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Matières premières critiques : le Parlement européen valide les mesures pour favoriser l’approvisionnement

Le recyclage comme arme de captation

Matières premières critiques : le Parlement européen valide les mesures pour favoriser l’approvisionnement

Le très attendu texte sur l’approvisionnement en matières premières critiques a été voté mardi au Parlement européen. Il s’agit d’un premier train de mesures pour assurer à la fois la souveraineté de l’Europe, mais aussi et surtout les ambitions du Vieux continent en matière d’environnement.

Le 18 décembre 2023 à 17h21

Les députés européens ont voté mardi le Critical Raw Materials Act (CRMA), en préparation depuis longtemps et qui était pour le moins attendu. Le texte ayant recueilli un large consensus, le résultat était sans appel : 549 voix pour, 43 contre et 24 abstentions. Cette version définitive doit encore être approuvée par le Conseil, avant d’être publiée au journal officiel.

Le CRMA est intimement lié aux objectifs climatiques de l’Europe pour les horizons 2030 et 2050. Ces matières critiques (CRM) jouent en effet un rôle crucial dans la transformation actuelle. Or, dans l’immense majorité, ils ne sont ni extraits ni raffinés en Europe, rendant ses membres fortement dépendants de certains pays.

Aujourd’hui, l’Europe présente à elle seule 27 % de la demande en CRM : bismuth, bore, cobalt, cuivre, gallium, germanium, lithium, magnésium, manganèse, graphite, nickel, platine, terres rares, silicium, titane ou encore tungstène sont autant de matières aussi critiques que stratégiques.

Selon la Banque mondiale, les besoins en CRM devraient exploser :+ 500 % d’ici 2050 dans le monde. À la seule échelle de l’Europe, la demande en terres rares devrait être multipliée par 6 ou 7, celle en Galium par 17, celle en lithium par 89.

Parmi les chiffres clés du texte adopté par le Parlement, on trouve les fameux 10 % de la consommation annuelle devant être couverts d’ici 2030 par l’extraction au sein des pays membres de l’Union. Et si le chiffre parait encore bien faible, il représente une forte augmentation, car il n’est actuellement que de 3 %. Ce qui signifie qu’en moins de sept ans, il faudra avoir ouvert les mines idoines. Il suffit d’observer ce qui se passe actuellement au Portugal pour comprendre toute la complexité du problème.

Autres objectifs majeurs, 40 % de la transformation de ces matières critiques doivent être réalisées au sein de l’Union, 25 % de l’ensemble doivent être recyclés et – « surtout » pourrait-on dire – l’approvisionnement d’une matière ne peut pas se faire à plus de 65 % depuis un seul pays. Même sur les 40 %, tout est loin d’être joué : sur les 24 matières premières référencées par le texte, 21 n’atteignent pas cet objectif.

Les ambitions pour 2030 sont donc conséquentes et posent les bases des deux grands axes : la souveraineté de l’Europe en matières critiques et les objectifs très ambitieux posés par les accords de Paris.

Le texte adopté est celui qui a fait consensus le mois dernier au sein du trilogue. Il reprend, dans les grandes lignes, celui qui avait été présenté par la Commission européenne en mars dernier, en rehaussant au passage certains objectifs, notamment sur le recyclage. Les défis sont cependant nombreux, tant par le calendrier serré que par les obstacles à franchir, notamment sur l’extraction.

La transition au prix de l’extraction

Le lithium est l’exemple le plus emblématique, car il est omniprésent. Dans ce domaine, la Chine occupe une place centrale, puisque 60 % environ du lithium raffiné en provient. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le lithium n’est pas un élément rare. L’Europe a de riches gisements, tout particulièrement la France.

C’est ce que l’on a pu voir en début d’année avec la confirmation par le groupe minier Imerys d’un immense gisement à Échassières dans l’Allier. Le groupe estime qu’il serait en capacité d’extraire 34 000 tonnes « d’or blanc » dès 2028. Selon lui, ce serait l’équivalent de 700 000 véhicules électriques. Pourquoi ne pas se lancer rapidement ?

