Vidéosurveillance (3/3) : « ce qui se joue, c’est un choix de société » Flock

Vidéosurveillance (3/3) : « ce qui se joue, c’est un choix de société » 

1984 was not supposed to be an instruction manual

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Vidéosurveillance (3/3) : « ce qui se joue, c’est un choix de société » Flock

Dans la dernière partie de notre dossier sur le long avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme consacré à la vidéosurveillance, nous revenons sur ses conclusions, et ses dix propositions afin que les caméras ne se déploient plus sans contrôles.

Dans la première partie de notre dossier, nous étions revenus sur l’augmentation du nombre de caméras dédiées à la vidéosurveillance. Nous avons ensuite étudié le rayon d’action qui augmente de manière significative au fil des années, avec des garanties « insuffisantes, faute d’une mise en œuvre appropriée » Dans cette troisième et dernière partie, nous revenons sur les conclusions et les recommandations de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Notre dossier sur l’avis de la CNCDH :

Réformer les commissions départementales de vidéoprotection

La CNCDH relève que les commissions départementales de vidéoprotection chargées d'examiner les demandes d'autorisation de recourir à des caméras de surveillance dans l’espace public « avaient été conçues à l’origine comme un véritable levier de contrôle, en amont et en aval » mais qu' « il convient non seulement de renforcer leurs prérogatives de contrôle, mais également de revoir leur composition »

À l’heure actuelle, elles sont en effet composées de quatre membres : un magistrat du siège ou un magistrat honoraire, un maire, un représentant de la chambre de commerce et d’industrie du département, et une personnalité qualifiée choisie par le préfet en raison de sa compétence « dans le domaine de la vidéoprotection ou des libertés individuelles »

Afin d’assurer une représentation « plus équilibrée » des intérêts en présence, la CNCDH recommande de réformer ces commissions pour que cette dernière personnalité soit désormais désignée par le Défenseur des droits.

Quand une loi sur les Jeux olympiques supprime de la transparence

La CNCDH relève par ailleurs que « la manière dont les commissions départementales de vidéoprotection s’acquittent de leur mission de contrôle vis-à-vis des premières demeure obscure » :

« C’est d’autant plus regrettable qu’elles étaient conçues à l’origine comme un contre-pouvoir au pouvoir préfectoral. Par ailleurs, malgré sa détermination et la qualité de ses travaux, la CNIL est loin de disposer des ressources humaines permettant de réaliser des contrôles a posteriori auprès de toutes les municipalités. »

La CNCDH « regrette » que la loi relative à l’organisation des JO a supprimé l’article du Code de la sécurité intérieure (CSI) qui enjoignait au Gouvernement de transmettre chaque année à la CNIL un rapport faisant état de l’activité des commissions départementales de vidéoprotection.

Elle recommande a contrario l’élaboration par ces commissions d’un rapport annuel d’activité, rendu public, « et destiné à faire l’objet d’un débat au Conseil départemental » de sorte que le déploiement de la vidéosurveillance « fasse l’objet d’un débat démocratique local reposant sur l’expertise d’une instance dédiée »

Une proposition qui fait écho à celles qui figuraient dans le rapport des députés Philippe Gosselin (LR, par ailleurs ex-commissaire de la CNIL, de 2008 à 2022) et Philippe Latombe (qui a, lui, repris le siège de M. Gosselin à la CNIL en août 2022) sur la vidéosurveillance.

Choisir entre primauté de la liberté, ou la brider

En conclusion, la CNCDH appelle les pouvoirs publics à « reconsidérer leur volonté d’accélérer le déploiement des dispositifs de vidéoprotection » et que ces derniers fassent systématiquement l'objet d'un « examen circonstancié, en partant d’une exigence de minimisation de leur présence et de leur impact dans l’espace public » :

« En outre, ce questionnement doit s’inscrire dans une réflexion plus large relative aux causes de l’insécurité, au type de rapport entre police et population à privilégier. Ce qui se joue en définitive, c’est un choix de société : assurer la primauté de la liberté, des corps et des esprits, sous réserve des restrictions requises par la sauvegarde de l’ordre public, ou au contraire faire le choix de la brider par une surveillance généralisée et automatisée. »

Les 10 propositions de la CNCDH

La CNCDH formule dès lors une liste de 10 recommandations :

