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Des institutions internationales s’engagent pour l’ouverture des données sur la recherche

Open as a business model?

Des institutions internationales s’engagent pour l’ouverture des données sur la recherche

Plus de 30 institutions internationales de recherche appellent dans une déclaration leur communauté à s'engager dans l'utilisation de plateformes ouvertes d'analyse de données sur la recherche et ainsi abandonner les outils d'analyse propriétaires comme ceux des multinationales Elsevier et Clarivate Analytics.

Le 22 avril à 08h00

Comme nous l'évoquions en mars dernier, les outils utilisés par les institutions de recherche pour analyser la production scientifique sont, la plupart du temps, Scopus d'Elsevier et le Web of Science (WoS) de Clarivate Analytics.

Mais d'autres solutions plus ouvertes commencent à émerger, comme OpenAlex, sur laquelle une partie des institutions de la recherche française parie.

Mardi 16 avril, plus de 30 institutions de recherche dans le monde ont publié un texte appelé « Déclaration de Barcelone » dans lequel [PDF en version française], elles affirment que « l’ouverture des informations de recherche doit être la nouvelle norme », que « le paysage de l’information de recherche nécessite un changement fondamental » et s'engagent à « piloter la réforme de ce paysage et la transformation de [leurs] pratiques ».

Parmi ces institutions, on peut retrouver des acteurs très hétérogènes de la recherche mondiale. Par exemple, sont signataires l'Université de Technologie de Hambourg, l'Université de Coimbra, la région italienne de Toscane ou encore la Fondation Bill & Melinda Gates qui finance nombre de recherches, notamment sur la santé. Mais beaucoup d'entre elles sont françaises : Aix-Marseille Université, Sorbonne Université, le fond français de financement de la recherche ANR, le Comité français de la science ouverte (qui dépend du Ministère de la Recherche et de l'enseignement supérieur) ou encore l'Université de Poitiers.

Soulignons l'absence du CNRS, qui s'est pourtant désabonné de Scopus et a expliqué à The Meta News investir les 500 000 euros économisés « dans le soutien à des solutions alternatives telles que OpenAlex, Dimensions, Crossref… », mais qui garde pour l'instant un abonnement au WoS.

Des informations relatives à la recherche « enfermées dans des infrastructures propriétaires »

Depuis quelques années, les institutions de recherche ont mis la main sur le mouvement de l'open science, comme nous le racontions en 2020.

Dans sa thèse publiée en 2018, Célya Gruson, docteure en sciences de l'information et de la communication spécialisée sur les questions d’open access/science, expliquait que « l’open et l’adaptation aux outils numériques [sont] un moyen pour les organismes publics de reprendre la main sur les infrastructures de gestion, de traitement et de diffusion des ressources scientifiques (publications mais aussi données de la recherche aujourd’hui), mais cela tout en restant dans un contexte néolibéral ».

Six ans après, les institutions signataires font encore le constat qu' « une grande partie de toutes ces informations relatives à la recherche est enfermée dans des infrastructures propriétaires. Elles sont gérées par des entreprises qui rendent compte avant tout à leurs actionnaires, et non à la communauté des chercheurs. En tant que communauté de la recherche, nous sommes devenus très dépendants à l’égard de ces infrastructures propriétaires ».

Elles ajoutent qu'elles ont « fini par évaluer les chercheurs et les institutions sur la base d’informations non transparentes. Nous suivons et encourageons la science ouverte en utilisant des données fermées ».

« Faire de l’ouverture des informations de recherche la règle par défaut »

Les institutions signataires s'engagent donc à « faire de l’ouverture des informations de recherche la règle par défaut, travailler avec des services et des systèmes qui soutiennent et permettent l’ouverture des informations de recherche, soutenir la durabilité des infrastructures pour l’ouverture des informations de recherche, et travailler ensemble à réaliser la transition depuis des informations de recherche fermées vers des informations de recherche ouvertes ».

Citée par la revue scientifique Science, l'Université Sorbonne Université a déclaré qu' « en signant la déclaration, nous voulons montrer que non seulement cette évolution vers une information ouverte sur la recherche devrait être un objectif, mais qu'elle peut être réalisée ». Comme plusieurs institutions françaises, cette université utilise OpenAlex. Elle s'est aussi désabonnée du Web of Science Clarivate Analytics, qui lui coûtait 50 000 euros par an.

