Optimisation fiscale : Bruxelles va imposer la transparence aux multinationales
Le bénéfice du Père fouettard
Le 11 avril 2016 à 14h20
4 min
Droit
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La Commission européenne a tranché : les grandes multinationales devront se montrer plus transparentes sur leurs principales informations comptables et fiscales. Ce pas en avant est cependant jugé trop limité par certains.
Chiffre d’affaires, bénéfices, assiette fiscale et impôts payés dans les différents États membres... Voilà les données qui devront être « rendues intégralement publiques pays par pays au sein de l'Union européenne » selon Pierre Moscovici, le commissaire aux Affaires économiques, qui a annoncé hier dans les colonnes du Parisien l’adoption par la Commission européenne d’une nouvelle directive en ce sens.
Nouvelles obligations pour les multinationales au CA supérieur à 750 millions d’euros
Cet effort de transparence sera imposé à toutes les entreprises, « quelle que soit leur nationalité – européenne, mais aussi américaine, australienne, chinoise, etc. –, dès lors qu'elles ont une filiale dans l'UE et un chiffre d'affaires d'au moins 750 M€ ». Selon le commissaire, Google, Amazon, Facebook et Apple seront bien entendu concernés par ces nouvelles règles. Quant aux sociétés qui n’ont pas de filiale en Europe, il est prévu qu’elles diffusent « les mêmes informations mais pour leur activité globale dans le monde entier, en exigeant plus de détails pour leurs activités dans les pays qui seraient sur la liste des paradis fiscaux ».
« Cela signifie que les experts, les ONG, mais aussi chaque citoyen, pourront s'emparer des bilans, vérifier, être certains, par exemple, qu'il n'y a pas eu de transfert injustifié ou d'accord secret entre une multinationale et l'administration fiscale d'un pays. L'UE sera la première zone du monde à franchir le pas de la transparence intégrale » s’est félicité l’ancien ministre de l’Économie, quelques jours après le scandale des Panama Papers. Aucun détail supplémentaire n’a néanmoins été fourni concernant les modalités de diffusion des données en question (Open Data, simple mise en ligne, etc.).
« La transparence ne pénalise pas l'activité économique »
Bruxelles avait jusqu’ici conditionné la mise en œuvre de ce dispositif dit de « reporting pays par pays » à une étude d’impact approfondie – attendue pour ce mois-ci. Pierre Moscovici ne s’est pas trop étendu à son égard, affirmant simplement : « Bien sûr, certains lobbys expliqueront que c'est nuisible aux affaires, à la compétitivité... Je ne le crois pas, et notre proposition a été préparée par une solide étude d'impact : la transparence ne pénalise pas l'activité économique. » Une déclaration qui ne manque pas de piquant quand on sait que le gouvernement s’est opposé fin 2015 à un dispositif de transparence « franco-français », au motif que celui-ci « nuirait à la compétitivité de nos entreprises », avait alors soutenu le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert.
Ces nouvelles obligations sont quoi qu'il en soit encore loin d'entrer en vigueur, puisque la directive adoptée par la Commission devra être soumise à l'examen du Parlement européen, qui aura tout le loisir de l'amender. Les députés pourront faire bouger les différents curseurs dans un sens comme dans l'autre, certains ayant déjà fait part de leur déception. « Cette proposition de transparence limitée aux pays de l’Union européenne interpelle et sonne comme un encouragement pour les entreprises à privilégier désormais les paradis fiscaux non européens ! Et ceci alors même qu’en 2013, les pays de l’UE avaient adopté une obligation de reporting public pour les banques européennes qui couvrait tous les pays où ces dernières étaient implantées » regrette Lucie Watrinet, du CCFD-Terre Solidaire.
