Droit d’auteur : quand le filtrage des contenus s’invite dans la réforme européenne
De l'art et la manière de revenir sur le statut de l'intermédiaire
Le 02 septembre 2016 à 09h55
6 min
Droit
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Le projet de réforme du droit d’auteur a été dévoilé depuis quelques jours. Portée par la Commission européenne, cette directive met à jour plusieurs normes dans l’optique du marché unique du numérique. Une belle occasion pour y injecter une savante dose de filtrage.
Comment susciter, accompagner, développer un tel marché au profit des consommateurs, tout en ménageant les susceptibilités locales et spécialement l’attachement des sociétés de gestion collective à leur « fructueuse exception culturelle » ? C’est ce délicat équilibre qu’entend atteindre l’institution bruxelloise avec cette proposition de directive sur le droit d’auteur (dévoilée via le blog The IPKat notamment).
Le texte, long de 32 pages, contient plusieurs dispositions relatives au text et data mining (TDM), à la situation des musées et des bibliothèques, la disponibilité des œuvres sur la VOD, etc. Nous y reviendrons, mais retenons avant tout l’absence de liberté de panorama et la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse pour une durée de 20 ans à partir de la date de publication. Cette disposition prévue à l’article 11 du texte n’est pas limitée aux seuls moteurs de recherches comme cela pu être institué en France au profit des photographes. Elle devrait ainsi justifier le paiement de larges rémunérations au profit des ayants droit par toute la société de l’information, du fait de la simple mise à disposition et de la reproduction de leurs contenus.
Cibler les hébergeurs dans une directive sur le droit d’auteur
Cette directive sur le droit d’auteur sera surtout l’occasion d’asséner un tour de vis sur les hébergeurs, du moins ceux qui stockent et mettent à disposition une « large quantité » d’œuvres, en les incitant légalement à négocier avec les ayants droit.
« L’industrie musicale n’a pas véritablement obtenu ce qu’elle voulait », a commenté voilà peu Julia Reda , en ayant en main l’étude d’impact de la réforme en cours. Pour l’eurodéputée issue du Parti Pirate, « à l’origine, [elle] demandait que YouTube soit tenu directement responsable de tout ce que ses millions d’utilisateurs mettent en ligne. Cela aurait donné à l’industrie une excellente position de négociation pour demander plus d’argent — mais la Commission a rejeté cette idée ».
Quelle est donc l’option choisie ? Par le biais de ces fameuses discussions avec les sociétés de gestion collective, les intermédiaires devront nécessairement prendre des « mesures appropriées et proportionnées » pour garantir ces accords, mais aussi empêcher la mise à disposition sur leur service de tous les contenus non couverts par ces discussions. Comment ? En mettant notamment en œuvre des technologies d’identification et de filtrage des contenus de type ContentID cher à YouTube.
« Grande ironie », juge encore Julia Reda. « YouTube, la cible de ces actions, a déjà mis en œuvre ces idées de son plein gré, et ce depuis des années. La réponse de la Commission aux plaintes au sujet de YouTube est donc… de forcer tous les prestataires de services à agir comme YouTube. À qui cela est-il censé bénéficier, on se le demande ». En fait, le mécanisme va plus loin puisqu’il impose à YouTube and Co de contrôler l’ensemble des flux et de potentiellement renifler, filtrer, et pourquoi pas bloquer les œuvres non couvertes par les fameux accords.
Des effets dévastateurs sur les startups européennes ?
L’eurodéputée anticipe aussi « des effets dévastateurs sur les startups européennes ». Un exemple, un seul : SoundCloud. « Basé en Union européenne, aimé par beaucoup de jeunes artistes qui tentent d’être repérés : [si ce site] avait dû se conformer à ces obligations onéreuses lors son lancement, il aurait probablement perdu face à un compétiteur hors de l’UE qui n’aurait pas eu l’obligation de s’y conformer ».
Elle rappelle au passage les multiples bugs qui frappent régulièrement les systèmes actuels. « ContentID supprime régulièrement des vidéos de fan (comme les enregistrements d’événements, des lip dubs, des commentaires, des films maison, etc.) qui contiennent des petits morceaux de contenus sous droit d’auteur, quand bien même ce genre d’usage serait couvert par les exceptions aux droits d’auteurs et droits voisins ».
