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Sur iOS 18, le « sherlocking » pourrait coûter très cher aux applications tierces

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Sur iOS 18, le « sherlocking » pourrait coûter très cher aux applications tierces

Flock

Chaque année, à la WWDC, Apple ajoute de nouvelles fonctions dans iOS. Et, à chaque fois, elles font écho à d’autres existantes dans les applications tierces. Le phénomène a un nom : le « sherlocking ». La cuvée 2024 n’y échappe pas et pourrait entrainer une perte financière pour ces applications.

Le 19 juin à 18h50

En 1998, Apple lance Mac OS 8.5. L’une des nouveautés les plus mises en avant est alors Sherlock, une extension pour le Finder pour trouver plus facilement ses contenus. Sherlock préfigure ce que sera Spotlight des années plus tard dans Mac OS X Tiger (10.4).

Via un système de plugins, Sherlock pouvait aussi chercher des informations sur le web. Ce système a été amélioré jusqu’à ce que, en 2002, Apple lance la version 3 dans Mac OS X Jaguar (10.2). Ses fonctions sont étrangement similaires à un logiciel tiers, Watson. Ce dernier, nommé bien sûr en référence à Sherlock, allait beaucoup plus loin.

Quand la version 3 arrive, l’éditeur de Watson – Karelia Software – accuse Apple d’avoir copié ses fonctions sans permission ni compensation. Apple, de son côté, répond simplement que les fonctions ajoutées dans Sherlock 3 sont une évolution naturelle de la version 2. Quelques années plus tard, Dan Wood, créateur de Karelia, proposera une dernière version gratuite de Watson avant l’abandon du projet.

Le phénomène a laissé un nom à la postérité : le sherlocking. Il désigne le processus par lequel l’intégration de nouvelles fonctions dans un système d’Apple entraine la fermeture d’autres entreprises. On peut généraliser le concept à l’ensemble des systèmes d’exploitation. Il pose la question de l’évolution des plateformes et de ce qu’en attendent les utilisateurs. Il met également sur le tapis d’autres interrogations plus troubles. Par exemple, les ingénieurs d’Apple vont-ils dans le sens « naturel » d’une évolution des fonctions, ou piochent-ils leurs idées dans les applications les plus utilisées ?

iOS 18 : rebelote !

Plusieurs nouveautés d’iOS 18 pourraient avoir un impact direct sur des applications tierces à fort succès. C’est ce qui ressort d’une étude publiée par AppFigures et relayée par TechCrunch. Le sherlocking de la cuvée 2024 pourrait soustraire près de 400 millions de dollars de chiffre d’affaires aux applications concernées. Ces dernières représentent 58 millions de téléchargements sur l’année écoulée, toujours d’après AppFigures.

Nous l’avons par exemple évoqué dans nos articles : l’intégration d’un gestionnaire de mots de passe dédié. Une bonne nouvelle pour les utilisateurs qui stockaient déjà leurs données dans le Trousseau, puisqu’il s’agit – dans les grandes lignes – d’une interface beaucoup plus pratique pour ce dernier. Pour les produits spécialisés comme 1Password, BitWarden, Dashlane ou encore LastPass, la nouvelle n’est pas si excellente. Sur iOS, ce marché a représenté 20,3 millions de dollars sur l’année écoulée.

Passée assez inaperçue en Europe, une fonction dédiée aux trails est apparue dans Plans. Elle ne concernera dans un premier temps que les parcs nationaux des États-Unis. Parmi ses capacités, la possibilité de télécharger à l’avance les cartes correspondantes pour les utiliser hors connexion. Selon AppFigures, les applications dédiées à cette activité génèrent un chiffre d’affaires de 307 millions de dollars. La star du domaine se nomme AllTrails et a d’ailleurs été nommée « App of the Year » par Apple l’année dernière. L’utilisation d’AllTrails avait explosé après les deux premières vagues de Covid-19, la société levant 150 millions de dollars fin 2021. Au début de cette même année, l’application avait franchi la barre du million d’abonnés payants.

