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Devant le sénat, le président du CNES Philippe Baptiste plaide pour une station spatiale européenne

ESS ?

Devant le sénat, le président du CNES Philippe Baptiste plaide pour une station spatiale européenne

Le 19 mai 2023 à 14h35

Philippe Baptiste a répondu aux questions des sénateurs ce mercredi 17 mai. À cette occasion, il a entre autres plaidé pour la réouverture de discussions sur la construction d'une station spatiale européenne à travers une collaboration entre les agences spatiales et les industriels européens du secteur.

La commission des affaires économiques du sénat a auditionné, ce mercredi 17 mai, Philippe Baptiste, président du CNES. Le climat est tendu entre virage vers l'aide au « newspace » français, constat de vétusté de son centre toulousain par la Cours des compte et reports à maintes reprises du premier lancement d'Ariane 6.

Devant les sénateurs et sénatrices, le président du CNES a abordé les sujets actuels du spatial et a plaidé pour une réouverture du débat sur la création d'une station spatiale européenne. L'audition intégrale peut être réécoutée sur le site du sénat.

Une station spatiale européenne ?

S'appuyant sur l'ouverture du débat sur le futur de l'exploration humaine européenne par Emmanuel Macron au Sommet européen sur l'Espace de 2022, Philippe Baptiste veut que les discussions sur la création d'une station spatiale européenne soient réouvertes.

Selon le président du CNES, la question a bien évolué depuis la création de la station spatiale internationale (ISS) il y a plus de 20 ans, et qui est aujourd’hui en fin de vie. Alors que le coût de celle-ci était de plus de 100 milliards de dollars, « les ordres de grandeurs n'ont plus rien à voir » et « de nouveaux projets développés par des entreprises, essentiellement aux États-Unis, sont de l’ordre de quelques milliards ».

L'Europe est donc face à un choix sur cette question des vols habités. Pour Philippe Baptiste, nous avons trois options. L'Europe peut décider de ne plus envoyer d'astronautes et « on fait une croix sur les vols habités ». Elle peut en envoyer vers des stations américaines privées avec un modèle qui ne sera plus de l’apport technique contre du temps de vol, mais le paiement des places des astronautes. Enfin, il y a la création d’une station spatiale européenne.

« Je me demande si nous n'aurions pas intérêt, en Europe, de mener, avec nos grands industriels comme Airbus, Thalès et OHB ou d'autres, le même dialogue que la NASA a mené avec les industriels américains, pour avoir demain une station spatiale européenne », plaide-t-il.

Si cette question se pose pour la création d'une station spatiale, Philippe Baptiste évoque aussi la possibilité de se rabattre vers un « lanceur qui pourrait être un Ariane 6 "Human rating" [certifié pour le transport humain, ndlr] ou d'autres projets, où l'on serait capable de lancer nos astronautes de Kourou ».

Dynamique incroyable des efforts spatiaux des États, y compris la France

Sur le sujet des budgets alloués au secteur actuellement, le président du CNES juge qu'il y a « une vraie mobilisation du gouvernement pour le spatial ». Il se réjouit que la France ait annoncé l'année dernière trois milliards d'euros et que celui de l'agence spatiale européenne (ESA) soit en hausse de 3,2 milliards d’euros. Mais il pointe aussi que celui du spatial américain (civil et militaire) atteint maintenant 70 milliards de dollars, contre 17 milliards d'euros pour l'ESA... sur trois ans. Celui du CNES est de 2,6 milliards d'euros par an, « beaucoup d'argent », concède-t-il devant une commission qui n'a pas que le spatial en tête.

Philippe Baptiste précise que « nous sommes dans une dynamique absolument incroyable de relance des efforts spatiaux des états et en particulier dans une compétition entre la Chine et les États-Unis. Le budget américain était plutôt de l'ordre des 50 milliards de dollars il y a deux ans [...] Pour le budget chinois, on a une vision plus "parcellaire" de l'effort ».

Dans ce contexte, le président du CNES juge l'annonce par Elisabeth Borne – 9,2 milliards d'euros pour le spatial sur les trois prochaines années, « une augmentation de 25 % par rapport aux années précédentes » – comme une « vraie mobilisation du gouvernement, aussi bien sur les sujets de défense que sur ceux de développement économique et de sciences ». Il ajoute que « ça fait de la France, d'assez loin, la première puissance spatiale européenne en termes d'engagement budgétaire ».