    1. réaliser une cartographie officielle des systèmes de vidéoprotection installés sur le territoire national, ainsi qu’une cartographie à l’échelon de la commune, accessibles au public dans les mairies et en ligne ;
    2. insérer, au sein du titre du Code de la sécurité intérieure relatif à la vidéoprotection, une disposition qui conditionne l’installation d’un système de vidéoprotection à l’exigence de son caractère nécessaire et proportionné à l’exercice des finalités envisagées, et non discriminatoire ;
    3. assortir la demande d’autorisation de systèmes de vidéoprotection adressée au préfet d’une analyse d’impact sur les droits et libertés des personnes, précisant notamment les modalités d’enregistrement et de supervision ;
    4. interdire l’identification biométrique à distance en temps réel des personnes dans l’espace public et les lieux accessibles au public, en admettant pour seule exception son utilisation pour la prévention d’une menace grave et imminente pour la vie, ou la sécurité des personnes et celle des ouvrages, installations et établissements d’importance vitale ;
    5. assurer une formation appropriée sur la protection des données, incluant une composante sur le fonctionnement des logiciels issus d’un apprentissage machine, aux agents en charge du visionnage des images ;
    6. mener une réflexion sur les moyens de garantir effectivement l’autonomie d’un agent humain face aux alertes produites par un traitement algorithmique d’images ;
    7. allouer davantage de moyens humains à la CNIL pour renforcer ses capacités de contrôle des systèmes de vidéoprotection ;
    8. renforcer les pouvoirs de la commission départementale de vidéoprotection en subordonnant à son avis conforme toute installation d’un système de vidéoprotection ou d’utilisation d’une caméra aéroportée ;
    9. réformer la composition de la commission départementale de vidéoprotection en y incluant :
        • Une personne qualifiée désignée par le Défenseur des droits ;
        • Un magistrat en exercice désigné par le premier président de la cour d’appel ;
        • Un maire, désigné par la ou les associations départementales des maires, ou, à Paris, un conseiller de Paris ou conseiller d’arrondissement désigné par le conseil de Paris ;
        • Un représentant désigné par la ou les chambres de commerce et d’industrie territorialement compétentes ;
        • Un conseiller départemental désigné par un vote à une majorité du Conseil ;

    10. Rendre obligatoire la publication d’un rapport annuel d’activité par la commission départementale de la vidéoprotection, soumis au débat au Conseil départemental.

Commentaires (5)


Quand la ville avait essayé de vidéo-surveiller la sortie du collège, je m'étais renseigné sur "les commissions départementales de vidéoprotection".
Et pour un citoyen ou une association, c'est opaque. On ne peut pas savoir quand un dossier est examiné, ni ce qu'il contient, les motivations réelles (écrites) de la demande, les justifications des décisions, et aucun moyen de les interpeller, d'ajouter des observations à la demande, ou de faire appel...

La caméra n'a pas été installée devant ce collège.
Heureusement, car il n'y en avait pas besoin, c'était plus une réponse politicienne : faire semblant d'agir sans débourser d'argent, car les caméras étaient toutes payées par des fonds non municipaux.
Mais à un moment, je me suis senti bien seul, initialement les profs semblaient ne pas s'en préoccuper car ils sortaient par le parking, les parents ne comprenaient pas les enjeux et surtout l'aspect contre productif de la "solution" dans ce cas (déplacement du problème en dehors du champ de la caméra et en dehors des possibilités d'intervention du personnel du collège et autres "grands-frères"/médiateurs/éducateurs), au département la commission est totalement opaque... Seul le principal comprenait les enjeux, et a expliqué mais sans l'annoncer au CA, qu'il valait mieux ne pas déplacer le problème en dehors de ses possibilités d'action.
Il suffit de faire une procédure CADA pour avoir les informations...
T'a déjà regardé du coté de l'AN2V ?
ils peuvent peut-être fournir des pistes ou des contacts (même s'ils sont plutôt pro-surveillance)

Albirew

T'a déjà regardé du coté de l'AN2V ?
ils peuvent peut-être fournir des pistes ou des contacts (même s'ils sont plutôt pro-surveillance)
J'avais plutôt contacté l'antenne départementale de la ligue des droits de l'homme. Elle était fermée, faute de volontaire, mais l'ex-présidente m'avait bien expliqué que la commission départementale de vidéoprotection était inacessible.
Je ne connaissais pas l'AN2V pendant ce projet, c'est dans NEXT que j'en ai entendu parler (une fois dans un article, une fois dans un commentaire).
"1984 was not supposed to be an instruction manual"

C'est comme en conduite, on nous explique de regarder la route car si on regarde ailleurs, le véhicule a tendance à naturellement suivre le regard... A force de s'extasier devant des dystopies, on n'arrive plus à imaginer un avenir souhaitable, chaque peur et chaque problème font arriver dans notre imagination ces solutions déjà vues.
Modifié le 17/07/2024 à 21h08

Historique des modifications :

Posté le 17/07/2024 à 21h08


"1984 was not supposed to be an instruction manual"

C'est comme en conduite, on nous explique de regarder la route car si on regarde ailleurs, le véhicule a tendance à naturellement suivre le regard... A force de s'extasier devant des dystopies, on n'arrive plus à imaginer un avenir souhaitable, chaque peur et chaque problème fait arriver dans notre imagination ces solutions déjà vues.

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