Oeuvres orphelines : les futurs textes d’Aurélie Filippetti
Oeuvres aux titulaires inconnus
Le 06 juin 2014 à 10h18
5 min
Droit
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Exclusif : D’ici la fin de l’année, tous les États membres européens et donc la France auront l’obligation de transposer une directive sensible, celle sur les œuvres orphelines. Au ministère de la Culture, une ébauche des projets de loi, de décret et d’arrêté est dans la boucle. Trois textes révélés par Next INpact.
Les œuvres orphelines sont des œuvres dont on ne connaît plus les titulaires de droit. Cette difficulté mémorielle entraîne du coup des problèmes au regard de leur possible exploitation, en attendant leur élévation dans le domaine public. La directive de 2012, qui doit être transposée en France d’ici la fin de l’année, a dessiné une solution au profit des bibliothèques, des musées ou encore des instituts patrimoniaux qui doivent pouvoir numériser ces contenus tout en évitant les risques d’action en contrefaçon. Il est en effet nécessaire de sécuriser ces opérations, déjà parce que l’auteur de l’œuvre pourrait réapparaitre à l’avenir. Se pose aussi la question du coût de cette exploitation.
Cette directive d’octobre 2012 sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines sera transposée par trois textes en France, dont Next INpact révèle le contenu :
Dans ces dispositions, les œuvres orphelines seront celles dont le titulaire de droit n’aura pu être identifié malgré des recherches diligentes, avérées et sérieuses. En France, toujours, l’arrêté flèche les différentes sources que devront exploiter les organismes bénéficiaires au titre de ces recherches diligentes.
Des sources à explorer avant l'orphelinat
Pour les livres, par exemple, cela sera évidemment les registres du dépôt légal, mais aussi les associations d'éditeurs et d'auteurs ou l’ISBN (International Standard Book Number). Pour les journaux, l’attention sera portée sur l'ISSN (International Standard Serial Number) ou notamment les bases de données des sociétés de perception et de répartition des droits concernées. Du côté de l’audiovisuel, il s’agira par exemple du registre public du cinéma et de l'audiovisuel, mais aussi des associations de producteurs, des différentes bases de données spéciales voire les informations disponibles dans le générique. Précisons que le secteur de la photo et de l’image fixe est exclu de ce régime, du moins quand ces contenus ne sont pas incorporés dans une des catégories concernées.
Afin d’économiser du temps, une œuvre considérée comme orpheline dans un autre État membre le sera également en France.
Une fois apposé ce sceau, le musée, la bibliothèque, etc. se verront autorisés par la loi à reproduire ces contenus, mais seulement à des fins de numérisation, de mise à disposition, d'indexation, de catalogage, de préservation ou de restauration. L’œuvre orpheline sera alors disponible à tous. Si ces avants-projets de textes n’envisagent pas ouvertement la mise en place de DRM, comme ce fut évoqué récemment, il est prévu dans le décret une participation financière des usagers. Le montant de cette participation ne pourra excéder « celui des frais de numérisation et de mise à disposition de l’œuvre orpheline. »
Réapparition de l'auteur
Et si l’auteur réapparait ? Il devra se faire connaître, documents à l’appui, auprès de l’organisme. L’œuvre ayant finalement une paternité identifiée cessera sur le champ d’être orpheline. Concomitamment, cet organisme devra cesser son exploitation sauf bien sûr si l’auteur autorise sa poursuite. Celui-ci bénéficiera en outre d’une « compensation équitable » établie au besoin après conciliation. Ces sommes tiendront compte du « préjudice que celui-ci a subi du fait de cette utilisation ». Compte tenu de la densité du secteur, il n’y a pas de barème inscrit dans la loi, l’organisme devra du coup tenir compte « des accords ou tarifs en vigueur dans les secteurs professionnels concernés. »
Un détail : il sera possible de faire coexister ce régime avec celui des livres indisponibles du XXe siècle, tel que défini par la loi du 1er mars 2012. Dans une note interne, le ministère explique alors les rouages de cette double étiquette : « les bibliothèques et les autres bénéficiaires (…) pourront choisir soit d’utiliser une œuvre orpheline après avoir effectué les recherches diligentes requises, en assumant le risque financier de verser une compensation équitable aux titulaires de droits qui se manifesteraient auprès d’eux, soit de solliciter une autorisation auprès de la société de perception et de répartition des droits agréée par le ministère de la Culture (actuellement la SOFIA). Ce sera alors cette dernière qui devra rechercher les ayants droit et assumer le risque de leur indemnisation » (voir la page Wikipedia décrivant ce régime).
Ces avants-projets de loi, de décret et d’arrêté sont actuellement étudiés par les membres du CSPLA, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Une fois la phase d’étude achevée, ce pack pourra prendre le chemin des procédures habituelles avant publication au Journal Officiel.
Oeuvres orphelines : les futurs textes d’Aurélie Filippetti
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Des sources à explorer avant l'orphelinat
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Réapparition de l'auteur
Commentaires (10)
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Abonnez-vousLe 06/06/2014 à 10h48
Ça semble bien plus logique et raisonnable que ce qui avait été évoqué précédemment, non ?
Le 06/06/2014 à 11h49
Ça à l’air correct au premier abord.
Quid des recette sur ces œuvre si elle passe dans le domaine public par la suite ?
Le 06/06/2014 à 11h52
Le 06/06/2014 à 11h53
Trois textes révèles par Next INpact.
Trois textes que révèles Next INpact ?
Le 06/06/2014 à 12h20
Le 06/06/2014 à 12h39
avec tous ces conseils supérieures et ses hautes autorités ont se demande si il reste du monde en bas tiens …. " />
Le 06/06/2014 à 12h44
Celui-ci bénéficiera en outre d’une « compensation équitable » établie au besoin après conciliation. Ces sommes tiendront compte du « préjudice que celui-ci a subi du fait de cette utilisation ».
C’est peut-être idiot comme question, mais quand on parle de préjudice, est-ce que ça veut dire
“tu as utilisé ma musique sans mon consentement pour la diffuser pendant un rassemblement de pirates-pédophiles-nazis deux jours avant que je me fasse connaitre” ce qui effectivement pourrait donner une mauvaise image à la musique,
ou alors
“tu as utilisé ma musique pendant six ans sans me payer, tu vois devoir raquer pour les six ans”
?
Le 06/06/2014 à 13h08
Le 07/06/2014 à 14h26
et donc numériser, diffuser et faire connaître une oeuvre sans auteur, avec les moyens publics ou bénévoles, crée un préjudice privé ?
Il suffit donc de laisser des oeuvres sans auteur affiché, garder des preuves au chaud chez un notaire ou autre, et attendre le bon moment pour sortir chercher son chèque sans avoir eu à faire le moindre travail de promotion ?
Le 09/06/2014 à 10h51