Si cet objectif semble louable, comme ceux de la science ouverte en général, nous ne pouvons que rappeler que, loin des objectifs originels du mouvement de l'open science, l'open access n'a pas fait baisser les bénéfices des multinationales de l'édition scientifique. Au contraire, l'accès ouvert à la recherche française a un coût exorbitant.

Et la marge opérationnelle d'Elsevier (branche "Scientific, Technical & Medical" du groupe RELX maintenant) a atteint les 38 % en 2023, d'après la présentation officielle de ses résultats [PDF]. Elle était de 37,1 % en 2018.

Cette présentation souligne d'ailleurs « une forte croissance des soumissions d'articles, en particulier des articles en libre accès avec publication payante » et « une forte croissance » de sa section « bases de données, outils et références électroniques et recherche primaire d'entreprise » grâce à « la poursuite de l'évolution des outils d'analyse et de décision à forte valeur ajoutée ».

Même scénario pour les données de la recherche ?

Comme nous l'expliquions, si OpenAlex est une solution qui parait intéressante, dans la pratique, l'ingénieure de Recherche en charge des indicateurs bibliométriques à l’École des Ponts, Frédérique Bordignon, fait un constat mitigé sur la qualité actuelle de l'outil pour travailler sur les données de son institution.

« Nous allons faire remonter les problèmes et proposer des corrections, explique-t-elle, « à l’instar de ce [qu'elle fait avec son équipe] depuis plus de 10 ans pour nettoyer le WoS et Scopus ». Mais pour l'instant, « il est trop risqué d’en faire sa source unique pour une analyse bibliométrique sans prendre le soin de tester la qualité des données en amont, ce qui, nous venons de le démontrer, est une tâche immense… » assenait-elle.

Interrogé sur la question par Science, Jason Portenoy, ingénieur principal en données dans l'association nord-américaine OurResearch qui gère la base de données, reconnaît la nécessité d'une contribution de la communauté, et explique qu'il est compréhensible que les institutions hésitent à recommencer le travail. Mais il insiste sur le fait « qu'avec OpenAlex, tout se passe au grand jour ».

En avance sur la qualité des données, Elsevier et Clarivate ne prennent pas de front la déclaration. Au contraire, Emmanuel Thiveaud, de Clarivate, explique aussi à Science que son entreprise « soutient largement les objectifs de cette déclaration » et Elsevier affirme qu'elle accueille favorablement « tous les projets qui soutiennent la recherche, car nous partageons le même objectif ».

Comme avec l'accès ouvert aux articles scientifiques, ces multinationales du service à la recherche pourraient profiter finalement de ce mouvement en profitant de leurs positions déjà bien établies.

Commentaires (4)

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Du coup Next pourrait peut être faire un article pour nous présenter OpenAlex ?
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Ils en font quoi des 38% de marge ?
Et meme sans la marge, un autre truc que je ne comprends pas c'est pourquoi c'est aussi cher : ils font quoi à part héberger des PDFs et éditer des templates latex ? Les revues et le tri des articles est fait gratuitement par lea scientifiques, non ?
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mmm... ils la distribuent généreusement aux actionnaires. Elsevier est un modèle de capitalisme prédateur. Je travaille dans le domaine des bibliothèques depuis bientôt 25 ans, et c'est la seule boite dont je n'ai jamais entendu quiconque dire du bien. Tout le monde les déteste, mais ils sont au cœur du système de la publication scientifique, qui est la principale source d'évaluation des chercheurs. Donc, ils font ce qu'ils veulent, tout le monde râle, mais personne n'ose s'en passer. Ca bouge cela dit, openAlex est le dernier avatar de cette lutte.
Un autre exemple qui me vient : il y a qq années, une grosse université (cambridge ? mit ?) avait mis fin à tous ses abonnements au profit d'un achat d'articles à l'unité. Bilan : 90% d'économie (Coût divisé par 10 quoi)
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En gros, ce collectif demande la légitimisation de Sci-Hub ... Les lobbies des Elsevier et consorts seront vent debout contre, c'est sûr.

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