Le bâtonnier de Paris attaque la loi Renseignement devant la Cour européenne
Et de deux
Le 08 octobre 2015 à 13h48
6 min
Droit
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Exclusif. Après l'Association de la presse judiciaire, c'est au tour du Conseil de l'Ordre des avocats de Paris d'agir. Le bâtonnier Pierre-Olivier Sur a décidé d’attaquer la loi sur le renseignement devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). En cause ? Le secret professionnel des avocats, qui serait menacé par le texte sécuritaire français.
« Aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats et un droit au secret des sources des journalistes ». La messe avait été sèchement dite par le Conseil constitutionnel le 24 juillet dernier. Le front français étant vain, c’est désormais devant le Cour européenne des droits de l’Homme que les attentions se concentrent.
Me Pierre-Olivier Sûr, bâtonnier de Paris, a ainsi décidé cette semaine de mener cette bataille à l’égard de la loi sur le renseignement, accusée d’égratigner trop profondément le secret professionnel des avocats. « La loi sur le renseignement est un texte qui représente à nos yeux un double mensonge d’État, nous commente le représentant de l’Ordre des avocats de Paris qui a fait appel à Me Patrice Spinosi. En faisant croire qu’il s’agit de protéger la nation contre le terrorisme, alors que son spectre est infiniment plus large. Et ensuite, en garantissant son contrôle par un juge alors que le seul juge des libertés est le juge judiciaire et qu’en l’espèce, c’est le juge administratif qui a été choisi. Non pas le tribunal administratif, ou la cour d’appel, mais le Conseil d’État dont la saisine apparait inaccessible, y compris aux professionnels du droit ».
Droit au secret, droit à la vie privée
C’est donc devant la Cour européenne des droits de l’homme que ces questions seront tranchées. La Convention du même nom protège spécialement le droit à la vie privée. Selon son article 8, « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
Cependant, le même article admet des ingérences dès lors qu’elles sont prévues par la loi, motivées par un but légitime et nécessaire dans une société démocratique. Il reviendra donc à la CEDH de jauger la proportionnalité de ces atteintes, en tenant d’une main le droit au secret de l’avocat et de l’autre, les objectifs poursuivis par la loi sur le renseignement.
Sur ce terrain, justement, les finalités justifiant le déploiement des outils de surveillance ont été maintes fois dénoncées comme trop floues, trop vagues, offrant une vaste marge de manœuvre aux services. On retiendra, outre la lutte contre le terrorisme, la défense ou la promotion de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire, des intérêts majeurs de la politique étrangère, des intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France, la prévention de toute forme d'ingérence étrangère, la prévention aux atteintes à la forme républicaine des institutions, des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique…
Le secret des sources du journaliste, le secret professionnel de l’avocat
Déjà, la semaine dernière, l’association de la presse judiciaire a déposé une requête similaire devant la même Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Défendue elle-aussi par Me Spinosi, l’APJ reproche spécialement à cette loi publiée au Journal officiel au beau milieu de l’été, de malmener le secret des sources, la vie privée et la liberté d’information du journaliste.
Si les services du renseignement ne peuvent surveiller les contenus liés à profession de journaliste, ils peuvent parfaitement harponner les éléments tenant à leur vie privée. Seulement, c’est mécanique : lorsqu’on surveille un échange entre un journaliste ou un avocat et une tierce personne, impossible de qualifier par avance si telle communication relève bien de sa vie privée. Potentiellement, donc, les agents seront donc en pleine connaissance d’informations pourtant interdites par la loi, car rattachée à des activités dont le secret est protégé. Autre chose, le même texte sur le renseignement prévoit tout un arsenal de dispositifs d’aspiration de données de connexion. Que ce soit les fausses antennes relais ou les algorithmes prédictifs (les fameuses « boîtes noires »), nécessairement des échanges noués par ces mêmes acteurs pourront tomber accidentellement dans ces indiscrets filets.
Pour le bâtonnier de Paris, c'est là que le bât blesse : « ce texte ne garantissant pas le secret professionnel des avocats, il devrait être purement et simplement censuré. Il y a une grande jurisprudence sur les libertés publiques à la CEDH qui aujourd’hui est créatrice de droits, exemplaire au point de révéler que notre droit français a un temps de retard. »
Des avocats franco-américains ont déjà saisi la CNIL
Ce n’est par ailleurs pas la première fois que des avocats agissent contre les outils de surveillance. Un des membres de la FABA, la French American Bar Association, a déjà saisi la CNIL voilà quelques jours.
