En France, la crainte de la surveillance mais l’adhésion aux dispositifs de contrôle
GAFA toi
Le 24 juin 2016 à 09h41
5 min
Droit
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Voilà quelques jours, OpinionWay et la société Coppernic ont dévoilé un sondage sur le ressenti des Français quant à la multiplication des contrôles dans leur quotidien. Les résultats, parfois contrastés, épinglent les géants du Net, tout en offrant un joli champ politique pour les partisans de la surveillance.
Selon cette étude réalisée fin mai auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1 000 personnes, 56 % d’entre-elles ont le sentiment de vivre dans une société de contrôle. De nombreux dispositifs intrusifs recueillent néanmoins une bonne opinion dans le panel.
C’est le cas des portiques de sécurité dans les aéroports (90 %), dans les magasins (88 %) les bornes dans les bus (88 %). Dans le secteur des nouvelles technologies, cette impression positive profite également aux codes PIN (82 %), aux caméras de surveillance (80 %), aux capteurs d’empreintes digitales (76 %), et même à la géolocalisation et aux objets connectés (respectivement 58 et 57 %).
C’est bien simple : sur les 12 testés, 10 dispositifs bénéficient finalement d’un tel accueil. Au fond de la classe, les radars routiers (45 %) et les opens spaces (43 %) sont les seuls à avoir une majorité d’opinion défavorables.
Présenter les gains du contrôle pour le faire accepter
Toujours selon ce sondage, les Français seraient finalement prêts à sacrifier leur liberté pour plus de sécurité. « Ils sont en mesure d’accepter davantage de contrôle si on leur présente ces mesures comme un gain de sécurité, de justice ou d’égalité entre les citoyens » a exposé OpinionWay lors d’une présentation à laquelle nous participions. À une très large majorité, ainsi, ces personnes considèrent qu’être contrôlé « n’est pas un problème si on n’a rien à se reprocher ». Une formule bien entendu fragile, mais classique en la matière.
Dans le détail, le contrôle a pour but de protéger les citoyens, pousser à respecter les obligations et à favoriser « le bien vivre » en société. Pour autant, chez 49 % des personnes, le fait d’être contrôlé constitue un flicage, rend méfiant (48 %), voire empiète sur la vie privée (46 %) et constitue une atteinte aux libertés individuelles (43 %).
En somme, il y a une certaine contradiction, ou plus exactement, les Français ont le sentiment de vivre dans une société de contrôle, sans être toutefois réfractaires à de telles intrusions. « Ils perçoivent davantage les bénéfices que les inconvénients, poursuit OpinionWay, spécialiste en sondages politiques et études marketing. C’est un jugement qui se fonde sur l’utilité pratique et pragmatique, traduisant aussi une incorporation sociale de l’idée du contrôle ». Il y a en tout cas une rupture profonde avec le passé où la sensibilité des Français était nettement plus à fleur de peau.
Un sentiment de contrôle excessif par les grands acteurs du Net
Fait notable, le sentiment de contrôle excessif n’existe qu’à l'égard de quatre acteurs seulement : les « grandes entreprises de l’internet », les services fiscaux, les opérateurs télécom et les réseaux sociaux.
Le secteur des nouvelles technologies est donc surreprésenté dans cette sorte de liste noire. Un enseignement précieux à destination des cellules marketing des GAFA pour redorer l’image de leur bastion. Selon Mathieu Zagrodzki, chercheur en science politique au CESDIP et spécialiste de la sécurité, ces résultats s’expliquent en tout cas parce qu’avec le délitement des solidarités et de la cellule familiale, les personnes se sentent finalement « impuissantes face à ces acteurs globalisés ».
Ces chiffres sont aussi le fruit d’un contexte très particulier en France. Celui des attentats, de la menace terroriste, des discours sécuritaires dans lesquels souvent d’ailleurs, les acteurs du Net ont été systématiquement brocardés.
Ce ressenti n’est d'ailleurs pas en harmonie avec la réalité des possibilités offertes par les textes. La loi Renseignement et celle sur la surveillance des communications électroniques internationales, adoptées l’an passé, ont justement démultiplié les pouvoirs des services spécialisés sur le terreau des nouvelles technologies. Ils peuvent par exemple accéder à l’ensemble des données de connexion d’un groupe potentiellement important de personnes, aussi bien pour prévenir des infractions terroristes que pour défendre les intérêts économiques ou anticiper des mouvements sociaux violents.
