Un « droit à la déconnexion » des salariés prévu dans l’avant-projet de loi El Khomri
L'accord sensible
Le 17 février 2016 à 15h53
4 min
Droit
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Alors que la frontière entre vie professionnelle et vie privée tend à devenir de plus en plus poreuse sous l’influence des nouvelles technologies, l’avant-projet de loi « El Khomri » veut pousser les employeurs à sensibiliser davantage leurs salariés au « droit à la déconnexion ». Celui-ci devrait être défini au sein de chaque entreprise par le biais d’accords collectifs.
Avec le développement d’Internet et des smartphones, nombreux sont les employés a « ramener » dorénavant du travail à la maison, par exemple en répondant à des emails ou à des appels à caractère professionnel depuis leur domicile (parfois tard le soir ou durant les week-ends). La CGT s’en était notamment inquiétée en lançant en 2014 une campagne pour un « droit à la déconnexion ». Le syndicat affirmait à l’époque que 75 % des cadres et 39 % des salariés reconnaissaient utiliser « les nouvelles technologies pour leur usage professionnel sur leur temps personnel ».
Le récent rapport Mettling – du nom du directeur général adjoint des ressources humaines d’Orange – s’alarmait lui aussi de ce phénomène : « Si [les smartphones et tablettes] sont porteurs d’une amélioration sensible de l’efficacité du travail, ils peuvent aussi parfois conduire à une surcharge informationnelle et communicationnelle qui peut être contre-productive. » L’intéressé mettait ainsi en garde contre de nouveaux risques psycho-sociaux, de type burn-out.
Principe de négociation collective
Mais que faire, sachant que les travailleurs participent bien souvent d’eux-mêmes à la porosité entre leurs sphères privée et professionnelle ? L’article 24 de l’avant-projet de loi El Khomri que s’est procuré Le Parisien (manifestement issu du texte transmis au Conseil d’État il y a quelques jours) introduit un « droit à la déconnexion »... dont les contours seront définis à partir du 1er juillet 2017 au sein de chaque entreprise.
Au titre de la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail, toutes les sociétés, quel que soit leur effectif, devront engager des discussions sur « les modalités d’exercice par le salarié de son droit à la déconnexion dans l’utilisation des outils numériques en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congés ». En principe, à l’exception des cadres dirigeants, les employés doivent aujourd'hui bénéficier d’une trêve de 11 heures minimum entre deux journées de travail – laquelle devrait également s’appliquer aux mails et appels professionnels. Différentes pistes pourront alors être mises sur la table : blocage des messages durant certaines plages horaires, engagements mutuels de la part des salariés et de leurs supérieurs, etc.
Le dernier mot pour l’employeur
Et à défaut d’accord collectif ? Le texte prévoit que l’employeur définisse seul « ces modalités et les communique par tout moyen aux salariés de l’entreprise ». Pour les structures de trois cent salariés et plus, ces dispositions devront se matérialiser par « une charte élaborée après avis du comité d’entreprise ou à défaut, des délégués du personnel, qui prévoit notamment la mise en œuvre d’actions de formation et de sensibilisation des salariés à l’usage des outils numériques à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction ».
Même si cet article est encore susceptible d’évoluer, force est de constater que le gouvernement a très fidèlement suivi les recommandations du rapport Mettling (rendu en septembre à la ministre du Travail). L’intéressé misait effectivement sur des solutions peu contraignantes et une prise de conscience collective : « Au sein de l’entreprise, différentes démarches, pas forcément juridiques mais tout aussi efficaces, doivent encourager la déconnexion : chartes, configuration par défaut des outils, actions de sensibilisation (ex. exemplarité des managers). » Le DRH d’Orange soutenait en ce sens que « savoir se déconnecter est une compétence qui se construit également à un niveau individuel mais qui a besoin d'être soutenue par l'entreprise ».
Restera maintenant à voir quelles seront les dispositions présentées au Parlement, sachant que certains députés de l’aile gauche de la majorité attendent le gouvernement de pied ferme sur ce terrain (voir notre article sur la récente proposition de loi Hamon sur les burn-out). Attendu pour le 9 mars en Conseil des ministres, le texte devrait être examiné en première lecture à l’Assemblée nationale « début avril » et « en mai » au Sénat selon l’exécutif.
Un « droit à la déconnexion » des salariés prévu dans l’avant-projet de loi El Khomri
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Principe de négociation collective
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Le dernier mot pour l’employeur
Commentaires (31)
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Abonnez-vousLe 17/02/2016 à 16h01
Donc le repos n’est plus un repos total maintenant ? La définition dans la le code du travail et le dico ne suffisent pas ?
