« Je suis stupéfait par cette méthode, en catimini [...] je trouve cela choquant [...] c'est suspect, cela ressemble à une manipulation politique » a réagi vivement le sénateur Bruno Retailleau (LR).
Raison de ce courroux ? Le gouvernement a déposé un amendement visant à instaurer un vote par anticipation pour les présidentielles de 2022, qui se ferait via des machines à voter.
Dans le cadre du projet de loi organique pour l’élection du Président de la République, l’exécutif entend permettre aux électeurs de voter par avance depuis une autre commune « de leur choix », parmi une liste fixée par le ministre de l’Intérieur.
« Ce vote par anticipation a lieu à une date fixée par décret, durant la semaine précédant le scrutin. [Il] est effectué sur une machine à voter, dont les suffrages sont dépouillés en même temps que les autres bureaux de la commune, afin d’éviter les risques de fraude ou d’influence sur le vote des autres électeurs » explique l’exécutif.
Avis non partagé dans les camps LR. « Ça crée une rupture d’égalité car les gens habitant les villes pourraient avoir l’occasion de voter un mercredi, puis un dimanche », contrairement aux personnes vivant dans les zones rurales, relève Bruno Retailleau sur Public Sénat.
L’amendement ayant été déposé au fil des débats, mais non dans le projet initial, il n’est donc pas astreint à une étude d’impact.
« Cette nouvelle modalité de vote proposée par le gouvernement est une fausse bonne idée car elle n'est pas d'une fiabilité absolue et risque de remettre en cause la sincérité et la légitimité du scrutin présidentiel, clef de voûte de nos institutions » réagit Stéphane Le Rudulier (LR), rapporteur du projet de loi organique.
« Bricolage. Grave atteinte aux règles démocratiques ! » renchérit Philippe Bas (LR). « Comprenons-nous : il ne s’agit pas de vote électronique à distance mais de "machines à voter" remplaçant l’urne dans les bureaux de vote et, surtout, d’organiser ce type de vote quelques jours avant la fin de la campagne, alors que des événements majeurs peuvent encore se produire ».
Selon l'article L. 57 - 1 du code électoral, ces machines à voter peuvent déjà être utilisées dans les communes de plus de 3 500 habitants figurant sur une liste fixée, dans chaque département, par arrêté préfectoral.
Cependant, depuis 2008, un moratoire interdit à toute nouvelle commune de s'équiper de machines à voter. Et l’Intérieur s’en était expliqué en juillet 2019.
Il citait notamment les observations du Conseil constitutionnel produites en 2007, selon qui « l'utilisation [des machines à voter], qui rompt le lien symbolique entre le citoyen et l'acte électoral que la pratique manuelle du vote et du dépouillement avait noué, se heurte aussi à une résistance psychologique qu'il convient de prendre en compte ».
Ce moratoire de 2008 « restreint l'utilisation des machines à voter aux seules communes qui avaient opté pour cette modalité à cette date », prévient cette page du ministère, soit une soixantaine de villes. L'exécutif pourrait néanmoins décider de le lever dans le contexte pandémique, comme l'a plaidé encore récemment ce sénateur centriste.
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