Article 17 : les deux questionnaires de l’ARCOM pour évaluer l’efficacité des mesures de protection
Passage à la question
Le 28 avril 2022 à 06h00
7 min
Droit
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L’article 17 de la directive sur le droit d’auteur a été transposé par ordonnance voilà près d’un an. La France compte bien être l’élève modèle en Europe, et l’Arcom son principal moteur. L’autorité publie un double questionnaire à destination des plateformes et des titulaires de droit. L’enjeu ? Dresser un état de l’art, et surtout peaufiner sa future recommandation.
Soulagement pour les industries culturelles et la France, l’un de leurs importants soutiens. Le 26 avril, la Cour de justice a validé l’article 17 de la directive de 2019. Une véritable pierre angulaire calibrée pour orchestrer juridiquement le filtrage des contenus sur les plateformes comme YouTube, avec l’espoir d’un partage plus équitable de la valeur, au profit des ayants droit.
Dans son arrêt de Grande Chambre, la cour a jugé la disposition aussi « apte » que « nécessaire » pour la défense des intérêts des titulaires de droits, non sans moduler toutefois sa prose : ces traitements de masse se doivent aussi de respecter les exceptions au droit d’auteur.
Ainsi, écrit le juge européen, un « système de filtrage qui risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de telle sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d’entraîner le blocage de communications à contenu licite, serait incompatible avec le droit à la liberté d’expression et d’information ».
Côté français, les grandes manœuvres débutent. L’Arcom a endossé son képi de régulateur de cet article 17 aujourd’hui transposé, en publiant ce matin une série de questionnaires, les uns à l’attention des fournisseurs de service, les autres à destination des ayants droit.
L’initiative s’inscrit dans le cadre de l’article L331-18 du Code de la propriété intellectuelle où le législateur a chargé l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) d’évaluer « le niveau d'efficacité des mesures de protection » utilisées par les services en ligne.
Aiguiser les connaissances pour une future recommandation
En clair, l’autorité se voit confier la mission de jauger l’aptitude de ces outils à protéger les contenus sous droit d’auteur et droits voisins, « y compris leurs conditions de déploiement et de fonctionnement ».
Et pour aiguiser un peu plus les connaissances, le code l’autorise à collecter automatiquement « des données publiquement accessibles », voire« solliciter toutes informations utiles auprès des fournisseurs de service, des titulaires de droit et des concepteurs des mesures de protection ».
L’objectif à terme ? Formuler des recommandations pour améliorer davantage encore l’effectivité des outils. Une véritable dynamique de régulation, calibrée pour rééquilibrer ce fameux partage de la valeur.
Jauger l’efficacité des outils en place
Les réponses à ces questionnaires permettront de mettre à jour l’imposante étude de 2019 cosignée par la Hadopi, l’ARCEP et le CNC, portant sur la reconnaissance des contenus (notre actualité).
« Avec ces questionnaires, commente en ce sens Laurence Pécaut-Rivolier, membre du collège de l’ARCOM, nous souhaitons réactualiser l’étude de 2019 pour l’affiner en allant plus au fond : est-ce qu’il n’y a que les gros fournisseurs de services qui ont mis en place ces dispositifs ? Est-ce que ceux, à plus moyenne échelle, qui entrent dans le champ de la loi, ont également des outils voire des conventions avec les ayants droit ? Du côté de ces derniers, est-ce que ces dispositifs sont faciles d’accès, est-ce qu’ils répondent à leur demande ? Nous voulons mesurer l’efficacité de ces outils, identifier d’éventuelles difficultés dans leur entrée en application, voire s’ils ne vont pas trop loin. »
« L’idée est de dresser un état des lieux de ce qui a été mis en place », ajoute la représentante de l’ARCOM, dans un échange avec Next INpact.
À l’aide des travaux menés par la Hadopi voilà trois ans, 13 services en ligne sont déjà susceptibles d’entrer dans le champ de l’article 17. Tous seront destinataires de ce questionnaire, diffusé publiquement par l’autorité :
- YouTube
- Snapchat
- Dailymotion
- TikTok
- Twitch
- Vimeo
- SoundCloud
« Il faut que les fournisseurs répondent ou nous expliquent pourquoi ils n’entrent pas dans le dispositif » prévient Laurence Pécaut-Rivolier qui le reconnait : « on tâtonne nécessairement, car on n’a pas les chiffres de tous les fournisseurs ».
Les seuils de déclenchement
Les chiffres ? L’article 17 s’applique aux sites dont l’une des activités principales est de stocker et donner au public accès « à une quantité importante d'œuvres » que l’éditeur du service « organise et promeut en vue d'en tirer un profit, direct ou indirect ».
Un décret et un arrêté ont détaillé en octobre dernier ce qu’il fallait entendre par « quantité importante d'œuvres ». L’examen est réalisé en principe au cas par cas, mais le gouvernement a introduit une présomption qui mâchera ce travail et renversera la charge de la preuve.
Par exemple, une plateforme dépassant 400 000 visiteurs uniques en France par mois avec 100 œuvres audiovisuelles ou plus, sera en principe soumise à l’article 17 de la directive. Solution identique si, au-delà du même nombre de visiteurs, elle stocke et diffuse 5 000 musiques, 10 000 œuvres d’arts visuels, 100 œuvres de l’écrit (dont des articles de presse) ou 100 jeux vidéo.
