Satellites en Europe : que faire face au « très léger retard d’Ariane »
« Pardon, je me permets de sourire »
Le 14 mars 2023 à 07h08
5 min
Sciences et espace
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La semaine dernière, l'ANFR organisait une conférence Spectre & Innovation, la première depuis la pandémie de Covid-19. Une des deux tables rondes était centrée sur les communications spatiales, au sens large du terme. Il était évidemment question de constellations de satellites... et donc de leur lancement.
Lors de cette conférence, une personne se présentant comme appartenant au ministère des outremers est revenue sur la famille de lanceurs européens, avec Vega (le premier lancement commercial de Vega-C est parti en flamme), Soyouz (plus utilisé depuis la guerre en Ukraine) et « le très léger retard d'Ariane... pardon, je me permets de sourire ». Le vol inaugural d'Ariane 6 a en effet plusieurs années de retard. Si la pandémie a joué un rôle, ce n'est pas la seule responsable.
La participante souhaite donc savoir « comment pourra-t-on, dans les années à venir, lancer depuis l'Europe des mégaconstellations européennes sur un spectre européen sachant que l'Europe est sur les trois océans ? ». Après quelques secondes de blanc, les premières réponses à cette « question pas facile » arrivent par l'intermédiaire de Renaud Vogelsein, « le patron des fréquences » chez Airbus Defense & Space.
Comment lancer des mégaconstellations depuis l'Europe ?
Réponse courte et directe : « Il faut vraiment souhaiter tous ensemble qu'Ariane 6 décolle pour qu'on retrouve une compétition dans le domaine du lancement et un lanceur européen ». Le carnet de commandes – aussi bien pour l'Europe que le compte d'entreprises étrangères comme Amazon qui a signé pour 18 lancements Kuiper – est déjà bien rempli alors que la fusée n'a même pas encore décollé une seule fois.
Renaud Vogelsein ajoute que « IRIS² [Infrastructure de Résilience et d’Interconnexion Sécurisée par Satellites, ndlr] sans Ariane, ça va être compliqué ». Il s'agit pour rappel d'une infrastructure de connectivité souveraine, autonome et sécurisée, qui sera déployée dans l'espace via une constellation de satellites.
Même son de cloche du côté de Jean-Hubert Lenotte, directeur de la stratégie et des ressources chez Eutelsat : « Ariane a été un succès extraordinaire, il faut espérer qu'Ariane continue d'être un succès extraordinaire, mais pour l'instant la passe actuelle est compliquée ».
« On ne va pas attendre que tel ou tel lanceur soit prêt »
Eutelsat nous livre ensuite sa vision d'opérateur : « quand vous êtes obligés de lancer des satellites, vous allez juste utiliser ce qui existe. Le temps est absolument critique. On ne va pas attendre que tel ou tel lanceur soit prêt, notamment pour la future génération de OneWeb [...] On a besoin de lanceurs et on utilisera ce qui est disponible et l'accès à l'espace sera compliqué dans quelques années ».
Nous avons demandé à Jean-Hubert Lenotte si, faute de disponibilités de lanceurs européens, passer par une société américaine comme SpaceX représenterait un risque au niveau de la sécurité ? Pour Eutelsat, « ça ne changerait rien [...] Le satellite, c'est très normé et surveillé ». En ces temps difficiles pour les lanceurs européens, on n'entend plus trop parler du « Buy european act » qui était dans de nombreuses bouches il y a quelques années.
Jeux d'espions et de menaces de destructions
Nous en profitons pour poser une question sur les jeux d'espion dans l'espace, avec des satellites qui s'approchent d'autres satellites... mais on ne sait pas trop dans quel but. Sur ce sujet, notre interlocuteur nous affirme que, « sur le satellite lui-même, il n'y a pas de risque [...] Il n'y a pas d'interception possible des communications, on ne peut pas pirater dans l'espace. Le seul risque, il est plutôt sur les terminaux au sol ».
Il existe néanmoins des risques physiques : « Il ne faut pas qu'il soit pris en otage. La seule chose qui peut être faite, c'est détourner un satellite ou le détruire comme certains l'ont fait ». C'est pour rappel le cas des États-Unis, de la Chine, de la Russie et de l’Inde, avec un de leur propre satellite à chaque fois.
Le but est à chaque fois de montrer au reste du monde que le pays dispose de cette capacité offensive et sait s'en servir. « C'est aussi un jeu où tout le monde se tient par la barbichette, c'est presque un peu l'arme nucléaire dans le principe, car tout le monde a cette capacité aujourd'hui », ajoute Jean-Hubert Lenotte.
Une explosion de projets de lanceurs, qui restera ?