Il va falloir légiférer pour indiquer à l’employé qu’il a le droit de se reposer ?
Ne pas répondre “indiquer à l’employeur de ne pas abuser” < çà ne changera rien çà " />
Le 17/02/2016 à 16h12
Une précision : le repos journalier de 11h s’impose à tous les salariés, même cadres. Ce n’est pas parce qu’un ingénieur de fond d’organigramme a le statut de “cadre” et qu’il peut être au forfait en jours (donc ne pas pointer) qu’il peut déroger à cette règle.
Seuls les cadres dirigeants (“Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.”) le peuvent
Le 17/02/2016 à 16h14
Y a un moyen capitaliste très simple pour regler cà en 2 secondes : tu es à disposition de l’entreprise pour lire un mail répondre au phone c’est du travail qui est rémunéré. Si ce n’est pas rémunéré c’est que ton travail ne vaut rien, auquel cas ca ne sert à rien de répondre ou lire, puisque tu fais un job qui n’est pas apprécié.
Le 17/02/2016 à 16h16
Ouai… mais en fait non. Là il y a 1h j’avais un collègue de boulot au tel. Moi je suis au taf et lui au… ski. Lui a un salaire motivant pour répondre n’importe quand, moi j’ai un salaire qui m’autorise à ne pas répondre hors de mes heures de taf… en théorie…
Le 17/02/2016 à 16h18
Je viens de préciser ça, merci ;)
Le 17/02/2016 à 16h19
-ne pas accepter de téléphone mobile pro
-ne pas accepter de pc portable pro
Et une fois les portes passées, fuck you
" />
Le 17/02/2016 à 16h33
+1
Ou sinon t’éteins tout quand tu rentres chez toi…
Le 17/02/2016 à 16h36
Cela me rappelle leur tentative inverser “l’ordre de priorité” entre le droit et le contrat.
C’était une manière pas très fine de pouvoir se torcher totalement avec le droit du travail. Si la loi devient optionnel, c’est encore une loi ?
Par contre définir précisément, les causes possibles de licenciement, serait une bonne chose.
Le 17/02/2016 à 16h40
Le 17/02/2016 à 16h42
D’un autre coté il y a un projet de loi de modification du code du travail pour pouvoir fractionner les sacro saintes onze heures de repos et proposer de porter la durée hebdomadaire jusqu’à 60 heures…
Le 17/02/2016 à 16h49
Vu que les dits employés pourront travailler 60h/semaine avec ce qui se prépare… C’est vraiment souffler le chaud et le froid.
Le 17/02/2016 à 16h59
Pour la fraude à la SIM, suffit de plomber le tout et si ça été enlevé, licenciement immédiat " />
Le 17/02/2016 à 17h04
Ben ça dépend du statut aussi. C’est clair qu’on a tendance à facilement demander pareil à un non cadre qu’à un cadre ou assimilé, la technologie aidant. Pas forcément sur les horaires mais sur la disponibilité (mail ou 06). Et encore, parfois la différence de salaire est minime et on voit des cadres quand même bien exploités.
Ça n’empêche pas de dépanner un collègue qui est souvent aussi un ami, même jour de repos.
Mais là je pense que c’est aussi à l’employé de ne pas donner de bonnes mauvaises habitudes. Sauf cas exceptionnels, les gradés connaissent bien les limites et ça ne sert à rien de vouloir trop en faire car c’est toujours à sens unique. La hiérarchie va pas empêcher quelqu’un de bosser plus pour le même salaire…
Je pense qu’on a tous ou toutes commencé super motivés, et qu’avec l’âge et l’expérience, on se rend compte que ça ne sert à rien de faire plus que ce qui est dans le contrat.
Le climat n’aide pas mais c’est aussi grâce à toutes ces bonnes âmes qui font plus que leur job que l’on évite des embauches, “puisque ça fonctionne”.
Le 17/02/2016 à 17h08
Alors ce que j’observe aussi, c’est que quand tu es en SSII, techos, que tu changes d’entreprise régulièrement, c’est souvent ton tel perso que tu donnes à tes collègues, vu que personne n’en a un pro. C’est plus pour se rendre service les uns les autres, mais ça devient un véritable outil de travail.
C’est ça qui est vicieux, sans que rien ne soit imposé, tu te piège toi même.
> Sans GSM pro, dur de bosser
> Avec, il faut être discipliné et le laisser allumé 9 heures par jour, et encore, pas pendant le repas :p
Le 17/02/2016 à 17h14
Le 17/02/2016 à 17h21
Il y a un truc vachement bien sinon : ne PAS répondre hors des heures de taf.
Celui qui est trop con pour se faire bouffer, ne peut s’en prendre qu’à lui même.