« La résistance tombe avec l’effet d’habitude »
Ce type de sondage en France reste intéressant d’après Mathieu Zagrodzki, « car on est un peu dans un angle mort de l'étude des sciences sociales. Il faudrait néanmoins qu’il soit reproduit pour voir dans quelle mesure les évènements qui font l'histoire impactent la demande de sécurité des populations ». Outre le contexte des attentats, il y a aussi tout un faisceau de raisons pour expliquer ces chiffres. Le chercheur en science politique égraine notamment un phénomène d’accoutumance puisque « la résistance tombe avec l’effet d’habitude ». Et celui-ci de citer en exemple la vidéoprotection dans les rues, qui a profité de longue date d’un « fort effort de persuasion à l’égard des administrés ».
En tout état de cause, ces résultats montrent combien est grande l’autoroute pour le gouvernement dès lors qu’il s’agit de faire adopter un nouveau texte sécuritaire en France. L'espace politique est mûr dès lors que l’opinion est correctement sensibilisée à une menace, selon un timing aux petits oignons.
Dans cette France marquée au fer rouge par les attentats, l'image des gendarmes, policiers et des douaniers est toujours très positive (plus de 85 % d’opinion favorable). « Les violences policières n’ont pas eu autant d’écho dans l’opinion public que l’on croit » constate en ce sens OpinionWay. Finalement, seuls les agents du fisc et surtout les huissiers ne profitent pas d’un tel plébiscite.
En France, la crainte de la surveillance mais l’adhésion aux dispositifs de contrôle
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Présenter les gains du contrôle pour le faire accepter
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Un sentiment de contrôle excessif par les grands acteurs du Net
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« La résistance tombe avec l’effet d’habitude »
Commentaires (35)
Le 24/06/2016 à 09h44
J’ai un pb avec le titre…je m’attends à une phrase mais là, sans verbe ,un peu dur.
Par contre , la résistance tombe avec l’habitude ….voir le 49.3 oui …
Le 24/06/2016 à 10h02
A relativisé quand même la notion d’habitude avec l’article 49.3… Son utilisation 2 fois je crois, sur 4ans de gouvernance, je n’appelle pas ça habitude ! 28 fois (son record d’utilisation) en 3ans, oui là on parle d’habitude !!
Bref, c’est marrant de voir que les gens ont un meilleur avis sur les réseau sociaux que les grandes entreprise du net. Généralement les deux vont de paire.
Le 24/06/2016 à 10h02
Bêêêêêêê…….
Le 24/06/2016 à 10h09
Comme par hasard, c’est le radar routier qui est défavorable, on préfère largement être fliqué que d’être limité en vitesse sur la route.
Le 24/06/2016 à 10h15
c’est encore un sondage façon étude d’usage des la commission copie privée ?
C’est comme tous ces articles qui vantent windows 10….
Le 24/06/2016 à 10h23
Les résultats ne me surprennent pas du tout.
Présenter les “gains” en remercie se sécurité, ça fait appel à la peur. C’est un mécanisme biologique quasiment aussi puissant que l’appel au sexe, eprouvé depuis des millions d’années….
Le 24/06/2016 à 10h24
ah moi clairement. Un flic sur la route, tu lèves les pied avant et longtemps après.
Un radar sur la route, tu lèves le pied juste avant et tu ré-accélère juste après. c’est juste une anoyance finalement.
Tandis que le képi…. c’est autrement plus efficace. Mais bien sur faut trouver des gens qui acceptent :
….
Le 24/06/2016 à 10h25
Ça veut dire quoi «contrôler» ici ? Vérifier quelque chose ou forcer à faire quelque chose.
Un radar vérifie la vitesse et force à la respecter. Un réseau social ne vérifie rien, toute info donnée est sur la base du volontariat, mais je ne doute pas que certains se sentent forcés de les utiliser…
J’espère que les questions initiales étaient beaucoup plus claires que ça parce que vu les ambiguïtés je considère qu’un sondage comme ça ça ne mérite pas autre chose que la poubelle.
Le 24/06/2016 à 13h14
Je ne suis pas libre de me mettre à rouler à gauche sur la route, le respect des règles (et mon instinct de survie) me forcent à rester à droite. On peut tout à fait être conscient de ce qu’on nous force à faire. On est généralement bien conscient qu’on nous force à nous lever le matin pour aller travailler. Il y a effectivement des cas où on ne l’est pas, mais on parle alors de manipulation.
