnelles. Dans l’affaire Copwatch, reposant sur la LCEN, le ministère de l’Intérieur souhaitait également le blocage des clones d’un site une première fois bloqué. Cependant le vice-président du TGI de Paris Jacques Gondran de Robert a rejeté cette idée, car d’une part, le ministère de l'Intérieur « ne saurait agir en justice sans justifier d'un intérêt à agir né et actuel », d’autre part, « il n'appartient pas à l'autorité judiciaire, gardienne constitutionnelle des libertés individuelles – de déléguer des prérogatives de son pouvoir juridictionnel sans qu'un texte législatif ne l'y autorise expressément. »

Le culte du secret

Rapidement, les ayants droit ont souhaité le secret absolu sur le fameux logiciel ALPA, prétextant un risque de fuite dans la presse. Ils ont pris pour alibi la publication de l’assignation dans nos colonnes (PC INpact a été cité dans les documents à l'audience). Ce secret s’est poursuivi dans les échanges entre les parties puisque FAI, moteurs et ayants droit se sont accordés pour organiser des échanges informels et confidentiels. Les ayants droit rêvent ici d’une solution amiable que rejettent les intermédiaires puisque nous sommes ici dans une affaire touchant à des règles d’ordre public et des libertés fondamentales.

 

Vendredi matin, l’audience a fait le point sur l’état de ces discussions informelles, histoire de voir si des accords avaient été trouvés entre les acteurs. Mais la juge Magali Bouvier n’a eu aucune pièce des parties et a surtout constaté que les parties n’étaient parvenues à rien. FAI, ayants droit et moteurs ont tous admis que les discussions n’étaient pas encore terminées. « Voilà pourquoi vous n’avez pas eu de nouvelles de notre part » répondront les ayants droit face aux interrogations de la magistrate, un peu agacée. Ils ont du coup réclamé en cœur un renvoi à fin janvier.

L'agacement de la justice qui menace de radier l'affaire

Si elle a donné son ultime feu vert, la juge a estimé le temps un peu long pour cette procédure d’urgence qui traine depuis plus d'un an : les audiences de procédures se sont démultipliées sans que le fond n'ait été abordé ! Elle dénonce ainsi « un problème majeur d’organisation de ma juridiction (...) Le calendrier a été prorogé à plusieurs reprises » dira-t-elle au fil des échanges, « la prochaine audience, ou bien il y aura plaidoirie, ou bien il y aura radiation. »

 

L’affaire Allostreaming patine et frôle maintenant la radiation. Cet enlisement n’est pas une mauvaise nouvelle pour les ayants droit : pousser le dossier jusqu’au bout, ce serait risquer une censure pour violation de dispositions constitutionnelles comme la liberté d’information ou de communication. Une sanction qui ferait très mauvais genre alors que dans le même temps, ces mêmes ayants droit réclament des mesures parfois identiques (déréférencement, etc.) devant la mission Lescure.

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Écrit par Marc Rees

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Sommaire de l'article

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Commentaires (10)


John Shaft Abonné
Il y a 11 ans

Que le parquet radie cette affaire car son pouvoir d’irradation est grand <img data-src=" />


philoxera
Il y a 11 ans

c’est surement un parquet fait à partir de bois de fukushima


lordnukem
Il y a 11 ans






John Shaft a écrit :

Que le parquet radie cette affaire car son pouvoir d’irradation est grand <img data-src=" />


Ce n’est pas le parquet qui radie, c’est le juge … <img data-src=" />



Commentaire_supprime
Il y a 11 ans

Et voilà, à force de faire n’importe quoi avec le droit, ça leur claque à la figure !

D’où le célèbre proverbe ukrainien : si tu fais l’andouille avec un truc qui produit des radiations, tu risque la grosse explosion !


cid_Dileezer_geek
Il y a 11 ans

Rocking chair… now Bill.

gone <img data-src=" /><img data-src=" />


zicklon
Il y a 11 ans

Le parquet est toujours ciré, en attendant les chargés d’affaire se cassent la gueule avec les dossiers tellement le sol est glissant (difficile après d’y retrouver ces petits)…

Voilà ce qui se passe lorsque l’on confie la justice à des incompétents; à noter également que les ayants droits et politiques bénéficient d’un meilleur soutient que le particulier victime d’escroquerie…

Justice à 36 vitesse <img data-src=" />


kaillasse91
Il y a 11 ans

Excellent article, clair net précis. Ce n’est que mon avis mais il me semble que pcinpact s’est encore amélioré cette année que ce soit sur la forme ou le fond.
J’ espère juste que le rédacteur en chef ne motive pas ses troupes à coup de “Fini moi cet article dans 2h sinon on fera ton entretien d’évaluationa annuelle en salle B4”.


Gilbert_Gosseyn Abonné
Il y a 11 ans






John Shaft a écrit :

Que le parquet radie cette affaire car son pouvoir d’irradation est grand <img data-src=" />


Au contraire, ça serai une bonne idée de le laisser aller jusqu’au bout car (je cite la fin de l’article) :

L’affaire Allostreaming patine et frôle maintenant la radiation. Cet enlisement n’est pas une mauvaise nouvelle pour les ayants droit : pousser le dossier jusqu’au bout, ce serait risquer une censure pour violation de dispositions constitutionnelles comme la liberté d’information ou de communication. Une sanction qui ferait très mauvais genre alors que dans le même temps, ces mêmes ayants droit réclament des mesures parfois identiques (déréférencement, etc.) devant la mission Lescure.

Une censure mettrait définitivement à mal de telles demandes à l’avenir.



Leezi
Il y a 11 ans






Gilbert_Gosseyn a écrit :

Une censure mettrait définitivement à mal de telles demandes à l’avenir.

Tout à fait d’accord ! Laissons les se ridiculiser et perdre en crédibilité !

On m’annonce qu’ils n’ont déjà plus beaucoup de crédibilité… <img data-src=" />