23andMe : pour survivre, l’entreprise va exploiter le plus possible les données de l’ADN collecté
23andMe, mais aussi le reste du monde
Alors que l'entreprise a reconnu une fuite de données de 7 millions d'utilisateurs en fin d'année dernière, 23andMe se trouve en grande difficulté avec plus de 30 poursuites judiciaires, un marché des tests ADN qui s'effondre et le Nasdaq qui menace de la sortir de sa liste alors que son action est sous la barre du dollar depuis cinq mois.
Le 15 février à 08h08
7 min
Économie
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Comme l'écrit Futurism, « 23andMe est un paquebot en train de couler et sa PDG en reste la cheffe d'orchestre ». On pourrait ajouter que le bateau en question souffre d'une sacrée fuite découverte cinq mois après son ouverture, avec 7 millions d'utilisateurs dont les données se sont retrouvées entre les mains d'un groupe de pirates l'année dernière, la compagnie rejetant la faute sur ses clients.
Pourtant, il y a tout juste trois ans, l'entreprise rejoignait le Nasdaq en atteignant dans sa première année une valorisation de 6 milliards de dollars. L'entreprise ne vaut maintenant quasiment plus rien et le Nasdaq pense sérieusement à la supprimer de sa liste.
Un marché des tests récréatifs en perte de vitesse
La fuite de données de la fin de l'année dernière a fait beaucoup de mal à l'entreprise de test ADN en faisant grand bruit en octobre dernier. L'entreprise a mis du temps à réagir, pour ensuite rejeter la faute sur les utilisateurs et modifier ses conditions de service afin de rendre « plus difficile pour les victimes de se regrouper pour déposer une plainte » contre elle. De plus, le fait que l'on apprenne plusieurs mois après que 23andMe n’a détecté l’attaque qu'au bout de cinq mois, n'aide pas à remettre la structure à flot.
Mais l'entreprise n'était pas au mieux de sa forme avant même que cette fuite ne soit connue. Comme le remarque Gizmodo, « presque tous ceux qui veulent un test ADN en ont déjà acheté un ». On pourra ajouter que les pays comme la France où ce genre de test est interdit ne semblent pas prêts à ouvrir les vannes pour sauver 23andMe.
L'entreprise, essentiellement connue pour la vente de ses tests ADN, doit donc « pivoter » comme on dit dans le milieu des startups, c'est-à-dire changer de raison d'être, si elle veut survivre.
Proche de la faillite il y a 10 ans
Comme le rappelle Wired dans l'introduction de son interview de la PDG de l'entreprise, Anne Wojcicki, 23andMe a déjà failli tomber en faillite lorsqu'en 2013, la Food and Drug Administration (FDA) lui a demandé de cesser la commercialisation des évaluations des risques pour la santé tant que la méthode n'était pas validée.
En effet, jusqu'en novembre 2013, l'entreprise indiquait à ses clients la présence d'un marqueur de maladie comme le cancer ou le diabète. Mais ce n'est qu'en 2015 que la FDA a finalement pu donner à 23andMe une première autorisation de mise sur le marché de tests génétiques permettant la détection de signes génétiques d'une maladie (le syndrome de Bloom).
Des données « pour la recherche » utilisables en coopération avec l'industrie pharmaceutique
Anne Wojcicki espère relancer son entreprise en misant sur des partenariats avec l'industrie pharmaceutique. Car si les utilisateurs reçoivent les résultats de tests ADN rapidement effectués par l'entreprise pour évaluer leur risque de santé ou leur généalogie, l'entreprise leur demande aussi s'ils acceptent de partager leurs ADN pour la recherche. Comme le dit Gizmodo, c'est « une façon plus conviviale de dire "donner aux compagnies pharmaceutiques" ».
Wired a d'ailleurs demandé à Anne Wojcicki si elle pensait que la plupart des clients de 23andMe savent que s'ils acceptent de participer à la recherche, ils acceptent également que leurs données soient utilisées par des partenaires pharmaceutiques potentiels.
Mais la PDG a évité de répondre directement en expliquant : « il ne s'agit pas de données individuelles, à moins qu'ils n'aient explicitement consenti à ce qu'elles le soient. Je pense que la plupart des gens veulent voir des améliorations dans leur vie. 23andMe peut aller plus loin. Mais nous devrons ensuite nous associer à d'autres pour accélérer réellement les progrès dans un certain nombre de maladies différentes ».