Bien souvent l’obligation de respecter ces règles passe par la vérification et la répression pour quelqu’un qui ne voudrait pas se conformer aux règles. Pour moi ces 2 choses peuvent s’appeler contrôle.
Si on parle de la publicité on peut aussi voir une autre forme de contrôle, quand un profil a été déterminé et qu’un utilisateur voit des pubs de guitares partout parce qu’il a recherché une tablature d’au clair de la lune, c’est que le publicitaire cherche à contrôler le sujet de ses prochains achats.
Bref pour moi le mot «contrôle» est beaucoup trop ambiguë. Alors je suis peut-être le seul mais j’en doute et il suffirait de 10% de pénibles comme moi qui veulent pas comprendre ou qui comprennent de travers dans le lot des interrogés pour que les résultats ne veuillent plus rien dire.
Le 24/06/2016 à 13h20
Je suis d’accord avec toi.
Mais moi généralement je ‘ai pas à lever le pied (merci régulateur)
Tant que je sais que je suis dans la légalité, il n’y a aucune raison de lever le pied. Pas comme certain qui roule à 80 km/h sur une route limité à 90 km/h et qui devant le radar pile pour passer devant à 50 km/h. Grrr.
Le 24/06/2016 à 13h30
alors déjà c’est 3 ^^ voir 4…
sinon , vendredi, troll , blague tout ça tout ça " /> .
Et pour le 49.3, partir des gens qui disaient du mal du 49.3 contre la liberté de notre pays et s’en servir quand cela les arrange par ses mêmes personnes plus de 2 fois ….humm.
M’enfin, mon propos n’était pas cela , mais plus que la phrase parlait de “ résistance” … qui tombe alors qu’en fait en forçant ,elle tombe aussi ;)
Le 24/06/2016 à 13h58
Je confirme, avec la loi travail, c’est 4 fois.
Le 24/06/2016 à 14h02
Pareil.
Dans bien des cas ceux qui se sentent ‘controlés’ (dans le sens : voient leur liberté tronquée), semblent se plaindre de ne pas pouvoir frauder (le fisc, la vitesse, au boulot…).
Le 24/06/2016 à 14h47
Ou ils se sentent “infantiliser”: avant j’adaptais ma vitesse aux conditions de circulation, maintenant je roule en regardant le compteur, avant je faisais mon boulot consciencieusement, maintenant je fais de la merde pour remplir des indicateurs qui plaisent à mon chef… " />
Le 24/06/2016 à 14h58
Les lois, règles et conventions sociales t’obligent à te comporter d’une certaine manière si tu veux avoir un résultat ou si tu ne veux pas être embêté.
On peut très bien être conscient que des règles “stupides” ou “incompréhensibles” existent et sont à fortiori inutiles, mais on s’y plie souvent parce que la société nous approuve si on les respecte.
D’un point de vue “bac de philo”, je ne considère pas qu’un être humain est libre. En tout cas on ne choisit pas entre un “bien” et un “mal”, on fait toujours ce qu’on estime bien. Quand on choisit c’est qu’on choisit entre un mal et un moindre mal.
Pour revenir au sujet je rejoins Xavmaster, on ne sait pas si le “contrôle” évoqué est :
Le 24/06/2016 à 15h17
On pose une question à des individus, ils répondent ce qu’ils veulent. Charge aux concepteurs du sondage de réaliser une étude poussée des réponses.
Tu a l’air de juger un sondage à partir de 2 malheureuses questions publiées dans un article alors que l’étude fait certainement plusieurs pages avec des avertissements, des commentaires et une synthèse des réponses.
Ceci-dit, je ne défends ni la probité des personnes qui ont conçu ce sondage, ni la véracité de l’étude qui en a été faite.
Le 24/06/2016 à 19h09
Le 24/06/2016 à 19h13
« La résistance tombe avec l’effet d’habitude »
Bin, y’a qu’a prendre le métro pour se rendre compte qu’il y a une caméra de surveillance tous les 20 metres.
Et je ne parle même pas des bus !
Mais je n’arrive pas à m’y habituer, rien à faire.
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Le 27/06/2016 à 16h24
Faut investir dans une casquette et un col roulé " />
Le 24/06/2016 à 10h35
“sentiment d’un contrôle excessif”, on parle d’une impression, d’une perception, pas d’un contrôle effectif.
