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La « reconnaissance faciale rétrospective » a explosé de 330 % l’an passé au Royaume-Uni

Une rétrospection sur la rétrospective

La « reconnaissance faciale rétrospective » a explosé de 330 % l'an passé au Royaume-Uni

Le 26 septembre 2023 à 05h50

Une enquête de Liberty Investigates révèle que le nombre de recherches utilisant une forme de reconnaissance faciale rétrospective (RFR) pour comparer des suspects d'infractions avec la base de données nationale de la police (PND) britannique – qui contient plus de 16 millions d'images de personnes arrêtées – a augmenté de 330 % l'an passé.

« Immense potentiel » et « impact énorme »

13 des 43 forces de police territoriales du Royaume-Uni ont nié avoir eu recours à la RFR en 2022, mais les chiffres du ministère de l'Intérieur montrent qu'elles ont effectué des milliers de recherches. La semaine dernière, Chris Philp, le ministre de la police, a en effet reconnu que les 43 forces de police territoriales britanniques y avaient recours. Il ajoute qu'il s'attendait à ce que cette technologie ait « un impact énorme sur notre capacité à enfermer les criminels ».

Le commissaire de la police métropolitaine, Sir Mark Rowley, a pour sa part déclaré que cette technique avait un « immense potentiel » et qu'elle pourrait transformer la lutte contre la criminalité de la même manière que l'ADN il y a une trentaine d'années.

85 000 recherches RFR en 2022… plus de 130 000 en 2023 ?

Les données divulguées à Liberty Investigates montrent que le nombre de recherches RFR dans la base de données nationale effectuées par les forces de police l'année dernière s'élève à un peu plus de 85 000, soit plus de trois fois plus qu'en 2021. Les chiffres des quatre premiers mois de l'année suggèrent que le total de cette année est en passe de dépasser les 130 000, soit une nouvelle augmentation annuelle de 52 %.

Les photos contenues dans la PND (base de données nationale de la police britannique) ont été comparées aux images de suspects provenant de systèmes de vidéosurveillance et « vidéoprotection », mais également de téléphones portables et de sonnettes dotées de caméras.

Interrogées sur le nombre d'arrestations effectuées à l'aide de la RFR, les forces de l'ordre ont cela dit répondu qu'elles ne disposaient pas de telles données. Scotland Yard n'en a pas moins révélé avoir déjà étendu l'utilisation de la technologie aux « affaires non résolues », pour voir si des personnes jusqu'alors non identifiées pourraient être retrouvées.

De nouveaux algorithmes plus efficaces 

La forte augmentation de l'utilisation de cette technologie serait due, au moins en partie, à l'introduction, depuis novembre 2021, de nouveaux algorithmes permettant d'effectuer des recherches plus efficaces dans le PND.

Dans un discours prononcé la semaine dernière devant la Police Superintendents Association, M. Philp a déclaré qu'il avait vu le système être utilisé pour faire correspondre des suspects avec des images de caméras de vidéosurveillance de mauvaise qualité, dont il avait supposé qu'elles ne fournissaient aucune piste. M. Philp a déclaré aux officiers : « J'encourage vivement quiconque à essayer de récupérer chaque image [et] de la passer au crible de la base de données PND, car il est fort probable que vous obtiendrez un résultat ».

Le ministère de l'Intérieur a déclaré que la reconnaissance faciale aidait la police à lutter contre les crimes graves, notamment les meurtres, les viols, l'exploitation sexuelle des enfants et le terrorisme. Un porte-parole a ajouté : « Les nouvelles technologies sont essentielles pour améliorer l'efficacité de la police et nous sommes favorables à ce que davantage de forces de police utilisent la reconnaissance faciale, d'une manière juste et proportionnée ».

