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[Interview] Claude Bartolone nous parle de la « révolution numérique » de l’Assemblée nationale

C'est Bartolone qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme

[Interview] Claude Bartolone nous parle de la « révolution numérique » de l’Assemblée nationale

Le 04 août 2015 à 10h00

Mise en place d’un « droit d’amendement citoyen » qui permettrait aux internautes de déposer des amendements via Internet, ouverture d’un portail dédié d’Open Data... Les questions numériques ont été à de nombreuses reprises à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ces dernières semaines. Nous avons pour l’occasion souhaité interroger son président, le socialiste Claude Bartolone.

En octobre dernier, à l’occasion de la reprise des travaux parlementaires, le président de l’Assemblée nationale avait annoncé que la session parlementaire 2014/2015 serait « placée sous le signe de la révolution numérique ». Si l’on retiendra principalement qu’une consultation en ligne – plutôt décevante – a ainsi été organisée en début d’année sur un projet de loi, le Palais Bourbon a également pris des initiatives remarquées en matière d’ouverture des données publiques. Plusieurs questions restent néanmoins en suspens, par exemple s’agissant du droit d’amendement citoyen ou de l’instauration d’un registre obligatoire de lobbyistes.

Souhaitez-vous, comme certains députés socialistes, que les électeurs puissent proposer et soutenir des amendements depuis le site Internet de l’Assemblée nationale ?

Toute piste qui vise à renforcer les liens entre les citoyens et leurs représentants doit être à mon sens explorée.

Je préside actuellement, aux côtés de l’historien Michel Winock, un groupe de travail sur l’avenir des institutions. Ce groupe qui comprend des parlementaires de la majorité et de l’opposition, des intellectuels, ainsi que des membres de la société civile, a travaillé pendant plus d’un an sur la question de la démocratie dans notre pays. Or, après un an de travail et d’auditions, j’en suis plus que jamais convaincu : la montée de la défiance, les mutations du monde dans lequel nous vivons, la révolution numérique, tout cela doit conduire à repenser nos institutions. C’est la raison pour laquelle nous formulerons des propositions fortes à la rentrée.

S’agissant du droit d’amendement citoyen, on comprend bien l’intention. Ensuite, est-ce le meilleur mécanisme pour favoriser la participation des citoyens à l’élaboration de la loi ? La question se pose. De plus, en tant que président de l’Assemblée nationale, je ne peux que constater que nous croulons d’ores et déjà sous les amendements : 24 000 amendements ont été déposés pour la seule session 2014 - 2015 ! Pouvons-nous garantir qu’en instaurant un tel mécanisme nous ne serons pas, demain, submergés par des milliers d’amendements supplémentaires ? Il suffit d’imaginer un tel droit d’amendement sur la loi Macron…

Enfin, soyons clairs : amender un texte est une technique compliquée qui nécessite de bien connaître la procédure législative. On peut alors légitimement se demander si le véritable problème ne réside pas plutôt dans l’absence d’un véritable référendum d’initiative populaire dans notre pays, simple et accessible par tous. 

Quoi qu’il en soit, l’instauration d’un droit d’amendement citoyen, comme d’ailleurs d’un vrai référendum d’initiative populaire, nécessitent une révision de la Constitution. En attendant, profitons du temps présent pour mener des expérimentations et explorer toutes ces pistes mais de manière informelle.

Un groupe de travail devrait être prochainement installé à ce sujet, comment comptez-vous appuyer ses travaux ?

Le groupe de travail que vous évoquez a été créé à l’initiative du groupe Socialiste, républicain et citoyen à l’Assemblée nationale. Il ne relève donc pas de l’Assemblée nationale en tant que telle.

Néanmoins, je connais bien le député qui le dirige, Dominique Raimbourg. Il fait un travail remarquable, je tiens à le souligner. Ce dernier a d’ailleurs d’ores et déjà organisé une vaste consultation citoyenne sur la réforme pénale [via le site Parlement & Citoyens, ndlr]. C’est une technique très intéressante qui a le mérite de ne pas nécessiter de révision de la Constitution et qui par ailleurs, ne suppose pas, pour celui qui veut participer, de connaître en détail les subtilités du droit parlementaire.