Elle rappelle dans l'interview que 23andMe avait déjà un contrat exclusif entre 2018 et 2023 avec l'entreprise pharmaceutique GlaxoSmithKline pour exploiter les données ADN récoltées par l'entreprise. Anne Wojciki semble en être plutôt contente : « cinquante cibles médicamenteuses ont été découvertes, bien plus que nous ne l'avions prévu », explique-t-elle à Wired.
Précisons que la découverte d'une « cible médicamenteuse » n'est pas celle d'un médicament. C'est celle d' « une molécule de l'organisme, généralement une protéine, qui est intrinsèquement associée à un processus pathologique particulier et sur laquelle un médicament pourrait agir pour produire l'effet thérapeutique désiré ». Ce qui est déjà un premier pas important.
D'autres entreprises pharmaceutiques visées
Mais Anne Wojciki espère pouvoir profiter de la fin de cette exclusivité pour travailler avec d'autres entreprises pharmaceutiques : « nous avons désormais la possibilité d'exploiter l'ensemble des données pour nous-mêmes, ainsi que de travailler en partenariat avec d'autres groupes », explique-t-elle à Wired.
Elle ajoute : « les équipes de 23andMe et de GSK ont toutes deux estimé qu'il y avait tellement de choses dans ces données qu'un seul groupe ne pouvait tout exploiter. Il s'agit d'une véritable ressource que nous pourrions utiliser avec d'autres entreprises pour leur propre découverte de médicaments ».
Dans l'interview avec Wired, Anne Wojciki explique qu'un médicament en essai de phase 1 (phase qui « vise principalement à étudier la tolérance au médicament et à définir la dose et la fréquence d'administration qui seront recommandées pour les études suivantes » comme l'explique la Ligue contre le cancer) et un en essai de phase 2 (phase qui vise à « confirmer l’activité clinique préliminaire et/ou pharmacologique du médicament à la dose recommandée à l’issue de la phase », sont issus de la recherche sur des données de son entreprise.
Mais rappelons que beaucoup de médicaments qui ont passé ces deux phases ne passent finalement pas la troisième phase qui consiste en la comparaison avec d'autres médicaments.
Si 23andMe peut espérer vendre l'accès à ses données à d'autres entreprises pharmaceutiques, il n'est pas encore sûr que cette manne puisse la sauver d'une faillite qui paraissait si loin, il y a encore quelques années.
23andMe : pour survivre, l’entreprise va exploiter le plus possible les données de l’ADN collecté
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Un marché des tests récréatifs en perte de vitesse
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Proche de la faillite il y a 10 ans
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Des données « pour la recherche » utilisables en coopération avec l’industrie pharmaceutique
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D’autres entreprises pharmaceutiques visées
Commentaires (14)
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Abonnez-vousLe 15/02/2024 à 09h54
1. Est-ce que des entreprises voudront travailler avec 23andMe, sans peur que la réputation maintenant bancale les entache ?
2. Si les données qui ont fuité sont assez complètes et à un prix intéressant, que gagnerait une entreprise à travailler avec 23andMe plutôt que d'obtenir directement ces données ?
Mes deux questions sont certainement naïves, je ne connais pas assez ce marché ni les détails de la fuite de données, l'avenir me répondra probablement.
Le 15/02/2024 à 13h41
Ensuite ils ont quantité de filiale, souvent à cause de rachats (les gros ne font plus trop de recherche, ils font de l'achat de petits qui ont fait une découverte intéressante). Donc quantité de nom à écrire sur la boîte.
Le 15/02/2024 à 10h09
Puisses-tu te noyer, définitivement.
Le 16/02/2024 à 16h42
Le 17/02/2024 à 00h00
Vous pouvez dormir tranquille...du moins jusqu'à demain
Le 17/02/2024 à 07h36
Je vais pouvoir couler un jour heureux (terme plus naturel pour un paquebot d’ailleurs 😜)
Le 17/02/2024 à 10h09
Le 17/02/2024 à 11h22
Le 15/02/2024 à 10h40
Le 15/02/2024 à 11h37
Si deux personnes ayant fait le test pour voir leurs origines ont un enfant, ça ne va pas changer beaucoup pour l'enfant...
Pour les risques maladies c'est +/- pareil sauf s'il y a des gênes récessifs.
D'ailleurs les données ont déjà été utilisé pour retrouver des gens simplement sur analyse d'une trace ADN et le fait qu'un membre de la famille éloingné aie fait le test ADN d'une boite pareille
Le 15/02/2024 à 11h51
Le 15/02/2024 à 15h25
Le 15/02/2024 à 12h12
Le 15/02/2024 à 12h13