Alors que l'ascension de Călin Georgescu, candidat pro-russe d'extrême droite, à la tête du premier tour de l'élection présidentielle en Roumanie a surpris tout le monde, elle a rapidement soulevé des soupçons de manipulations et d'ingérences des ONG mais aussi des autorités roumaines qui ont demandé à la Commission européenne d’étudier si TikTok a bien mis en œuvre les obligations du règlement sur les services numérique.

Le pays est depuis quelques années considéré comme un laboratoire des ingérences russes en Europe.

Anticipation de toute suppression de données ou d'informations

La Commission a réagi ce jeudi 5 décembre, soit trois jours avant le second tour, en annonçant avoir ordonné à TikTok de « geler et à conserver les données relatives aux risques systémiques réels ou prévisibles que son service pourrait faire peser sur les processus électoraux et le discours civique dans l'UE ».

Ce ne sont pas seulement les contenus partagés qui doivent être conservés par l'entreprise. L'institution européenne a demandé à TikTok de conserver tous les documents et toutes les informations internes concernant son système de recommandation et la mise en place de contre-mesure visant les éventuelles manipulations intentionnelles « par une utilisation coordonnée et inauthentique du service ». Elle ordonne aussi à l'entreprise de conserver toute preuve concernant toute « violation systématique des conditions d'utilisation de TikTok interdisant l'utilisation de fonctions de monétisation pour la promotion de contenus politiques sur le service ».

Elle précise que TikTok doit se plier à ses demandes pour toutes les données qui concernent les élections nationales dans l'Union européenne entre le 24 novembre 2024 et le 31 mars 2025.

Bref, la Commission prépare le dossier de son enquête sur une éventuelle ingérence sur l'élection roumaine par la Russie ou toute autre force d'influence.

Déclassification d'informations obtenues par les autorités roumaines

Mais les suspicions de la Commission européenne sont bien tournées vers la Russie. Dans son communiqué, l'institution explique avoir reçu des informations à propos de ces élections « faisant état d'une ingérence étrangère de la part de la Russie » qui ont ensuite été déclassifiées par les autorités roumaines.

Selon ces documents analysés par le média roumain G4 Media, comme l'explique notre collègue Marine Leduc sur Bluesky, la campagne de Călin Georgescu sur TiTok a été initiée avec 25 000 comptes dont 797 créés dès 2016, tous très peu actifs jusqu'au 11 novembre dernier.

À ce stade, la Commission explique « veiller au respect de la loi et ne se prononce pas sur la question de savoir si TikTok a pu enfreindre les obligations découlant du DSA ».

Tiktok dément toutes les accusations

« Cette ordonnance de conservation est une étape essentielle pour aider les enquêteurs à établir les faits et vient s'ajouter à nos demandes formelles d'information qui visent à obtenir des informations à la suite de la déclassification de documents secrets hier », explique la nouvelle Vice-présidente exécutive de la Commission européenne en charge du portefeuille souveraineté technologique, sécurité et démocratie, Henna Virkkunen.

Elle ajoute : « Nous intensifions également les contacts avec les régulateurs numériques et cybernétiques dans toute l'Europe à la lumière des preuves émergentes d'une activité inauthentique systématique. Je m'engage à faire appliquer avec diligence et fermeté la loi sur les services numériques ».

De son côté, Tiktok a affirmé à l'AFP : « nous avons déjà coopéré avec la Commission et continuerons de le faire. Nous sommes impatients d'établir les faits en réponse aux spéculations et informations inexactes ». L'entreprise a démenti les accusations dont elle fait l'objet.