Putain mais qu’est-ce que c’est que cette société moisie de péteux où dire simplement “non” est percu comme une infamie ? VOUS êtes maîtres de votre vie.
Le 17/02/2016 à 18h36
J’ai un collègue qui envoie des mails jusqu’à minuit en semaine et qui bosse en plus le Samedi et une partie du Dimanche. Moi ça s’arrête une fois que je passe les portes à 17h et ça ne reprend que le lendemain à 8h. Pourtant on a le même poste/responsabilités (il a pas l’air de gagner 2x mon salaire) et mes évaluations sont bonnes. A un certain moment faut se poser la question si c’est une surcharge de travail ou tout simplement un manque d’organisation…
Le 17/02/2016 à 18h58
« Menace pour l’emploi », « frilisoté pour embaucher », et autres aguments velus de Gattaz en approche. Et comme d’hab le gouvernement se pliera en deux en disant que oui, ils ont voulu faire des efforts, mais que veux-tu, le chômage tout ça, il faut bien donner des garanties au MEDEF (d’ailleurs, où en est l’écoulement des pin’s ? Pilonnés, comme la promesse d’un million d’emplois en échange des aides CICE, qui elles ont bien été versées ?)
Le 17/02/2016 à 19h52
Le 17/02/2016 à 20h21
Le 17/02/2016 à 22h10
Dr.Wily a écrit :
Ouai… mais en fait non. Là il y a 1h j’avais un collègue de boulot au tel. Moi je suis au taf et lui au… ski. Lui a un salaire motivant pour répondre n’importe quand, moi j’ai un salaire qui m’autorise à ne pas répondre hors de mes heures de taf… en théorie…
Le système est “corrompu” par ce serpent qui se mord la queue, car pour avoir son salaire motivant, ton collègue a certainement du montrer auparavant, outre ses compétences, son “sacrifice” de sa vie privée au profit de la boite…
Donc c’est un choix, soit tu acceptes et tu peux y gagner (même pas sûr !) .. soit tu refuses et donc tu acceptes que d’autres soit “récompensés” ..
C’est juste naze mais c’est, je pense, une question qu’on te pose forcément à un moment quand tu évolues .. la limite variant d’une boite à une autre.
Après on parle ici du tertiaire .. les autres secteurs ont peut-être moins le choix (je connais pas spécialement .. c’est peut-être une idée reçue)
Le 17/02/2016 à 22h13
Le 18/02/2016 à 07h56
Pas besoin de projet de loi mais juste des couilles en fait pour faire respecter son droit de déconnexion une fois hors de l’entreprise.
Le taf c’est le taf, la vie hors taf c’est la vie hors taf et comme j’accorde plus d’importance à la seconde qu’à la première. Après tout je taf pour vivre et pas l’inverse contrairement à certains. Ils peuvent donc tous aller se faire foutre une fois que j’ai passé les portes de la boîtes. Déjà que je refuse tout ce qui est repas de Noël et autre conneries organisés tout au long de l’année en dehors des horaires de travail. Autre chose à foutre que de revenir dans la ville où je bosse le soir et j’ai mes potes dans ma vie privé merci pas besoin encore de voir mes collègues suceurs de boules le soir.
Il est clair que dans mon service certains me regardent comme un extra terrestre mais moi je tire pas la tronche du matin au soir, je me laisse pas bouffer par du stress donnant l’impression que je joue ma vie sur chaque coup de fil au client….. et à la fin du mois j’ai ma paye comme tout le monde. Ha oui c’est sûr, je vais pas évoluer mais je m’en cogne ça fait plus de 10 ans que ça marche comme ça et tant que je gagne de quoi vivre en ayant le temps d’en profiter et de m’éclater le soir et le week end sans que mon boulot empiète sur cette vie tout va bien.
Le 18/02/2016 à 08h05
Le 18/02/2016 à 08h55
Le 18/02/2016 à 09h00
Le 18/02/2016 à 10h47
Le 18/02/2016 à 12h13
Dans les faits la frontière vie pro/vie perso est de plus en plus poreuse …
Qui n’a jamais répondu a un SMS privé au cours d’une réunion pro ?!
Le 18/02/2016 à 14h07
Le 19/02/2016 à 05h46
J’espère que votre employeur déduit de votre salaire le temps que vous passez sur NXI, Facebook et envoyer des SMS à vos potes, parce que vu tous les commentaires ça ne va que dans un sens, c’est le patron qui devrait payer pour déborder sur la vie perso.
Le 19/02/2016 à 10h34
ça s’appelle de la veille technologique .." />
blague à part, faut bien s’occuper pendant une compil’ qui prend 5 à 10 min…." />
(very old techno….)