Rétorquons que les utilisateurs auront droit à un recours sur l’application de ces mesures, mais cela supposera aussi que ce droit soit effectif. Face à un courrier très musclé, tous accepteront-ils de se lancer dans une bataille juridique ?
Certes, cette obligation teintée d’une dose de droit souple ne concernera que les seuls services abritant une large quantité de contenus, donc pas les futures graines européennes de SoundCloud, YouTube et autres. Mais ce critère permet déjà d’entrevoir de nouveaux foyers de contestations devant les tribunaux…
L'art de revenir sur la responsabilité des intermédiaires techniques
On le comprend assez facilement : avec l’aiguille de ces accords encadrés par le haut, les sociétés de gestion collective pourront bien espérer crever l’abcès d’une autre directive, celle sur la société de l’information.
Explications. Depuis 2001, ce texte ne conditionne la responsabilité des intermédiaires techniques qu’à la connaissance effective de l’information illicite et si, alerté, ils n’ont pas effectué un prompt nettoyage. Et jusqu’à présent, seule une juridiction ou une autorité administrative avait la possibilité d'exiger d’un hébergeur « qu'il mette un terme à une violation ou qu'il prévienne une violation » (article 14 de la directive de 2001).
Apprécions l’art de la Commission européenne pour faire bouger les lignes en toute discrétion : le point 39 de sa nouvelle proposition nous dit que ces obligations d’identification et de filtrage ne concerneront pas les intermédiaires placés sous le règne de la directive de 2001 sur la société de l’information. En somme : les hébergeurs ne sont pas touchés, sauf s'ils jouent un « rôle actif ». Un critère classique.
Mais Bruxelles profite de l'occasion pour citer deux exemples de « rôle actif » : lorsque l’acteur « optimise » la présentation des contenus uploadés et lorsqu'il en fait une promotion quelconque. Ces précisions ne sont en rien gratuites. Elles vont permettre d’inscrire dans le marbre quelques décisions très favorables aux ayants droit, afin de faire sortir une foule de services en ligne 2.0 du régime du texte de 2001 : non YouTube ne sera plus hébergeur lorsqu'il optimisera les contenus, ou en assurera une promotion sur sa homepage...
En guise de cerise, les hébergeurs impliqués devront aussi tenir informés les ayants droit du déploiement et des effets de ces mesures. Dans ce cadre, les États membres auront eux à faciliter la coopération entre ces acteurs, notamment sur l’usage de technologies appropriées et proportionnées.
Cette proposition de directive sera dévoilée officiellement le 21 septembre, pour une mise en œuvre au printemps 2019.
Droit d’auteur : quand le filtrage des contenus s’invite dans la réforme européenne
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Cibler les hébergeurs dans une directive sur le droit d’auteur
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Des effets dévastateurs sur les startups européennes ?
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L'art de revenir sur la responsabilité des intermédiaires techniques
Commentaires (25)
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Abonnez-vousLe 02/09/2016 à 10h19
Donc Megaupload été bien un hébergeur tout ce qu’il y a de plus légal " />
Ça en est où son procès au fait? Une interview de Kim Dotcom depuis son manoir/prison par Marc envoyé spécial en Nouvelle-Zélande? " />
Le 02/09/2016 à 10h23
Dingue qu’ils remettent encore Youtube sur la table alors que c’est probablement l’hébergeur qui chasse le plus les contenus illégaux. Tu te fais presque plus facilement striker pour une atteinte aux droits d’auteur que pour une vidéo terroriste…
Le 02/09/2016 à 10h43
Une bonne raison de rester totalement indépendant et créatif et ne pas bouffer la soupe (même les petits croutons) des ayants droits.
Quand on signe avec les ayants droits, les labels moisis et qu’on se soumet aux multiples voleurs légaux (maison des artistes, sacem etc.), on perd son art et on risque de finir détesté par ses fans qui ne peuvent même pas “citer” le moindre truc dans une créa.
Il est temps que les vrais artistes se prennent en main collectivement.
Le 02/09/2016 à 10h45
Donc, les ayants droits n’ont plus rien à faire puisque ce sont “les autres” qui font faire leur boulot ? C’est ça ?