Manque de transparence et conservation des données

Fraser Sampson, le commissaire du gouvernement chargé de la biométrie et des caméras de surveillance, qui a pour mandat de veiller à ce que l'utilisation de la reconnaissance faciale soit légale et proportionnée, a déclaré que le niveau de transparence autour de cette technologie était loin d'être suffisant, ajoutant : « Il est presque impossible pour le citoyen de comprendre qui utilise quoi pour surveiller qui ».

L'un des principaux problèmes posés par la technologie rétrospective tient au fait que le PND et d'autres bases de données des forces de l'ordre contiennent des images d'un grand nombre de personnes dont les données ont été conservées bien qu'elles n'aient jamais été inculpées ou qu'elles aient été par la suite innocentées de toute accusation, souligne Liberty Investigates : 

« Bien que la Cour d'appel ait statué, il y a plus de dix ans, que la conservation de ces images était illégale, il a été constaté à plusieurs reprises que les forces de l'ordre conservaient ces données indéfiniment. Selon les règles en vigueur, le seul moyen pour une personne innocente de s'assurer que son image ne figure pas sur le DP est de demander officiellement qu'elle soit retirée. »

En 2021, M. Sampson déplorait à ce titre que les forces de police britanniques continuaient à « conserver indéfiniment la grande majorité de leurs images de garde à vue, que la personne ait été ou non condamnée pour un délit ».

Big Brother Watch, une ONG de défense de la vie privée, souligne de son côté que l'un des prédécesseurs de M. Sampson avait estimé que le PND contenait des « centaines de milliers » d'images de garde à vue de personnes innocent(é)es, ajoutant que le ministère de l'Intérieur n'était pas en mesure de dire combien d'images illégalement détenues demeuraient dans la base de données.

Il estime même que des « millions » de ces images avaient été conservées à tort, et que des défauts dans la technologie RFR pourraient conduire à ce que ces individus soient identifiés à tort comme suspects.

Liberty Investigates précise que les forces de police insistent depuis longtemps sur le fait que les systèmes informatiques existants obligent à supprimer individuellement les images de garde à vue et qu'elles ne disposent pas des ressources nécessaires pour éliminer toutes les données conservées à tort, malgré un avertissement privé du National Police Chiefs Council (NPCC) l'année dernière, selon lequel ce manquement pose un « problème dans notre utilisation de ces images pour des technologies telles que la reconnaissance faciale ».

Commentaires (6)

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J’ai beau refaire quelques calculs de coin de table, je ne retombe pas sur une augmentation de 330% sur 1 an.

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Je ne sais pas comment tu fais ton calcul sans avoir les chiffres :transpi: (le nombre de recherches de 2021 n’étant pas donné).



Par contre, il y a une incohérence dans les chiffres (elle est aussi dans la source) :




a augmenté de 330 %



plus de trois fois plus qu’en 2021


Faut savoir, une augmentation de 330 %, ça correspond à plus de quatre fois plus…

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Ça me rappelle que trop le fichier des honnêtes citoyens.
C’est un vrai problème , la rétention de données lors des enquêtes lorsqu’il y a élargissement des cercles de suspects. On se retrouve avec des fichiers remplis d’innocents qui ressortent n’importe ou n’importe quand.
C’est hors de contrôle.

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En France au moins, la conservation des images est encadrée en terme de durée (sauf décision de justice, pas de police), normalement.

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Je n’en suis pas si sûr, il faudrait demander à l’expert.




manhack a dit:


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(reply:2155075:Mihashi) nombre de recherches RFR dans la base de données nationale effectuées par les forces de police l’année dernière s’élève à un peu plus de 85 000, soit plus de trois fois plus qu’en 2021
–> j’ai donc fait 85000 / 3 pour avoir les chiffres de 2021.


La « reconnaissance faciale rétrospective » a explosé de 330 % l’an passé au Royaume-Uni

  • « Immense potentiel » et « impact énorme »

  • 85 000 recherches RFR en 2022… plus de 130 000 en 2023 ?

  • De nouveaux algorithmes plus efficaces 

  • Manque de transparence et conservation des données

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