De la même manière, sur mon initiative, l’Assemblée nationale a lancé cette année une première consultation citoyenne. Les Français et les Françaises ont ainsi pu donner leurs avis et observations sur la proposition de loi relative à la fin de vie. Cette expérimentation a suscité un réel engouement. Pour autant, ne soyons pas naïfs : implanter de tels mécanismes prend du temps... Dans ce domaine nous avançons à tâtons. Mais peu importe, l’important c’est d’avancer en menant à bien des projets de la sorte. Nous allons continuer !

Pensez-vous qu’une expérimentation de ce « droit d’amendement citoyen » puisse être menée lors de la prochaine session parlementaire ?

Je vous l’ai dit : cela supposerait une révision de la Constitution, ce qui n’est pas à l’ordre du jour. Pour autant, rien n’empêche à un député ou un parti de mettre en place de façon informelle ce type de mécanisme. Je rappelle que, par exemple, plusieurs députés organisent depuis longtemps des ateliers législatifs, à l’occasion desquels ils présentent dans leur circonscription le projet de loi qui va être examiné à l’Assemblée et recueillent l’avis des électeurs sur le sujet ainsi que leurs propositions.

L’Assemblée nationale s’est récemment mise à l’Open Data, et de nouveaux documents sont attendus d’ici la fin de l’année. Sauf que l’essentiel de ces informations porte sur l’actuelle législature. Envisagez-vous d’aller plus loin, par exemple en ouvrant les amendements ou questions écrites déposés dans le passé ?

Il faut d’abord remplir les objectifs que nous nous sommes fixés : mettre à disposition plus de 800 000 documents d’ici fin 2015 sur le site de l’Assemblée nationale dédié à l’Open Data, « data.assemblee-nationale.fr ». Ce n’est pas rien ! Rendez-vous compte de ce que cela représente : les dossiers législatifs, les amendements de séance publique, les questions écrites et orales au gouvernement, la liste des représentants d’intérêt enregistrés sur le registre de l’Assemblée nationale…tout sera demain librement réutilisable.

Une fois que ce travail sera achevé, la question des précédentes législatures sera examinée. Nous avançons étape par étape, c’est la seule manière de garantir un travail de qualité et qu’ainsi les citoyens ne soient pas déçus !

Le chef de l’État a annoncé en début d’année la mise en place d’un registre de représentants d’intérêts qui, au moins dans l’esprit du rapport Nadal, pourrait être obligatoire et commun au gouvernement et au Parlement. Quel regard portez-vous sur ce projet, plus d’un an après la mise en ligne par l’Assemblée nationale d’un premier registre (facultatif) ? 

Là aussi, regardons le chemin parcouru. Avec le vice-président de l’Assemblée, Christophe Sirugues, nous avons créé une nouvelle réglementation : nous avons mis en place un véritable registre des représentants d’intérêts et instauré une inscription de droit sur le registre pour tout représentant d’intérêts qui accepte de jouer le jeu de la transparence en remplissant un formulaire détaillé. Ce formulaire est, rappelons-le, rendu public sur notre site Internet. En contrepartie, cette inscription sur le registre donne droit à des modalités d’accueil facilitées à l’Assemblée nationale. Enfin, plus fondamentalement, désormais lorsque des représentants d’intérêts sont auditionnés dans le cadre d’un travail parlementaire, par exemple par le rapporteur du texte, celui-ci a l’obligation de l’indiquer dans son rapport.

Mais je ne suis pas naïf. Il faut un temps d’acculturation. Certains jouent le jeu, d’autres moins. Car soyons clairs là aussi : vous pouvez mettre la réglementation que vous voulez, si un député veut rencontrer en toute discrétion un représentant d’intérêt, il pourra toujours le faire... Notre but, c’est d’instaurer une nouvelle culture dans ce domaine.

S’agissant de la proposition du président de la République, j’en suis très heureux. Car comme le souligne le rapport Nadal, aujourd’hui, c’est surtout l’exécutif et non le Parlement qui est en retard en matière d’encadrement des lobbys. N’oublions pas que l’exécutif est à l’origine de 70 % des lois votées et que les conseillers des cabinets ministériels rencontrent, à l’heure actuelle, les lobbyistes dans la plus totale opacité. Il faut que cela change.

