La NASA établit une liaison laser à 16 millions de km, les essais continuent
Mais pas encore de sabres laser dans l'espace
Mi-novembre, la sonde spatiale de la NASA Psyché a commencé à transmettre des informations via un système expérimental de transmission. Celui-ci utilise un laser proche de l'infrarouge qui devrait permettre d'envoyer beaucoup plus de données depuis des points reculés de l'espace.
Le 27 novembre 2023 à 14h34
7 min
Sciences et espace
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En octobre dernier, la NASA a envoyé, via le Falcon Heavy de SpaceX, sa sonde spatiale Psyché vers l'astéroïde « (16) Psyché ». La sonde devrait parcourir environ 3,5 milliards de kilomètres d'ici l'été 2029 avant de pouvoir l'observer de plus près. Mais Psyché emporte avec elle un nouveau système de communication qui pourrait révolutionner l'observation de l'espace lointain : « Deep Space Optical Communications », DSOC.
Pour l'instant, DSOC ne transmet que des données de tests et ne sera pas utilisé par la NASA pour envoyer les vraies informations de Psyché. Mais ce système doit permettre, s'il est validé, de transmettre et de recevoir des données sur une large bande passante depuis des endroits très reculés du système solaire.
10 à 100 fois plus rapide que les transmissions radio actuelles
Le laboratoire Jet Propulsion de la NASA responsable du système espère augmenter le taux transmission des données de 10 à 100 fois celui des systèmes de radio utilisés actuellement par les agences spatiales.
Comme sur Terre avec la fibre optique, la communication via le laser dans l'espace est effectivement un outil permettant d'accélérer grandement les communications. Mais jusque-là, elle n'a été utilisée « que » dans des missions qui ne dépassaient pas la distance Terre-Lune. La NASA espère pouvoir l'utiliser sur des distances beaucoup plus longues : « cela facilitera les futures missions d'exploration humaine et robotique et permettra d'utiliser des instruments scientifiques à plus haute résolution », explique-t-elle.
Le 14 novembre, la sonde Psyché a donc ouvert le couvercle de DSOC pour que celui-ci capte les premiers signaux venant de l'Observatoire de Table Mountain en Californie. Ces premières informations transmises ont permis à DSOC d'orienter son laser descendant vers Palomar (qui se trouve à 130 kilomètres, au sud de Table Mountain) pendant que les systèmes automatisés de l'émetteur-récepteur et des stations au sol affinaient leur pointage.
Comme l'expliquaient en 2020 les chercheurs Alberto Carrasco-Casado du National Institute of Information and Communications Technology (NICT) de Tokyo et Ramon Mata-Calvo du Centre allemand pour l'aéronautique et l'astronautique, la communication laser de l'espace vers la Terre (et réciproquement) est plus compliqué que lorsqu'on utilise une fibre optique sur Terre.
30 ans de communication optique spatiale
Ces chercheurs expliquent que ce type de liaisons a déjà été testé dans l'espace proche. Dès décembre 1992, le projet Galileo Optical Experiment (GOPEX) de la NASA envoyait déjà de premières impulsions de signaux optiques de la Terre vers la sonde Galiléo (à ne pas confondre avec le système de positionnement européen) à 6 millions de kilomètres de là. En 1994, les Japonais du NICT établissaient, eux, une communication depuis leur satellite ETS-VI vers notre planète.
« Après les années 2000, on a assisté à une succession accélérée d'étapes importantes, notamment les suivantes », égrainent les deux chercheurs :
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- « la première liaison intersatellite entre le satellite géostationnaire ARTEMIS de l'ESA et le satellite français d'orbite terrestre basse SPOT-4 en 2001 ;
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- la première liaison entre une plate-forme à haute altitude (HAP) et le sol par le DLR en 2005 ;
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- la première liaison descendante orbite terrestre basse (en anglais, low earth orbit, LEO) – sol par JAXA et NICT à l'aide du satellite OICETS en 2006 ;
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- la première liaison entre un satellite (ARTEMIS) et un avion en 2006 ;
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- la première liaison descendante LEO-sol par JAXA et NICT à l'aide du satellite OICETS en 2006 ;
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- la première liaison LEO-LEO à l'aide des terminaux LCT de Tesat à bord d'un satellite américain et d'un satellite allemand en 2007 ;
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- la première liaison avion-sol par DLR en 2008 ;
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- la première liaison espace profond-sol à l'aide de la sonde LADEE en orbite autour de la Lune en 2013 ;
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- la première liaison GEO-to-LEO à haut débit (plus de 1 Gbit/s) entre les satellites européens Alphasat et Sentinel 1a en 2014 ;
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- les premières expériences de communication laser et QKD LEO-sol utilisant un microsatellite (SOTA) par le NICT en 2014 ;
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- la première liaison entre ballons par Google en 2015 ;
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- les premières expériences au sol dans des scénarios équivalents à GEO atteignant 172 Tbit/s par le DLR en 2016, et la première expérience d'intrication quantique depuis l'espace par la Chine à l'aide du satellite Micius LEO en 2017 ».