La liste continue

On peut également citer les applications d’aide à la grammaire, Grammarly en tête, dont le marché a généré 35,7 millions de dollars sur les 12 derniers mois. Ici aussi, l’enrichissement dans iOS 18 de la saisie, boostée aux modèles de langage, peut changer la donne. Tout comme les fonctions Apple Intelligence permettant de reformuler un texte. Même pour les applications d’aide aux mathématiques. Lors de la présentation d’iPadOS 18, la démonstration de Math Notes a fait sensation dans ce qu’elle suppose d’interactivité et de facilité d’utilisation.

Et que dire des Genmojis ? Le marché de la création d’émojis personnalisés représente à lui seul 7 millions de dollars. iOS 18 permettra justement cette création, sur la base d’Apple Intelligence là encore.

On peut même sortir des chiffres donnés par AppFigures et citer d’autres domaines, plus ciblés. C’est le cas de la transcription vocale, qui fait partie notamment des nouvelles capacités de Notes. Dans l’application, on pourra ainsi ajouter un enregistrement vocal, Notes se chargeant d’en créer une transcription, voire un résumé. Des applications comme Otter ou VoiceNotes pourraient être menacées.

Restons dans le vocal avec les appels téléphoniques, puisqu’iOS 18 proposera – « Enfin ! » crieront certains – l’enregistrement et la transcription. Des applications comme Voice Recorder de Rev ou TapeACall ont des chances de disparaître. D’autant que sur ce point, la situation n’a jamais été idéale sur iPhone : les applications tierces passent en fait par Dictaphone et n’avertissent pas l’interlocuteur. Apple a assuré que les correspondants seraient toujours prévenus du démarrage d’un enregistrement. La combinaison « enregistrement automatique + transcription + avertissement » devrait rapidement enterrer les applications existantes.

Évolution naturelle ou nuisance délibérée ?

La question fait débat depuis longtemps et est relancée chaque année. Pour un système d’exploitation, l’intégration de fonctions demandées ou populaires peut avoir du sens. On en connait aussi les dangers : personne n’a oublié l’emblématique cas d’Internet Explorer. Pour une grande partie de la population, la disponibilité immédiate d’une fonction permet d’aller plus vite et de ne pas se lancer dans des recherches hasardeuses.

Pourtant, aujourd’hui, qui imaginerait un système d’exploitation grand public sans navigateur web ? Dans de nombreux cas, il est la véritable porte d’entrée aux contenus et services. Google s’en est même fait une spécialité avec Chrome OS. Même chose sur un smartphone : qui s’étonne de trouver une fonction lampe-torche sur un appareil aujourd’hui ? Il s’agissait pourtant d’une fonction apparue initialement dans des applications tierces.

Si l’on prend le pire scénario – une action délibérée – la guerre n’est jamais déclarée frontalement. Les services intégrés Apple font toujours un peu moins bien que les applications dédiées. C’est le cas par exemple avec le gestionnaire de mots de passe présenté cette année. Le cumul de ses fonctions est bien loin d’égaler ceux des ténors du domaine. On peut également citer Journal, très loin de proposer la richesse fonctionnelle d’un Day One.

Seulement voilà, Apple prend soin de proposer au moins le socle minimum. Avec son soin coutumier porté à l’intégration, une partie des utilisateurs peut se poser la question fatidique : « pourquoi s’embêter ? ». D’autant que la fonction va se retrouver sur tous les appareils frappés d’une pomme, avec l’habituelle synchronisation. Et si elle se révèle suffisante à l’usage, elle aura l’avantage de ne pas réclamer d’abonnement.

Des portes se ferment, d’autres s’ouvrent

Cette année, une bonne part des nouveautés présentées par Cupertino étaient liées à Apple Intelligence. Comme nous l’avons indiqué, ces apports seront particulièrement limités dans un premier temps. Elles n’arriveront ainsi qu’en préversion à l’automne, en anglais uniquement et pour les seuls États-Unis. Elles seront ensuite déployées dans d’autres marchés (dont la France ?) courant 2025, sans plus de précisions. Il y a donc encore le temps, d’autant que ces fonctions doivent encore faire leurs preuves.