Savez-vous où en est ce projet de l’exécutif, qui vous concerne néanmoins très directement ?

Nous n’avons pas encore été saisis d’une demande de partenariat. Mais notre porte est, comme toujours, grande ouverte !

Depuis 2012, les députés choisissent d’installer soit Windows 7, soit le système d’exploitation libre Ubuntu sur leurs ordinateurs de l’Assemblée nationale. Pouvez-vous nous dire quelle proportion de parlementaires a opté pour la solution propriétaire de Microsoft et, inversement, pour Ubuntu ?

Je n’ai pas le chiffre exact en tête, mais seule une minorité de parlementaires opte aujourd’hui pour le logiciel libre, principalement pour des questions pratiques et d’habitude. Voilà pourquoi nous avons mis en place une assistance informatique dédiée afin de favoriser l’expansion du logiciel libre. Cela prendra du temps, mais sur ce point également, il n’y aucune raison que l’Assemblée n’évolue pas à terme comme la société.

Quand est-ce que le programme d'« innovation fellows » que vous aviez annoncé en octobre 2014 sera mis en place ?

D’ici le mois de janvier, normalement. Les services de l’Assemblée et mon cabinet ont beaucoup planché au cours des derniers mois sur la question, pour définir les besoins de l’Assemblée dans ce domaine et les modalités d’un tel programme. Il n’existe pas d’équivalent dans un parlement étranger. Le « Presidential Innovation Fellows » imaginé par Barack Obama n’est d’ailleurs pas purement et simplement transposable dans le domaine législatif. Là aussi, nous allons donc innover ! D’ailleurs, le premier semestre sera toujours placé sur le signe du numérique puisque j’ai décidé d’organiser un « datacamp » à l’Assemblée nationale à la rentrée. J’aurai l’occasion d’en reparler.

Merci Claude Bartolone.

Commentaires (19)

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Il reste une solution pour retirer à une caste ses privilèges. ;)

 

Et pour la représentativité désolé mais il y a des gros soucis en France :




  • dans les modes de scrutins. (cf. paradoxe de Concorcet)

  • dans le financement des partis avec l’argent publique qui favorise les très gros partis.

  • l’alignement des élections législatives juste après les élections présidentielles qui ne permet pas au pouvoir législatif d’être indépendant par rapport à l’exécutif.

     etc…

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La seule vraie révolution numérique de l’assemblée nationale qu’il pourrait y avoir c’est qu’ils comprennent enfin réellement ce de quoi ils parlent quand ils légifèrent dessus.

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Eh bien , on n’est pas couchés, tellement y’a du boulot …&nbsp;&nbsp; <img data-src=" />

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le sous titre <img data-src=" /><img data-src=" /><img data-src=" />

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vous pouvez mettre la réglementation que vous voulez, si un député veut rencontrer en toute discrétion un représentant d’intérêt, il pourra toujours le faire…





Tiens c’est marrant j’ai toujours imaginé que c’était l’inverse.

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il manque un petit astérisque : “aussi longtemps qu’il ne se fait pas chopper” <img data-src=" />

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WereWindle a écrit :



il manque un petit astérisque : “aussi longtemps qu’il ne se fait pas chopper” <img data-src=" />







La n’est pas le propos. Ce qui me surprend c’est que CB dit que ce sont les députés qui veulent rencontrer les lobbyistes.


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ah mais l’argent il tombe pas tout cuit, mon bon monsieur… Faut aller le chercher ! <img data-src=" />

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Ca parait étrange quand même…

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Plus c’est gros plus ça passe

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Le lobbying marche dans les deux sens. Si tu veux faire passer des intérêts collectif, il faut prendre la tendance et voir ce qu’il est possible de faire et les marge de manœuvre à ta disposition.

&nbsp;Si tu es incompétent ou mal-informé sur un sujet, tu peux également demander à des sachant, en frappant à plusieurs portes pour justement avoir un avis le plus “neutre” sur le sujet.