Il estime en effet que « la remise en cause (...) du secret professionnel protégeant la profession d’avocat et l’obligation de confidentialité des échanges entre l’avocat et son client dans un contexte international entraine la qualification de ces actes par la CNIL de violations, infractions et de délits au sens de la loi (…) relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »
À l’index, un texte administratif secret de 2008 portant sur la surveillance internationale. Ce décret non publié serait aujourd’hui remis en cause par la décision du Conseil constitutionnel qui a estimé que seul le législateur était en capacité d’encadrer ces opérations. Les neuf sages avaient à cette occasion censuré une des dispositions de la loi Renseignement qui, elle aussi, reléguait ces opérations sensibles au seul pouvoir exécutif.
Après la saisine de la Cour européenne des droits de l’Homme par le bâtonnier de Paris, il faudra désormais attendre deux à trois ans pour espérer un jugement. Nous reviendrons très prochainement sur le sujet avec un complément d’information.
Le bâtonnier de Paris attaque la loi Renseignement devant la Cour européenne
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Droit au secret, droit à la vie privée
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Le secret des sources du journaliste, le secret professionnel de l’avocat
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Des avocats franco-américains ont déjà saisi la CNIL
Commentaires (30)
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Abonnez-vousLe 09/10/2015 à 19h18
Oui c’est mieux que rien, mais si les avocats et les journalistes obtiennent des garanties, rien ne dit qu’elles s’appliqueront à tout le monde. Et là bon courage pour qu’ils viennent nous aider si eux ont ce qu’ils demandent.
Le 09/10/2015 à 20h58
tout à fait, c’était le fond de mon propos : La Constitution n’est pas forcément mal rédigée (de mon point de vue elle l’est mais uniquement parce que je trouve qu’on l’a faite sur mesure pour De Gaulle…) mais si l’institution qui doit déterminer ce qui est legit ou pas est corrompue (au sens “ne rempli plus son rôle comme prévu” pas au sens “payée par quelqu’un”), on est mal.
Et encore, là, on a un recours avec l’Europe (supra nationale)… sans ça on ne pourrait rien faire à part renverser le pouvoir en place (avec ce que ça implique de chaos, de morts et de régression au moins provisoire de la liberté et de qualité de vie)
Le 08/10/2015 à 13h53
Le safe Harbour a servi à pondre ces lois, que va-t-il arriver maintenant ?
(nous savons tous que nous n’avons rien à cacher, hein !)
Le 08/10/2015 à 14h00
Encore merci, Marc. Il faut que ce soit vous qui m’appreniez ce que fait mon Ordre… (vive le 4° pouvoir)
Le 08/10/2015 à 14h07
Marc, je crois que sur ce coup là tu as gagné une fiche « S » bien méritée, d’ailleurs peut-être une occasion après la CADA de tester la CNCTR #jdcjdr
Le 08/10/2015 à 14h08
Comme ça il y aura de quoi discuter demain au congrès " />
Le 08/10/2015 à 14h12
bouton “like” bouton “like” bouton “like” bouton “like” bouton “like” ;)
Le 08/10/2015 à 14h14
Tout le monde est contre cette loi, mais quelque soient les personnes qui leur prouvent par A+B que c’est n’importe quoi ça leur en touche une sans faire bouger l’autre.
Dans le meilleurs des cas ils prennent de haut en balançant une réponse puante de mauvaise foi.
Le 08/10/2015 à 14h23
Tu sous-entends qu’ils diraient que nous sommes des exégètes amateurs qui soutiennent le terrorisme?
Nooooooooooooon tu crois?
Le 08/10/2015 à 14h39
AHAHAHAHAHAHAHA !!!
@Marc : Y a t il une école en face de chez vous ? As tu vérifié si il n’y avait pas une petite boite pointée vers ton bureau ?
http://ladiscordia.noblogs.org/a-propos-dun-dispositif-de-surveillance-trouve-do…
Le 08/10/2015 à 14h40
je suis même pas sur que sa leur en touche une.