Le 24/06/2016 à 10h53
En faite, c’est tout ce qui touche à l’argent qui a un avis négatif : normal, c’est très concret. Alors que notre vie privée, concept beaucoup moins concret, les gens sont prêt à la sacrifier pour (une impression) de plus de sécurité.
Le 24/06/2016 à 11h02
Le 24/06/2016 à 11h04
Je pense que les gens sont tout simplement “cons” . je dis ça sans préjugés ni critique, mais le mec lambda est con comme une huître, il s’en branle royalement ce qu’il veut s’est rentrer de son taff où il s’est gratté les couilles pour jouer a jelly splach pendant que les gamins d’abrutisent devant la téloche…
Vivement qu’Elon colonise Mars que je ma casse… :)
Le 24/06/2016 à 11h13
Ils ont oublié l’item “supermarché et hypermarché” dans la liste. Quand je vois chez Carrefour qu’il y a maintenant au moins une caméra par rayon et des petites affiches indiquant gentiment “vous êtes filmés”, moi cela ne me rassure pas.
Le 24/06/2016 à 11h25
Quand je pense que le concierge a été remplacé par le digicode et/ou l’interphone (avec parfois la vidéo), je comprends bien que le concierge ne soit pas ressenti comme une menace.
Le 24/06/2016 à 11h32
Pour résumer le Français moyen aime que l’état flique ses voisins, temps qu’il n’est pas contrôlé lui-même " />
Le 24/06/2016 à 11h41
Je ne crois pas que dans les supermarchés on te film pour ta sécurité mais pour les biens du magasin. Et après accessoirement dans le cas ou, ta sécurité.
Moi j’aimerai comprendre le sens du mot controlé dans ce contexte. Car quand je vois les médias me “contrôlé”, je me dis un contrôle dans le sens orienté mon opinion. Mais quand je vois controlé par les réseaux sociaux ou grande entreprise du net, je me dis analyse du comportement, des contenus, des achats.
C’est à mon sens deux choses très distinct.
D’ailleurs un peu de mal à comprendre comment on peut se sentir contrôlé par le fisc, mise à part si le panel était dans la tranche très haute des salaires. Là en effet je trouve qu’on peut ressentir ce sentiment même s’il n’est pas forcément vrai.
Le 24/06/2016 à 11h49
Le 24/06/2016 à 11h55
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Le 24/06/2016 à 12h00
Le 24/06/2016 à 12h02
Surtout que le client ne connaît pas la raison d’être de ces caméras (sécurité contre le vol? observation des comportements de consommateurs? …?).
En parlant de Carrefour, on peut aussi s’intéresser aux cartes de fidélité (paraît-il que Carrefour est à la pointe du big data dans le cadre de la consommation) :
http://www.dailymotion.com/video/x3jfu4k_cash-investigation-marketing-les-strate…
BFM TV
http://www.marketingscan.fr/media/lineaires032010__090025200_1457_11012011.pdf (pdf)
https://programmatique-marketing.fr/2016/06/01/comment-carrefour-utilise-les-don…
Le 24/06/2016 à 12h05
Et le sentiment d’être trop contrôlé par les banques, non ?
Étant donné la propension des banques à défrayer la chronique judiciaire nationale comme internationale, c’est proprement insupportable et inadmissible qu’une corporation aussi peu honnête et morale puisse contrôler la probité de ses clients.
Vive l’État policier français !
Le 24/06/2016 à 12h35
ce qui ne change pas ma question : s’agit-il du sentiment qu’on est trop surveillé, ou le sentiment qu’on est trop poussé à faire quelque chose ? Pour moi les deux possibilités ont un sens dans certaines propositions et aucune ne me parait complètement valable pour toutes les situations. Donc pour moi ça crée une ambiguïté dans ce qui a pu être compris par les personnes interrogées si les questions ont été posées telles quelles. Et dans ce cas là ils perdent toute leur valeur initiale.
Le 24/06/2016 à 12h46
Je ne vois pas comment une personne peut avoir conscience d’être forcée ou poussée à faire quelque chose. En toute conscience, on est forcément libre d’agir selon ses propres désirs et sa propre volonté (ou alors, on estime vivre en dictature ou dans un système oppressif).
Le 24/06/2016 à 13h13
J’aimerais bien, un jour, être contacté par un institut de sondage. Cela me permettrait, au moins une fois dans ma vie, d’être représenté. Car à chaque sondage des français, je pense l’inverse de la majorité. Et j’aimerais comprendre si cela vient de moi, ou de la question (ou la façon dont elle est traitée).