Voilà pourquoi le projet de reporting public que la @EU_Commission présentera demain est en l'état insuffisant : pic.twitter.com/Y8IBP2TGfu
— Lucie Watrinet (@LucieWatrinet) 11 avril 2016
Pour ceux qui s’intéressent de près à ce sujet, sachez que des données relatives aux cinq plus grandes banques françaises (BNP Paribas, groupe BPCE, Crédit Agricole, Groupe Crédit Mutuel - CIC et Société Générale) ont récemment été mises en ligne par des ONG sur la plateforme nationale d’Open Data, « data.gouv.fr ».
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« La transparence ne pénalise pas l'activité économique »
Commentaires (12)
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Abonnez-vousLe 11/04/2016 à 14h23
Ce n’est pas déjà obligatoire pour toute entreprise cotée en bourse ?
Le 11/04/2016 à 14h27
Faut croire que non.
Le 11/04/2016 à 14h32
Une déclaration qui ne manque pas de piquant quand on sait que le gouvernement s’est opposé fin 2015 à un dispositif de transparence « franco-français », au motif que celui-ci « nuirait à la compétitivité de nos entreprises », avait alors soutenu le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert.
ils nous prennent vraiment pour des pigeons. Des déclarations à tout bout de champ… qui vont mettre X mois à aboutir ce qui laissera tout le temps nécessaire aux protagonistes de s’adapter et de paraître clean.
Mediapart indiquait que parquet financier était en sous effectif. Ce sont pourtant eux qui font toutes les enquêtes. Un nouvel organe de contrôle va être créé par Sapin (pas de Monsieur car je ne le respecte pas), le hic c’est que ce nouvel organe va venir compliquer le boulot du PNF et leur fait prendre du retard dans les enquêtes.
Bref, ils nous enfument et bien profond. Attendons de voir si OUDEA (Soc Gen) va être condamné pour évasion fiscale+ parjure. Ca donnera une idée de l’impunité en place.
https://www.mediapart.fr/journal/france/080416/corruption-police-et-justice-ny-arrivent-plus
Le 11/04/2016 à 14h49
L’urgence pour la commission européenne, c’est “Comment sauver nos potes !”
Le 11/04/2016 à 14h52
Bruxelles va imposer un truc qui ne vise pas à rappeler au citoyen de base qui commande ? Mais c’est la révolution. En fait non. " />
Le 11/04/2016 à 15h05
Donc, ils pourront déclarer du chiffre d’affaires, mais peu de bénéfices et être imposés très peu…
Ils auraient du leur demander d’expliquer tous les flux financiers sortants, c’est quand même comme ça que s’enfuient les bénéfices.
Le 11/04/2016 à 15h12
C’est un peu le but de l’imposition…
Impose sur le CA et tu verras toute une pléthore de TPE et PME s’effondrer comme un Jenga " />
Le 11/04/2016 à 16h32
La transparence, c’est lorsqu’on sait comment est géré l’État. Lorsque l’État veut tout savoir des activités dans la société, on appelle ça Big Brother…
Bienvenue en République Populaire d’Europe…
Le 11/04/2016 à 16h37
Optimisation fiscale : Bruxelles va imposer la transparence aux multinationales
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Merci pour cette crise de fou rire.
Le 11/04/2016 à 17h14
tu commande sur le site en français mais tu paie via la filiale situé aux iles caïman…… quel bande clowns. " />
Le 11/04/2016 à 18h26
Le 12/04/2016 à 10h11
Je ne parle pas d’imposer sur le CA, c’est loin d’être raisonnable.
Mais certains coûts présentés par les sociétés qui viennent baisser leur bénéfice sont purement fictifs et servent juste à remonter l’argent vers le pays où il y aura moins d’impôts, c’est la base de tout ça.
Si tout ce qui pourrait être des bénéfices est à la place payé en royalties vers une société ailleurs, il y a au minimum baleine sous gravillon (parce que l’anguille et la roche… L’anguille était trop petite).
C’est le fond de l’évasion fiscale et ça demande plus d’analyse et d’informations que d’avoir juste l’info du CA (à moins qu’ils aient prévu de faire une règle de trois quand la société annonce ses résultats mondiaux pour leur réclamer la portion d’impôts sur les bénéfices qui correspond au CA local).