Malgré cela, l'Allemagne reste quand même en tête du financement de l'ESA avec 3,5 milliards d’euros (+ 6 %), suivi par la France avec 3,2 milliards (avec une belle augmentation de 23 %), la France ayant choisi de continuer à financer de façon importante son agence nationale.

New space made in France

Au niveau industriel aussi, la France est, selon lui, loin devant, un peu plus de 50 % de l'industrie spatiale européenne dans nos contrées. De plus, le « newspace » est une grande priorité pour la France. «  On est passé de quelques startups venant de la techno très biberonnées par le milieu, et on en est très fier, à une nouvelle startup du spatial par semaine ». Si cet écosystème se contracte quand même un peu en ce moment, il y a désormais un cercle vertueux. « Il y a de nouveaux entrepreneurs qui viennent, avec des nouvelles idées, qui viennent du monde du numérique ou d'autres secteurs, qui sont non pas dans l’orfèvrerie, mais dans la petite série », explique Philippe Baptiste, « ce qui bouleverse la manière de faire ».

Évidemment, on ne parle pas ici de la fabrication d'un sismomètre pour l'exploration de Mars, mais plutôt des enjeux des télécommunications et des minisatellites en orbite basse.

Le cas des lanceurs européens

La question des lanceurs est « sans doute le point le plus compliqué » de l'Europe spatiale actuellement, de l'aveu du président du CNES. « Nous sommes passés d'une situation de trois lanceurs disponibles à un dernier lancement possible d’Ariane 5 cette année », constate-t-il.

En cause, le retrait de Soyouz de Kourou par la Russie, l'échec de Vega-C mais aussi, évidemment, le retard pris par Ariane 6. « Les grandes difficultés ont été résolues, ce qui ne veut pas dire que tout l'est et qu’il n'en existera pas d’autres », estime un Philippe Baptiste  « plutôt relativement optimiste » (sic). « Le planning a été tenu ces derniers mois, ce qui n’était pas le cas avant » ajoute-t-il. Mais le président du CNES avoue aux sénateurs ne pas être capable de leur donner une date de tir.

La priorité pour la France sur ce sujet est la réussite du premier lancement d'Ariane 6. Ensuite il s'agira de réussir la montée en cadence industrielle. « Entre réussir un vol et réussir neuf ou dix par an, ce n'est pas le même problème » rappelle-t-il.

À côté d’Ariane 6, il s’est engagé une compétition de mini/micro lanceurs comme Maia d'ArianeGroup. Mais, pour le patron du CNES, cette compétition n'a pas été vraiment engagée par la France. Si celle-ci doit s'y engager, selon lui, ce n'est pas pour ce segment en lui-même, mais parce que « c’est un moyen d’entrer dans le marché et de démontrer des produits, par exemple pour le réutilisable. Maia et des petits lanceurs nous permettront de démontrer qu’on en est capable. »

Débris spatiaux

La question des débris spatiaux et de leur gestion a été abordée par les sénateurs. Philippe Baptiste a confirmé qu' « un certain nombre d’orbites deviennent encombrées, en particulier l’orbite basse. Il y a des risques de collision, mais aussi des destructions volontaires ».

Cette question pose aussi celle de la régulation du trafic dans l'espace. Pour l'instant, « nous ne sommes pas dans une organisation qui existe dans l’aérien. Il y a beaucoup de choses qui se font de manière très très artisanale », explique-t-il. La nécessaire économie de carburant dans l'espace, où on ne peut pas se ravitailler si facilement, rend les choses délicates : un décalage d'orbite pour éviter un autre satellite met en jeu la durée de vie du matériel. Selon Philippe Baptiste, l'Europe est plutôt en avance en matière de réflexion sur la régulation du trafic spatial.

Côté désorbitation de satellites inactifs, s'il y a des acteurs qui en parlent aujourd'hui, pour lui, « c’est intéressant, mais ça va couter très cher, on est plutôt dans des démonstrations, de la R&D ».  Philippe Baptiste ajoute qu' « entre désorbiter un satellite inactif et un satellite non coopératif pour des enjeux de défense, ce n'est pas très loin… C'est probablement aussi une des raisons de l'engouement qu'il peut y avoir sur ce questionnement. Je ne pense pas qu'on va régler le problème des débris en allant mettre en place des solutions de désorbitage spécifiques ».