Le franchissement de ces seuils de déclenchement n’est pas neutre, puisqu’il enclenchera l’application d’un régime beaucoup plus rugueux, celui d’une responsabilité directe de l’opérateur de la plateforme sur les contenus hébergés. Une mesure qui l'obligera alors à passer des accords avec les ayants droit, ou alternativement, à tout faire pour signer de tels contrats tout en développant des solutions de filtrage.
Pour Laurence Pécaut-Rivolier, plus qu’une logique de blocage, « l’idée de l’article 17 est de promouvoir un système qui respecte le droit des créateurs notamment dans leur rémunération et le choix de l’utilisation de leurs œuvres ».
Quel sort pour les exceptions ?
Les réponses aux questionnaires permettront tout autant de déterminer le sort des exceptions, celles qui viennent créer une brèche dans le monopole du droit d’auteur. « Quels techniques ou dispositifs mettez-vous en oeuvre pour vous assurer que les utilisateurs du service bénéficient des exceptions aux droits de propriété intellectuelle (et liste des exceptions prises en compte) ? » interroge par exemple le questionnaire à destination des plateformes.
« La question des exceptions fait partie des choses que l’on va examiner dans le dépouillement des réponses et les recommandations qui suivront » assure la membre du collège qui espère aussi en savoir plus sur le fonctionnement des outils en place, afin de « savoir s’ils sont conformes aux exigences de l’article 17 ».
L’un des centres d’intérêt sera aussi les conventions passées entre les fournisseurs de services et les ayants droit. Seul souci, « la loi ne prévoit pas que l’ARCOM ait accès aux conventions », reconnait l’intéressée. L’autorité devra donc compter sur la bonne volonté des parties en présence. Dans la question n°27, l’autorité espère malgré tout bénéficier d’un accès privilégié aux solutions mises en oeuvre par les opérateurs « à des fins de test et d’évaluation ».
Article 17 : les deux questionnaires de l’ARCOM pour évaluer l’efficacité des mesures de protection
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Aiguiser les connaissances pour une future recommandation
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Jauger l’efficacité des outils en place
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Les seuils de déclenchement
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Quel sort pour les exceptions ?
Commentaires (12)
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Abonnez-vousLe 28/04/2022 à 06h15
Et YouPorn et RedTube, ils n’y ont pas droit ?
Car eux aussi, ils diffusent des vidéos à beaucoup d’internautes, il me semble.
Le 28/04/2022 à 06h35
Comme d’habitude, ça va finir en double peine pour les créateurs de contenu. Plus de filtrage, plus de blocage, plus de faux positif.
Il serait tant que l’arcom se penche sur la question. A moins que ces millions de créateurs soient trop “petits” ?
Le 28/04/2022 à 06h55
Youtube est déjà a fond sur le droit d’auteur de même que twitch. Et fun fact, le Herman Li guitariste du groupe dragonforce a été suspendu de twitch pour avoir enfreint le droit d’auteur pour avoir jouer en live…. Du dragon force
Le 28/04/2022 à 07h12
Oui, mais Dragon Force, c’est 5 personnes, pas seulement Herman Li.
Le 28/04/2022 à 07h49
La question des exceptions va être intéressante, je ne pense pas qu’un seul des outils soit capable de les traiter correctement.
Sinon, il y a aussi le test du clip de déclaration de campagne de Zemmour, on sait tous qu’il était hors des clous, mais ce sont des humains qui l’ont décidé avec des raisonnements d’humains.
Le 28/04/2022 à 08h14
Ils vont vachement vite pour sortir leur questionnaire dis donc.
Le 28/04/2022 à 08h27
Peut-être l’avait-il préparé à l’avance, meuh non je ne suis pas mauvaise langue.
Le 28/04/2022 à 08h24
C’est vrai… Modulo la fusion Hadopi CSA entrée en vigueur au 1er janvier 2022, l’attente des lignes directrices de la C.E., etc. Plus qu’une épinoche, le sujet est en outre un mammouth juridique qu’il est un peu compliqué à sortir de sa torpeur.
Mais une fois lancé…
Le 28/04/2022 à 08h26
Il y a un espoir au sein de l’ARCOM : celui de filtres qui un jour prochain permettront de faire le départage. Pour ma part, j’en doute aussi, avec tout le respect que je dois pour R2D2. L’analyse humaine est inévitable.
Oui, avec les arrêts de la CJUE récents qui ont insisté pour que la liberté d’expression et de communication soient particulièrement prises en compte s’agissant des discours politique d’intérêt national.
Un ContentID ne peut pas tout, et une application du droit par des ContentID-like, c’est jamais bien bon dans la nuance.
Le 28/04/2022 à 11h42
Il s’en foute des créateurs. Seul les éditeurs existent à leur yeux. Le terme auteur dans “droit d’auteur” est simplement un paravent. Ce qui est amusant lorsque l’on sait que le droit d’auteur a été créer contre les éditeurs qui payaient uniquement à la page.
Le 28/04/2022 à 12h14
Super l’ambiance dans le groupe.
Le 29/04/2022 à 15h13
C’est le chanteur qui n’était pas d’accord pour une reprise sans sa voix
Bah sinon, faire un questionnaire c’est une chose (en fonctionnement de comment sont rédigées les questions), l’analyse des retour et leur “interprétation” s’en est une autre, et le travail en en résultera ce sera encore autre chose.
Autant attendre la fin pour se rendre compte que c’est encore pareil et que malheureusement l’exception n’est pas traitée