Renaud Vogelsein (Airbus Defense & Space) élargit le sujet : « On voit beaucoup d'initiatives dans le domaine des lanceurs. Lesquelles vont survire, lesquelles vont se développer... c'est une vraie question. Je crois qu'il faut laisser un peu les choses maturer, le marché prendre ses marques et on verra d'ici à quelques années si cette explosion des projets lanceur se concrétise ou pas. Ce n'est pas si facile de tenir sur la durée et de trouver un modèle économique dans le lancement de satellites qui soit pérenne ».
Il est rejoint par Damien Garot, cofondateur et directeur général de la startup Stellar Telecommunications, qui parle des différents projets de lanceurs légers : « l'Europe tente de récupérer son retard par rapport aux américains de Rocket Lab par exemple, ce qui est une bonne nouvelle. Là-dessus, on voit aussi des projets de pas de tirs, notamment à Kourou qui sont mis en place pour permettre à ses microlanceurs européens de pouvoir exister ». Qu'en sortira-t-il ? Impossible à dire pour le moment.
Il rappelle enfin que plusieurs types de lanceurs sont nécessaires pour déployer une constellation de satellites. Les lanceurs lourds comme Ariane 5/6 peuvent amener le gros des troupes (c'est ce que fait SpaceX avec Falcon 9), mais des lanceurs plus petits sont également utilisés pour placer des satellites sur d'autres plans orbitaux en fonction des besoins.
Satellites en Europe : que faire face au « très léger retard d’Ariane »
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Comment lancer des mégaconstellations depuis l'Europe ?
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« On ne va pas attendre que tel ou tel lanceur soit prêt »
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Jeux d'espions et de menaces de destructions
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Une explosion de projets de lanceurs, qui restera ?
Commentaires (17)
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Abonnez-vousLe 14/03/2023 à 09h11
“Le but est à chaque fois de montrer au reste du monde que le pays dispose de cette capacité offensive et sait s’en servir”
Ya un truc que je comprends pas :
Pour rendre un sat inopérant est-ce qu’il ne suffit pas de le “heurter” avec un autre ? Nul besoin de missile, laser, explosif : Juste, les trajectoires étant connues et prévisibles, on envoie un sat sur une trajectoire de collision. Même si il est pas cassé, le fait de l’envoyer valdinguer suffit à le perdre , non ? Les manoeuvres possibles restent très limitées , avec du carburant en quantité limité .
= > N’importe quel état capable de + / - envoyer un truc dans l’espace peux faire ca avec un calcul de trajectoire correct ? Bien sur en orbite géo ce sera plus long…
Le 14/03/2023 à 09h50
si j’ai bien compris ton propos ça revient à lancer un satellite pour en taper un autre.
autant utiliser un missile à priori plus léger. et puis comme ça si t’as besoin de taper 3 satellites, tu utilises 3 missiles.
si tu parles de ne pas utiliser d’explosif mais juste un projectile (monté sur un corps de missile) qui utiliserait son énergie cinétique pour taper dedans, à mon avis un explosif doit être plus efficace au sens où la précision nécessaire pour atteindre le but recherché doit sans doute être plus faible qu’avec un projectile qui devrait taper pile poil au lieu d’exploser à proximité.
edit: autre chose: stratégiquement le missile est aussi plus intéressant car tu crées une incertitude. en face les gens savent pas forcément combien t’as de missiles. si tu utilises un objet en orbite, tout le monde le voit, et il est tout aussi aisément mis “hors service”
Le 14/03/2023 à 10h04
—si tu utilises un objet en orbite, tout le monde le voit, et il est tout aussi aisément mis “hors service”
A condition de manœuvrer, parce que un mobile agressif ne se laissera pas attraper.
— à mon avis un explosif doit être plus efficace
Si des débris de l’explosion touche l’objectif. Il n’y aura pas d’effet de souffle ou il sera très faible, dans le «vide.»
Enfin la création de débris est ensuite un danger pour tous les utilisateurs. On peut les mesurer les suivre, mais commander une explosion en prévoyant son impact etc… j’y crois pas.
Le 14/03/2023 à 09h55
Quelles différences entre un objet propulsé par une fusée et un missile ?
il faut trouver le bon moment pour heurter l’objectif. Tous les objets orbitant sont observés mesurés suivis et des manœuvres d’évitement peuvent être prises.
mettre en œuvre un satellite pour en mettre un autre hors d’usage, c’est une somme d’effort important.
Le 14/03/2023 à 12h04
Note que les satellites cibles ont aussi des capacités de mobilité, que tous les objets autours ou ayant une probabilité d’impact avec le-dit satellite sont surveillés en permanence et donc qu’au moindre risque le satellite est déplacé sur une orbite sans risque.