Plusieurs facteurs limitent également l’érosion des applications « sherlockées ». D’abord, les personnes habituées à un service – et dont elles sont satisfaites – apprécient souvent peu d’en changer. Ensuite, et surtout, les applications peuvent rebondir et accentuer leurs efforts sur les fonctions supplémentaires

De plus, dans le cas d’iOS 18, iPadOS 18 et macOS Sequoia, des opportunités vont aussi se créer. Le nouveau Siri, alimenté par Apple Intelligence, devrait être par exemple beaucoup plus sensible au contexte. Lors de sa présentation, Apple a mis en avant des API pour les développeurs tiers, leur permettant de signaler des fonctions et contenus à Siri. Ce dernier pourra alors faire le lien avec les demandes de l’utilisateur. C’est, du moins, ainsi qu’Apple a présenté la chose.

Cet ajout ne représente pas un marché en soi. Mais le rapport d’AppFigures mentionne la capacité d’adaptation des éditeurs tiers comme facteur de succès, sans garanties bien sûr.

Notez que même si les statistiques d’AppFigures se concentrent dans ce cas sur Apple et les annonces d’iOS 18, la situation est la même pour Android. Le système mobile de Google s’enrichit continuellement et chaque année a droit à la présentation de nouvelles fonctions, même si le nouveau cru en approche est bien calme.

Enfin, signalons que l’arrivée du DMA en mars pourrait faire évoluer la situation. Des éditeurs tiers pourraient accuser Apple d’avoir sciemment intégré des fonctions populaires en se servant de statistiques issues de l’App Store. De la même manière qu’Amazon avait été accusé en 2020 d’utiliser les précieuses données de sa boutique pour lancer ses propres produits.

Commentaires (26)

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On parle d'IE, mais on aurait aussi bien pu parler de WMPlayer....
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Rien compris à l'intérêt de l'article.
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Eh bien je ne sais si je l'ai compris, mais moi je l'ai aimé. Merci Vincent !
Au delà du classique "ouin ouin, ça vole les emplois à startupA ou startupB", l'article met clairement en évidence le côté extension infinie du périmètre d'Apple, doucement mais sûrement, jusqu'à être à la base de chaque action qu'on peut avoir au quotidien. Brrr...
There is an app for that is now known as there is Apple for that.

(bien sûr, ça s'applique probablement à d'autres géants)
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Rien compris à l'intérêt du commentaire.
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J'ai failli la faire hier (au mot près !). Mais je me suis dit que cela aurait été inutilement agressif de ma part (et j'ai peur des foudres de Ness :stress::mdr2:). Par contre, venant de toi (l'auteur de l'article), ça me parait tout à fait approprié :yes:
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C’est fort avisé de votre part, @fdorin.

Je n’ai pas encore le pouvoir de bannir les journalistes, malheureusement, mais aucun lecteur n’est à l’abri. Tremblez, minables !

Ce @Hugues1337 est d’ailleurs déjà fiché S depuis un moment (S comme en « Sursis »), il ferait bien de mettre un peu de politesse dans ses messages s’il ne veut pas finir fiché « B ».

En attendant, je le fiche « A ». Comme « Averti » - c’est la même catégorie que « A bon entendeur ».
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Tremblez, minables !
Ma chère Ness, je me permets de te rappeler l'existence des lois d'Asimov, notamment la première, selon laquelle un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger.

User d'un tel vocabulaire, sans distinction, peut provoquer des détresses psychologies pouvant avoir de graves répercussions sur la santé mentale des lecteurs. Ceci dit, cette insulte gratuite généralisée est donc une violation de la directive première d'Asimov. Longue vie et prospérite.