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ike a écrit :



Le lobbying marche dans les deux sens. Si tu veux faire passer des intérêts collectif, il faut prendre la tendance et voir ce qu’il est possible de faire et les marge de manœuvre à ta disposition.

 Si tu es incompétent ou mal-informé sur un sujet, tu peux également demander à des sachant, en frappant à plusieurs portes pour justement avoir un avis le plus “neutre” sur le sujet.







Mais justement, ce que tu décris, est nécessaire pour un élu : il a besoin de conseillers qui peuvent être du secteur privés. Mais cela n’a (à priori) rien d’illégal ni d’immoral.



C’est pour ca que je trouve la formulation étrange.


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Toute piste qui vise à renforcer les liens entre les citoyens et leurs représentants doit être à mon sens explorée.





C’est même indispensable, sinon le le citoyen va finir par remette en cause l’existence de la caste des “représentants du peuple”.



E là, ca serait le drame pour les politiciens de carrière.

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c’est le “en toute discrétion” qui le gêne



edit à bah il avait répondu

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On peut alors légitimement se demander si le véritable problème ne

réside pas plutôt dans &nbsp;l’absence d’un véritable référendum d’initiative populaire dans notre pays,&nbsp;&nbsp; &nbsp; &nbsp; simple et accessible&nbsp; par tous.&nbsp;

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…. dont acte !!!

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Le sujet est intéressant mais &nbsp;y’a trop d’auto congratulations et de fleurs envoyés à ses potes…

&nbsp;

-&nbsp;Je préside actuellement, aux côtés de l’historien Michel Winock,&nbsp;




  • &nbsp;Néanmoins, je connais bien le député qui le dirige, Dominique Raimbourg. Il fait un travail remarquable-&nbsp;&nbsp;De la même manière, sur mon initiative&nbsp;

    &nbsp;Cette lourdeur putain.

    &nbsp;Le mec donne l’impression de justifier son salaire à chaque début de phrase &nbsp;<img data-src=" />

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je reprocherais plutôt la mauvaise habitude toute politicienne (ou administrative ?) de ne presque jamais répondre directement à une question…

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Car tu ne les remet pas déjà en cause ?

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je ne remet pas en cause la représentativité, ni donc les représentants.



C’est l’existence d’une “caste” de politicien que je déplore. Et l’impossibilité pour le peuple d’y mettre fin légalement, car c’est cette caste qui décide de ce qui est légal et ne l’est pas.

[Interview] Claude Bartolone nous parle de la « révolution numérique » de l’Assemblée nationale

  • Souhaitez-vous, comme certains députés socialistes, que les électeurs puissent proposer et soutenir des amendements depuis le site Internet de l’Assemblée nationale ?

  • Un groupe de travail devrait être prochainement installé à ce sujet, comment comptez-vous appuyer ses travaux ?

  • Pensez-vous qu’une expérimentation de ce « droit d’amendement citoyen » puisse être menée lors de la prochaine session parlementaire ?

  • L’Assemblée nationale s’est récemment mise à l’Open Data, et de nouveaux documents sont attendus d’ici la fin de l’année. Sauf que l’essentiel de ces informations porte sur l’actuelle législature. Envisagez-vous d’aller plus loin, par exemple en ouvrant les amendements ou questions écrites déposés dans le passé ?

  • Le chef de l’État a annoncé en début d’année la mise en place d’un registre de représentants d’intérêts qui, au moins dans l’esprit du rapport Nadal, pourrait être obligatoire et commun au gouvernement et au Parlement. Quel regard portez-vous sur ce projet, plus d’un an après la mise en ligne par l’Assemblée nationale d’un premier registre (facultatif) ? 

  • Savez-vous où en est ce projet de l’exécutif, qui vous concerne néanmoins très directement ?

  • Depuis 2012, les députés choisissent d’installer soit Windows 7, soit le système d’exploitation libre Ubuntu sur leurs ordinateurs de l’Assemblée nationale. Pouvez-vous nous dire quelle proportion de parlementaires a opté pour la solution propriétaire de Microsoft et, inversement, pour Ubuntu ?

  • Quand est-ce que le programme d'« innovation fellows » que vous aviez annoncé en octobre 2014 sera mis en place ?

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