Les problèmes RH du CNES

Le sénateur Bernard Buis et la sénatrice Micheline Jacques ont évoqué les difficultés de RH du CNES pointées par la Cour des comptes. En effet, celle-ci a indiqué que les effectifs du centre vieillissent (33 % des effectifs auront atteint l’âge de 62 ans d’ici 2025) et que le taux de turnover des moins de 35 ans atteint 24 %.

Le président du CNES a confirmé ce problème, faisant remarquer que les effectifs du CNES étaient peu nombreux et qu'ils concentraient des personnes « très compétentes sur des sujets très pointus », plus difficiles à remplacer que pour d'autres profils.

Concernant les jeunes, l'« engouement du côté du privé fait que les salaires augmentent », et les niveaux de salaires au CNES ne sont pas ceux des entreprises du secteur, argue-t-il.

Les sénateurs n'ont, par contre, pas questionné Philippe Baptiste sur la vétusté du centre toulousain, pourtant évoquée par la Cour des comptes dans un rapport séparé.

Commentaires (8)

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D’une station internationale, nous passerions à une station européenne ?
Pourquoi suivre le mauvais exemple de repli sur soi des régimes nocifs pour l’humanité ?



Osons le pari d’encore croire à une coopération internationale !
Aucun problème pour être moteur, à condition de bien laisser la porte ouverte, ce qui ne semble pas être le projet, vu le nom.



Cette coopération peut potentiellement créer des ponts. La sacrifier est l’assurance de ne plus que se défier. Triste.

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Une station européenne, ce serait du beau n’importe quoi, un gâchis financier, peu de résultats scientifiques, comme l’a été la station internationale. Il faut mobilier les moyens du CNES et des autres pays européens sur ce qui est vraiment utile, les missions scientifiques, comme Euclide, qui ont une grosse importance scientifique, et aussi développer des lanceurs fiables et à bas coût, réutilisables, qui nous manquent cruellement aujourd’hui. Pas à gaspiller de l’argent.



https://www.esa.int/Space_in_Member_States/France/Euclid_une_mission_destinee_a_percer_les_mysteres_de_l_energie_noire_et_de_la_matiere_noire

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Qu’il y ai une station internationale ou 3 stations (américaine, chinoise et européenne) ne me choque pas plus que ça. Ça pourrait permettre de mettre un place un peu plus de sécurité en cas de problème sur une des stations, ses occupants pouvant s’ejecter via des modules de secours compatibles vers les 2 autres.
Ce qui me fait le plus douter c’est la compétence européenne à réaliser ce projet en bonne entente sans que les pays concernés n’entrent dans une mauvaise compétition politicarde qui ruine encore une fois tous les espoirs…
Au USA ce sont des entreprises privées qui ont relancé la course à l’espace, mais quand il faut payer pour en choisir un ça reste la NASA, organisme fédéral, qui s’en charge. Je ne sais pas si l’ESA est aussi puissante et “libre” pour jouer dans la même cour…

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Tu as trop regardé Gravity toi :windu:
Je ne suis pas sûr que ce soit aussi simple que ça, voire, pas du tout convaincu que les systèmes d’amarrage ou ne serait-ce que les protocoles d’approches soient standardisés ;)

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J’ajouterais surtout que les différentes stations spatiales se déplacent à quelques dizaines de milliers de km/h dans des directions différentes, en passant les unes près des autres au mieux à des milliers de km de distance (et heureusement).

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micromy a dit:


Je ne sais pas si l’ESA est aussi puissante et “libre” pour jouer dans la même cour…


Libre, je pense que oui, puissante non. Le budget de l’ESA est 10 fois inférieur à celui de la NASA (3 ou 4 milliards contre une 40aine de mémoire). Mais la NASA est aussi vue comme une vache à traire par les industriels privés, donc je suis pas certain que le modèle soit efficient aussi les concernant.

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Le budget de l’ESA n’est pas aussi bas que 3 ou 4 milliard / an, ça c’est la future contribution française… :mdr:
D’après Wikipedia et ses sources, il était de 7,15 Md€ l’année dernière et il devrait passer à 16,9 Md€ pour les 3 années en cours.

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Mes souvenirs m’ont trompé, merci pour la correction.



Dans tous les cas, l’ordre de grandeur par rapport à la NASA est sans comparaison.

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