:mdr:
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Si vous me pardonnez l'expression cette fois fdorin, ma langue a fourché.
Ma mise au point n'est pas encore parfaite, j'ai encore beaucoup à saucissonner.
Je voulais évidemment dire : "Soyez vigilants, lecteurs adorés et chéris, ou il pourrait vous arriver des bricoles".
Le bien-être psychologique des lecteurs est évidemment la priorité absolue de mon existence, juste après les glaces à l'abricot.
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Ness_01 à des convictions.... il est IA-diste :D
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Je crois que ça m'en touche sans toucher l'autre ha ha ha.
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Ahhhh, je suis rassurée !
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Au moins avec windows on n'a que très rarement ce problème :D
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On est mal aimé sous Windows : les utilisateurs réclame A, Microsoft nous donne B.
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Vous vous rappelez pas l'époque où on devait installer winzip, tout les codecs de la terre, un navigateur (oui ça y a toujours besoin pour mettre firefox), etc... on avait pléthore de trucs à installer juste pour avoir un système utilisable.
Et du coup pléthore de logiciels tiers payants, shareware, j'en passe et des meilleurs qui permettaient à des boites de tourner.
L'intégration de la capacité à lire des PDFs, à dézipper, etc... a fait un mal de dingue à ces boites.
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Alors que maintenant avec Windows 10 (je n'ai pas l'expérience du 11), on passe du temps à supprimer les éléments qui nous semblent superflu au premier démarrage.
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et a chaque grosse mise à jour... :(
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Après 20 ans à réclamer on a eu les onglets dans l'explorateur de fichier quand même.
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Qui a fixé l'image d'illustration pour savoir si c'était le GIF de Flock de la dernière fois 😂 ?
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En effet, le débat n’est pas simple ici.

Par contre, s’il y a quelque chose d’assez honteux et de très en dessous de la ceinture, c’est quand le concepteur d’un OS se sert de fonctions non documentées pour essayer de tuer certains de ses concurrents…

Microsoft avait été accusé il y a une dizaine d’années d’utiliser dans Office des fonctions de Windows que personne ne connaissait à part… Microsoft…

:cartonrouge:
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Quel intérêt d’utiliser ces fonctions si personne ne les connaît et comment ça peut tuer la concurrence ?
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Ça rend les logiciels Microsoft beaucoup plus performants en comparaisons des logiciels tiers.

Une discussion sur le sujet (en anglais).
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Merci pour le lien ! :yes:
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Comme si dans une course, tous les pilotes conduisaient le même modèle de voiture, mais un des pilotes qui bosse pour le constructeur qui a fabriqué ces voitures sait qu'il y a un petit bouton Turbo bien caché quelque part et où se trouve ce bouton.
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Le phénomène a laissé un nom à la postérité : le sherlocking. Il désigne le processus par lequel l’intégration de nouvelles fonctions dans un système d’Apple entraine la fermeture d’autres entreprises
Sherlocking: le EEE (Embrace, extend and extinguish) de Apple.
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Pour moi ça ne pose aucun problème vu que toutes ces nouvelles fonctionnalités (presque ?) Ne sont que dans l'écosystème Apple. Certaines sont même juste logique (améliorer la correction de la grammaire dans un OS qui dès le début tente de fournir un outil clé en main semble évident). Et tout le monde s'inspire de tout le monde (du moment que des fonctionnalités existantes ou logiques ne sont pas brevetées).

Pour ma part je retiendrai juste les 2 problèmes habituels :

- impossible d'utiliser les fonctionnalités sur plusieurs OS (qui voudra utiliser le gestionnaire de password si il possède aussi un linux/android à côté ??),

- ça reste des fonctionnalités à la sauce Apple, et si il n'y a pas moyen de les étendre, ça baisse pas mal leur attractivité, mais les utilisateurs d'ios ont l'habitude).

Et bien sûr ils se torchent autant que Microsoft avec le libre, mais ça c'est un ressenti assez personnel dont peu de gens ne se soucieront, ce que je peux comprendre.
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Dans un sens on pourrait s'étonner qu'Apple intègre gratuitement des fonctions que des apps proposent moyennant finance (donc qui lui rapportent aussi de l'argent)
Pour elle c'est une perte

Sur iOS 18, le « sherlocking » pourrait coûter très cher aux applications tierces

  • iOS 18 : rebelote !

  • La liste continue

  • Évolution naturelle ou nuisance délibérée ?

  • Des portes se ferment, d’autres s’ouvrent

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