C’est l’un des plus gros problèmes actuellement, si ce n’est le principal : la transition vers une Europe décarbonée se fait par un changement technologique et une électrification massive (notamment des transports), qui eux-mêmes réclament des matériaux critiques. Cet objectif, lorsqu’il est couplé à la volonté de casser la forte dépendance de l’Europe, ne peut avoir qu’un débouché : les mines doivent être ouvertes au sein de l’Union.

Or, ce n’est pas simple. Cette transition tant souhaitée aura elle-même un coût environnemental et social. Comme le rappelait Challenge en début d’année, l'Initiative pour l'assurance d'une extraction minière responsable (Irma), lancée en 2006, impose une grande transparence en France sur ce processus. On n’ouvre pas des mines n’importe où, n’importe comment.

Réduire sa dépendance à des pays comme la Chine ou l’Australie, pour le seul lithium, signifiera divers sacrifices : le paysage bien sûr, mais également l'environnement, car l’extraction minière est un processus polluant et très gourmand en eau. Il faut aussi compter avec les populations locales, qui gouteront bien peu la transformation de leur voisinage en carrière.

Activité minière : l’Europe paierait des « années de négligence »

L’une des grandes questions sur la table est celle de la rentabilité des extractions sur le sol européen. Comme on peut le lire chez Euractiv, plusieurs problèmes sont pointés du doigt par les industriels.

Evangelos Mytilineos, président de l’association commerciale Eurometaux, souligne par exemple que le texte adopté « constitue une marque de reconnaissance décisive de la part des dirigeants européens quant à l’importance cruciale de la production nationale ». Cependant, « la mise en œuvre pratique des objectifs du CRMA visant à stimuler les investissements dans ces matières premières reste toutefois pratiquement inexistante ».

Pourquoi ? Les coûts de l’énergie et d’adaptation aux différentes législations, notamment, rendraient les entreprises européennes moins compétitives que celles de Chine et des États-Unis. Outre-Atlantique, c’est une nouvelle fois l’Inflation Reduction Act de 2022 qui est mis en avant. « Alors que les États-Unis ont réussi à communiquer un climat d’investissement accueillant, l’Europe a involontairement créé un environnement commercial hostile à l’industrie et aux investissements », estime Evangelos Mytilineos. Une situation d’autant plus dommageable selon lui que les investissements américains et européens sont comparables.

Pour l’association commerciale Euromines, l’Europe paye actuellement des « années de négligence ». L’activité minière semble avoir été déconsidérée au profit, pendant longtemps, de livraisons très bon marché de matières premières. Pour le directeur général d’Euromines, Rolf Kuby, l’objectif est clair : « La transition écologique doit commencer dans la mine ». « L’UE doit réapparaître sur le radar du secteur minier, les autorisations pour de nouvelles extractions guidées par les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) doivent être rationalisées, et les États membres doivent tout mettre en œuvre pour aboutir à de nouvelles mines », a-t-il déclaré à Euractiv.

Même la Fédération européenne pour le transport et l'environnement, connue pour ses positions sur la mobilité propre, va dans le même sens. Si sa directrice, Julia Poliscanova, salue un texte allant dans le bon sens, elle pointe également le défi qui attend l’Union : « Il est temps de réconcilier nos ambitions en ce qui concerne le Pacte vert avec la réalité. Cela signifie qu’il faut suivre et développer des chaînes d’approvisionnement en minéraux réellement durables, recentrer notre politique commerciale et soutenir les meilleurs projets avec de l’argent sortant fraîchement des caisses de l’UE. »

Le défi environnemental, économique et politique du recyclage

Une autre part importante du texte concerne le recyclage. Les objectifs ont été revus à la hausse, avec une volonté d’atteindre les 25 % sur les matières premières critiques d’ici 2030. Bien qu’ils n’aient pas été chiffrés, ceux de 2050 seront certainement beaucoup plus importants.