Ce qui est arrivé en France est triste en condamnable
Mais on ne peut pas gouverner un pays en ne prenant que des mesure exceptionnel pour situation d’exception. C’est faire trop de d’affect… avec tout les moyens du monde on pourra jamais garantir un risque zéro
Le 08/10/2015 à 14h45
Ça commence à faire beaucoup d’affaires de justice pour une loi validée par le conseil constitutionnel.
Le 08/10/2015 à 15h06
Je me demande quelles mesures de pression (Lobys) ont été déployés pour que le CC approuve cette loi. Car c’est la majorité des sénateurs et députés PS et LR qui l’on voté et validé.
Le 08/10/2015 à 17h06
Difficile de faire changer ce genre de loi quand de toute façon ceux qui sont sensé nous représenté ne comprennent quasiment jamais rien à ce qu’ils font. Que des avocats franco-américains déposent un recours contre cette loi est une vaste blague, comme si de l’autre côté de l’atlantique ils avaient droit au secret …
Le 08/10/2015 à 19h58
C’est génial de vouloir défendre le secret professionnel des avocats, ainsi que le secret des sources du journaliste. Mais qui va attaquer cette loi pour les simples citoyens, qui n’ont pas de statut particulier, mais veulent néanmoins protéger leur vie privée ?
Ca part d’un bon sentiment mais ces attaques restent très corporatistes. Dès qu’ils auront eu leur traitement d’exception, ils se moqueront du « régime général » qui n’aura pas changé pour les autres.
Le 08/10/2015 à 20h10
C’est un angle d’attaque et c’est mieux que rien. En cas de succès il y aura des dommages collatéraux et vu que l’édifice est instable et techniquement irréaliste, cela pourrait faire très mal. Là ça va se jouer à la CJUE en pesant la légitimité des atteintes aux libertés par rapport aux buts recherchés, la décision pourrait être d’ordre plus général.
Le 08/10/2015 à 21h11
Le 08/10/2015 à 21h41
Çame fait penser à un souvenir du printemps, je sortais de chez mon avocate et j’ai vu une voiture mal garée, à priori une Renault Captur bleue métal, moteur allumé, sièges arrières rabattus à plat, sur ces derniers, un dispositif électronique assemblé dans une caisse en bois sur la quelle était juchée un assemblage d’antennes en forme de couronne à hauteur des vitres, et de cet appareillage sortait un fil qui allait jusqu’à l’oreille droite du conducteur qui avait tout du barbouse de film. Soit c’est pour compenser un autoradio défaillant, soit c’est pour une activité louche. j’ai regardé avec Insistance avant de partir.
Le 08/10/2015 à 21h55
J’ai vraiment du mal avec ces recours. Je ne vois pas comment ils peuvent être recevables.
Comment le conseil de l’ordre de Paris pourra démontrer être victime d’une violation de la convention ou avoir épuisé les voies de recours internes suite à une telle violation. Ca pue le coup de comm’ ou je suis un ignorant crasse d’une disposition qui vise à faire juger la loi par la CEDH et je suis preneur d’une source.
En tout cas, je jetterais bien un œil à ces requêtes .
Le 09/10/2015 à 05h11
Le 09/10/2015 à 05h17
Le 09/10/2015 à 06h03
Le 09/10/2015 à 06h53
Le bâtonnier de Paris fait une erreur de droit lorsqu’il déclare que “le seul juge des libertés est le juge judiciaire”!
Le 09/10/2015 à 07h24
C’est lui qui en est le garant.
Le 09/10/2015 à 07h32
“server not found ” pour ladiscordia ;(
Sont rapides sur ce coup là…
(Nécessité de passer par un proxy dans mon cas)
Le 09/10/2015 à 07h36
Le 09/10/2015 à 08h15
Tout est sous le pouvoir de l’exécutif, il ne peut pas y avoir de contradictoire (pas d’accès au dossier, secret défense). Ça fait beaucoup pour une loi qui n’est pas une loi d’exception.
Le 09/10/2015 à 08h18
Le 09/10/2015 à 17h08
Le 09/10/2015 à 18h05
On peut aussi parler de corruption sans parler d’une constitution mal rédigé sur les libertés individuel et collective.
Car ils ont bien demandé de modifier les amendements à propos du renseignement hors de France et encore c’était pas vraiment approfondi mais pour ce qui était du renseignement intérieur, et bien là !
ça ne pose aucun problème….