Il faudrait donc soit quelque chose de très rapide (les manœuvres de satellite prennent quand même un peu de temps), ou quelque chose à la trajectoire assez imprévisible (on rejoint le côté rapide pour le changement brusque de trajectoire par ex), ou quelque chose qui explose et arrose un coin de l’espace avec des débris rapide et/ou trop petits pour être surveillés pour mettre un satellite hors service.
Le 14/03/2023 à 13h59
un peu comme un missile quoi. ^^
Le 14/03/2023 à 10h45
je parle d’une explosion à proximité immédiate.
quant aux débris, les 4 nations citées se sont contrefoutues des conséquences.
les chinois ont régulièrement des retombées non contrôlées d’étages de fusées qui atterrissent à proximité de zones habitées. ils s’en balancent. ^^
Le 14/03/2023 à 14h05
A mon avis, c’est très faux. Vu la vitesse des satellites, si les trajectoires sont différentes, les vitesses relatives sont très rapidement très très importantes, et l’énergie cinétique peut suffire. Nul besoin d’explosif, juste un (petit) objet dont on contrôle la trajectoire
Le 14/03/2023 à 14h07
Il n’y aura aucun souffle, juste des débris émis de l’objet ayant explosé vers celui qui est visé… autant envoyer directement un objet l’un sur l’autre : l’énergie cinétique du premier pourra faire davantage de dégats.
Le 14/03/2023 à 14h21
je ne dis pas que l’énergie cinétique ne suffit pas. je dis que tant qu’à faire, autant maximiser les chances en y plaçant une charge explosive qui diminue de fait la marge d’erreur.
c’est d’ailleurs sans aucun doute ce qu’ont pensé les gens qui dégomment des satellites aux US, en Russie, en Chine et en Inde. bizarrement personne n’a cherché à le faire avec un impacteur.
pour la question d’un satellite tueur de satellite, sans prendre en compte le facteur de l’incertitude stratégique, il est évidemment observable et vulnérable aux mêmes menaces, aka le satellite tueur de satellite tueur.
à la fin ça fait beaucoup de satellites tueurs envoyés et maintenus dans l’espace en préventif, juste au cas où, alors qu’il suffit (pour un coût sûrement beaucoup plus faible) de stocker (ou pas, incertitude) une pile de missiles (combien? va savoir) dans un bunker (où?).
Le 14/03/2023 à 14h23
c ‘est quand même incroyable.
t’as 4 nations qui ont dégommé avec succès des satellites avec des missiles à charge explosive, et tu as le touper de venir nous expliquer que quand même, c’est beaucoup plus efficace avec un impacteur.
comment dire…
Le 14/03/2023 à 20h51
C’est un classique, mais c’est toujours sympa de le rappeler : thanks God for commenters!
Le 14/03/2023 à 14h36
Entre “détruire” et “faire exploser”, il y a un sacré écart. Cet article ne mentionne nullement la méthode utilisée. On peut donc avoir le “touper” de ne pas inventer ce que le texte ne mentionne pas.
Même un fluide pourrait servir d’arme, en projetant un nuage de gouttes sur la trajectoire d’un satellite, tout simplement parce qu’elles gèleraient une fois dans l’espace, formant des objets solides dont la vitesse relative peut largement suffire pour faire des dégats.
Le 15/03/2023 à 08h37
Le 15/03/2023 à 08h47
À mon avis si on veut s’emmerder à avoir des satellites en orbite pour en neutraliser d’autres c’est justement car on ne veut pas les faire sauter en foutant en l’air une orbite avec des débris qui seraient hors de contrôle (eh oui, ce serait ballo de s’autodétruire nos propres satellites quand même)
La proximité physique des satellites permet s’utiliser des moyens non destructifs : du brouillage, de la dégradation style peinture opaque par spray sur les optiques ça peut être marrant, éventuellement de la cuisson des circuits/batteries par induction ou faisceau EM haute puissance, pourquoi pas du remorquage vers une orbite moins gênante voire une désorbitation totale (mais là ça commence à être un peu technique)
Le 15/03/2023 à 21h33
C’est aussi mon avis.
Idem
Tout à fait d’accord avec tes 2 commentaires.
Tu as une source pour ton histoire de dégommage avec charge explosive ?
À mon avis une charge explosive a une efficacité quasi-nulle dans l’espace (sauf à être déjà sur l’objet).
Le 16/03/2023 à 07h32
Effectivement les armes anti satellites sont principalement des projectiles à impact, pas explosifs (ou alors à fragmentation).