Le recyclage n’a pas seulement un impact environnemental. C’est son utilité première, bien sûr : les matières recyclées n’ont pas besoin d’être extraites. Selon les cas, le coût du recyclage varie, les traitements requis étant plus ou moins chimiques, plus ou moins énergivores. Le silicium par exemple, auquel nous avons récemment consacré un article, peut théoriquement se recycler à l’infini. Mais il faut pour cela le faire fondre, à environ 1 000 °C.

Le recyclage a cependant d’autres aspects. Si l’on prend l’exemple des batteries de voitures électriques, leur production se fait essentiellement en Chine, avec des matériaux extraits et raffinés en Chine. L’entrée de ces batteries sur le territoire européen, soumis aux objectifs révisés du CRMA, permet d’intégrer cette production dans les chaines de recyclage, donc de préserver une part croissante de matériaux qui, sinon, repartent en Chine pour y être recyclés.

Cette question économique risque de devenir politique avec le temps, au fur et à mesure que les gisements seront vidés par une exploitation toujours plus intensive. Le renforcement du recyclage devrait permettre de soulager une partie de la demande en matières critiques, tout en captant une part de celles provenant de l’étranger.

Le cas des batteries est d’ailleurs emblématique de la situation actuelle. Lors de notre visite au CEA à Grenoble, il nous a été expliqué que la chaine de recyclage pour les batteries restait pratiquement à inventer. Pourquoi ? Parce que les batteries usées de véhicules électriques sont encore très rares. L’usure se chiffre pour l’instant en centaines de milliers de kilomètres et trop peu en sont là aujourd’hui.

Commentaires (6)

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Ca n'a aucune viabilité économique si en parallèle sont négociés des traités de libre échange.

Soit on est souverain et on a des frontières fermées/fermables qu'on utilise pour protéger son industrie de la concurrence, soit on fait de beaux discours :)
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Ca tombe en contradiction avec la doctrine de l'UE. Après on est pour ou contre mais elle a été crée pour l'ouverture au commerce.
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Elle a entre autre été créée pour un commerce ouvert (ce n'est pas la cause principale de sa création, rappelons le ;) ).
Mais c'était à une époque où l'en défendait encore l'idée d'une mondialisation heureuse, qui permettrait de mettre fin aux conflits et de promulguer la démocratie au travers de l'économie, par la hausse du niveau de vie des pays.

Bon, plus de 50 ans après, on peut constater que c'est un échec sur tous les plans. Avec en plus une guerre à nos frontières.
Par contre l'idée première de l'UE, soit de fédérer les pays européens autour de valeurs communes, pour éviter de nouveaux conflits sur le continent comme lors de la WWI et la WWII, est toujours d'actualité. Et c'est sur celle-ci que l'on devrait se recentrer.
Et ça passe, mais pas que, par une révision des flux économiques hors UE.

Seulement celui qui dit cela sera traité de réactionnaire... Alors que même l'Oncle Sam post-trumpiste a bien compris que la mondialisation et le libre-échange tels qu'on les concevait jusque là sont voués à l'échec.
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Même sans rentrer dans le débat "ca marche" / "ca marche pas", tu peux essayer de favoriser l'ouverture du commerce (notamment par la normalisation des règles au sein de l'UE et la signature de traités de libre echange où l'UE a un peu + de poids qu'un pays individuelement), tout en mettant en place certaines mesures pour aussi favoriser la production en interne. C'est concurrent, mais pas incompatible ; et il y a fatalement certains domaines qui nécessite les 2.
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C'est clair ... comme toutes les relocalisations que j'ai vue ces derniers temps, je ne vois pas d'intérêt a long terme, juste les subs a court terme. Il faudrait taxer suffisamment à l'importation, pour qu'il y ait un intérêt réel à le faire en Europe.
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Moi, j'en étais resté au marché commun : Communauté du charbon et de l'acier (CECA), Communauté économique européenne (CEE), etc. Le marché commun date des années 1950, l'OMC a été créée seulement en 1994.

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