Ils ont quoi contre le numérique ces gens là sérieusement ? Ils vont tuer le business européen dans son ensemble… Pour rappel, les ayants droits ou major ne propose quasiment rien en offre légale et compte à 95% sur des start-up pour justement proposer des services. Spotify/Deezer and co en sont un bel exemple. Sans eux, le marché de la musique en ligne n’en serait pas là et tout le montre se serait mis au piratage. Mais apparemment, ce n’est toujours pas suffisant.
C’est comme le terrorisme en fait, c’est plus facile de s’en prendre au numérique que de s’attaquer aux causes réelles (le piratage dans le cas présent).
Le 02/09/2016 à 10h46
Ça prouve encore une fois que l’UE est celle des entreprises contre les peuples et non pas pour défendre les intérêts de ceux-ci… enfin je dis ça je ne dis rien. Et après on s’étonne qu’elle soit en train d’imploser et que plus personne n’en veuille. (Et pourtant j’aimerais bien qu’on ait une Europe fédérale, mais là c’est un autre sujet)
Le 02/09/2016 à 10h53
Le pire est que youtube permet de découvrir des petits groupes méconnu qui appartiennent à ces même labels. En écoutant un mix youtube tu tombes sur des perles qui sont totalement méconnus >_<
Le 02/09/2016 à 11h01
Le 02/09/2016 à 11h11
Il y a plusieurs bouquins qui traitent du sujet (notamment celui de Varoufakis qui est très intéressant, “et les pauvres méritent ce qu’ils doivent ?”). À la lumière de ça tu comprendras mieux mon propos, maintenant on s’éloigne du sujet.
Le 02/09/2016 à 11h23
Le 02/09/2016 à 11h42
Le 02/09/2016 à 11h57
Le 02/09/2016 à 12h25
C’est clair. Moi je fais mon marché souvent chez Bandcamp. Il y a vraiment des perles.
Et par exemple, il m’a suffit d’envoyer un email à une artiste allemande que je supporte depuis longtemps pour qu’elle m’autorise à utiliser sa musique dans le cadre de mon travail (et avec plaisir en plus).
Le 02/09/2016 à 12h27
“ayé j’ai trouvé celui qui m’écoute \o/ “
Le 02/09/2016 à 12h27
On pourrait dire que les vrais artistes sont ceux qui bougent (par exemple qui vivent de leurs concerts, ce qui me semble normal), mais le monde du spectacle vivant et des tourneurs est sclérosé au possible aussi.
Le 02/09/2016 à 12h29
Le 02/09/2016 à 13h14
… un tel marché au profit des consommateurs, tout en ménageant les susceptibilités
locales et spécialement l’attachement des sociétés de gestion collective à leur
« fructueuse exception culturelle » ?
c’est sûr, c’est “un N° d’équilibriste” !
(…chou<—>chèvre) " />
Le 02/09/2016 à 14h16
Le 02/09/2016 à 18h20
non YouTube ne sera plus hébergeur lorsqu’il optimisera les contenus, ou en assurera une promotion sur sa homepage…
Rien de choquant… Si Youtube ou n’importe quel hébergeur crée une section “RIP DVD/BR” ou “Blockbuster à l’affiche” sur sa homepage, c’est plus vraiment un hébergeur neutre.
Le 03/09/2016 à 06h29
Le 03/09/2016 à 09h24
Le 03/09/2016 à 16h30
A se demander si nous avons le choix " />
Le 04/09/2016 à 07h25
En même temps le système actuel fait qu’aucun choix n’est possible. Il est très facile de biaiser la démocratie en imposant au peuple le choix entre différents candidats dont il ne veut pas, cf. ce qui va encore se passer à la prochaine présidentielle.
Dès lors on n’est plus en démocratie (de toute on sait parfaitement que les différents candidats vont appliquer la même politique en faveur des 1% de rentiers qui parasitent l’économie, et au détriment des 99% d’autres personnes)
Le 04/09/2016 à 13h05
prenons la dernière Élection Présidentielle de 2012
reste : 30 millions
..et après : ““youpi”* !!!
* y-a pas de quoi, franchement " />
Le 05/09/2016 à 08h11
Le 05/09/2016 à 08h35
..et après ça, “tout le monde” a gagné :
mais, les autres….
je vous fais grâce des 6 ème, 7 ème, qui EUX AUSSI…“ont gagné” SI “ blablabla ….” !
bref, les SEULS perdants : C’EST NOUS !!!