Bref, si l'embarcation de DSOC sur Psyché est l'étape ultime de test pour vérifier qu'il est possible de communiquer grâce au laser jusque dans l'espace lointain, de nombreuses étapes ont dues être passées avant que cela soit possible.
Trois types de difficulté
Les deux chercheurs expliquent que ces communications sont soumises à trois types de difficultés possibles : les pertes géométriques et de pointage dans l'espace, la dégradation du rapport signal/bruit avec le bruit de fond, et les pertes et perturbations des signaux reçus dues aux effets atmosphériques.
Dans leur article, ils expliquent que « les longueurs d'onde courtes de la lumière peuvent produire des faisceaux très étroits, avec une divergence minimale, où l'énergie est bien confinée », ce qui permet une puissance délivrée beaucoup plus importante comparée aux fréquences radio.
Encore plus complexe dans l'espace lointain
En comparant une liaison radio d'une fréquence de 30 GHz (bande Ka) équivalente à une longueur d'onde de 1 cm à une liaison optique avec une antenne/télescope de 40 cm et à une longueur d'onde de 1 μm (bande IR) de Neptune vers la Terre, « le faisceau laser (optique) atteignant la Terre a une taille d'environ un diamètre terrestre, tandis que le faisceau RF a une taille d'environ 10 000 fois le diamètre de la Terre ».
« Cette grande directivité exige une grande précision de pointage », commentent-ils. C'est ce qui explique que les tests de DSCOC par la NASA sont encore incertains et seraient une nouvelle étape dans la liaison laser dans l'espace.
Compenser le temps de trajet
La NASA explique aussi que, dans l'espace lointain, il faut aussi prendre en compte le temps nécessaire à la lumière pour voyager de la sonde à la Terre sur de grandes distances. « À la distance la plus grande entre Psyché et notre planète, les photons proches de l'infrarouge du DSOC mettront environ 20 minutes pour revenir (ils ont mis environ 50 secondes pour aller de Psyché à la Terre lors du test du 14 novembre). Pendant ce temps, le vaisseau spatial et la planète auront tous deux bougé, et les lasers de liaison montante et descendante devront donc s'adapter au changement de position », explique le laboratoire Jet Propulsion.
Pour Abi Biswas, un des responsables du projet DSOC, « l'obtention de la première lumière est une réussite extraordinaire. Les systèmes au sol ont détecté avec succès les photons laser de l'espace lointain émis par l'émetteur-récepteur de vol du DSOC à bord de Psyche. Nous avons également pu envoyer des données [...] depuis et vers l'espace lointain ».
La NASA établit une liaison laser à 16 millions de km, les essais continuent
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10 à 100 fois plus rapide que les transmissions radio actuelles
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30 ans de communication optique spatiale
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Trois types de difficulté
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Encore plus complexe dans l’espace lointain
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Compenser le temps de trajet
Commentaires (17)
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Abonnez-vousLe 27/11/2023 à 14h44
On est d'accord... Ça ne marche pas s'il y a "un truc" au milieu du faisceau ? Ça ne doit pas simplifier les choses...
Le 27/11/2023 à 14h47
Bonne question..
Le 27/11/2023 à 16h00
Le 27/11/2023 à 16h39
Le 28/11/2023 à 13h30
Le 27/11/2023 à 14h50
Le 27/11/2023 à 15h03
Le 27/11/2023 à 15h10
Le 27/11/2023 à 15h10
Le 27/11/2023 à 15h02
Le 27/11/2023 à 16h36
Même avec les effets de l'atmosphère sur la liaison montante, la dispersion devrait être suffisamment faible pour rendre plus difficile les interceptions
Mais comme le dit "neibaf69", le blocage sera encore plus "facile" (se mettre entre l'émetteur et un satellite ce n'est pas aisé)
Le 27/11/2023 à 16h47
Voir impossible. Il n'aura pas la même orbite donc tournera à une vitesse différente.
Le 27/11/2023 à 17h26
Modifié le 27/11/2023 à 19h28
La bande Ka peut aussi avoir des antennes avec une ouverture minimale, pas besoin de passer en IR pour ça...
je veux dire, en concentrant le faisceau (passant d'une antenne omni à une antenne-patch directionnelle avec 8° d'ouverture), on arrive déjà a envoyer du wifi 5GHz à presque 5km...
Le 27/11/2023 à 22h27
Avec tes 8° d'ouverture, sin(8°) = 0.14
Je dirais grossièrement qu'ils sont 500 000 fois plus directifs; à la louche hein.
Le 28/11/2023 à 12h53
1000 microns de longueur d'onde on est à 300THz, donc même dans le cas idéal avec une antenne gigantesque pour avoir une onde la plus plane possible tu seras 60'000 fois plus directif en optique
Le 28/11/2023 à 10h31