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Au Sénat, l’échéance pour (mieux) couvrir les zones blanches reportée à 2020

Équilibrisme sur pylône

Au Sénat, l'échéance pour (mieux) couvrir les zones blanches reportée à 2020

Le 02 mars 2018 à 08h46

La proposition de loi de Patrick Chaize, destinée à protéger les réseaux fibre ruraux des collectivités, prévoit désormais de repousser de quatre ans l'échéance pour couvrir les zones blanches. En échange, les opérateurs seraient censés assurer une très bonne couverture, y compris en intérieur. Le gouvernement doit encore y donner son précieux feu vert.

Fin 2016, les opérateurs mobiles devaient avoir couvert l'ensemble des zones blanches, c'est-à-dire les centres bourgs de communes où aucun appel n'est possible en extérieur. L'État devait fournir les terrains et les pylônes, pour qu'un opérateur y installe une antenne servant à tous. Plus d'un an après l'échéance, des centaines de communes sont toujours sans réseau (voir notre analyse).

À la mi-janvier, le gouvernement et les opérateurs mobiles ont signé un accord promettant la 4G (quasi) partout en 2020 (voir notre analyse). Il doit aussi amener une redéfinition des zones blanches, en exigeant une meilleure couverture, notamment en intérieur. Au Sénat, une proposition de loi pourrait inscrire dans le marbre cette obligation d'un meilleur réseau en zones rurales, tout en repoussant son échéance.

Déposée fin novembre par Patrick Chaize, pour protéger les réseaux d'initiative publique (amenant la fibre dans les zones rurales), elle a été revue le 21 février en commission d'aménagement du territoire au Sénat (PDF). Son article 11 repousse ainsi la couverture des zones blanches de fin 2016 à la fin 2020, en contrepartie d'une « très bonne couverture » de ces zones, c'est-à-dire à l'intérieur des bâtiments.

Il s'agit d'une initiative, assure le sénateur. « On change complètement d'environnement. L'objectif 2020 se comprend dans le cadre d'une nouvelle définition. Les centaines de communes déjà identifiées seront traitées en urgence » nous promet-il. Le texte s'adapte à l'accord mobile du gouvernement, dont l'approbation sera déterminante pour le vote à l'Assemblée.

Un mode de couverture à réformer

Pour le parlementaire, le passage le 6 mars en séance publique au Sénat ne devrait pas être des plus compliqués. La couverture mobile est une des grandes préoccupations de certains sénateurs. « Il y a une adhésion assez forte au texte », peu modifié en commission, pense Patrick Chaize.

« C'est un sujet qui intéresse les parlementaires, avance-t-il. On l'avait constaté dans le cadre de la loi Montagne, qui avait interpellé un grand nombre de collègues. Je n'ai pas voulu laisser le terrain vierge. » Les collectivités, que Patrick Chaize représente via une association, l'Avicca, militent pour avoir leur place dans l'aménagement numérique du territoire, réclamant de nombreuses précisions sur l'accord mobile de la mi-janvier.

Cette poignée de mains entre État et opérateurs pourrait aussi signer une révision majeure de France Mobile, la plateforme par laquelle les élus remontent les problèmes aux opérateurs depuis fin 2016.

Si elle aide bien à identifier les trous des réseaux, plus de 80 % des demandes sont rejetées par les opérateurs. Un problème, admettait la responsable de l'outil à l'Agence du numérique, que Patrick Chaize explique par la définition très limitée de zones blanches, qu'il veut donc revoir.

Avec le nouvel accord, France Mobile tombe-t-il aux oubliettes ? Non, répond le sénateur, qui promet des nouvelles à son sujet dans les prochains jours. « Le pli [de signaler les problèmes] commence à être pris par les collectivités territoriales, qui ont compris qu'on pouvait faire remonter l'information. Ce serait vraiment dommageable qu'au moment où l'avion décolle, on le fasse atterrir pour le mettre au fond d'un hangar » estime-t-il.

Des changements sur l'Internet fixe

Le but premier de la proposition de loi est de protéger, aujourd'hui, les réseaux publics des collectivités. Son dépôt en novembre réagissait à la promesse de SFR de fibrer tout le territoire lancée cet été (et abandonnée en fin d'année). Pour son auteur, le texte doit aussi prémunir tout bouleversement à cinq ou dix ans, par exemple un opérateur qui s'attaquerait à rebours aux zones rentables des réseaux publics (déjà exclus des grandes villes), en brisant leur économie.

En commission, un article a été ajouté sur la taxation des réseaux fixes. Dans sa version initiale, la proposition de loi posait qu'une fois qu'un réseau fibre est finalisé dans une zone, la taxation du cuivre (ADSL) bascule sur le nouveau. La transition est déclenchée par l'attribution du statut de « zone fibrée », déjà vidée de sa substance par l'Arcep.

Le problème est simple : la « zone fibrée » est purement symbolique, et enclencherait en sus une taxation du réseau. Il y a de quoi décourager sa demande par une collectivité ou un opérateur, admet Patrick Chaize. Rustinée en commission, la proposition de loi établit désormais que le régulateur des télécoms, l'Arcep, attribuera de lui-même ce label « zone fibrée » sans demande. Problème réglé.

L'étape incertaine de l'Assemblée nationale

Dans un avenir proche, la proposition de loi devra encore obtenir l'assentiment du Sénat et de l'Assemblée nationale. Pour cette dernière étape, « la vraie question sera la position du gouvernement », lance notre interlocuteur. Sans son soutien, le texte risque fortement de passer à la trappe.

« Ce qui gêne le gouvernement, c'est le fait que le futur Code européen des télécommunications est en débat. Mon texte s'est largement inspiré des travaux de la Commission européenne, il est en totale cohérence avec » pense le sénateur. Pourtant, « d'ici à ce que le Code européen soit publié, on aura le temps de s'y adapter » au besoin.

La notion d'overbuild du futur Code des télécoms est l'une des bases du texte du sénateur, pour empêcher un opérateur de poser sa fibre en parallèle de celle d'une collectivité, ou d'un concurrent privé dans les zones de coinvestissement. Le sujet pourrait donc être traité au niveau communautaire.

Les turbulences de l'an dernier sur la fibre étant passées, à quoi sert donc ce texte ? « Je refuse l'idée que certains veulent défendre, notamment les opérateurs, qui est que ce texte n'a plus d'intérêt parce qu'il a déjà eu ses effets » sur le marché, répond le sénateur.

Pour les opérateurs, leur nouvel équilibre sur le fixe et le mobile n'amène pas à de nouvelles contraintes. Tout est apaisé. Pour Chaize, cet équilibre est justement trop fragile. De cas de déploiements en doublon à La Réunion aux dragues de collectivités par des opérateurs (depuis quelques années), « il n'y en a pas un pour racheter l'autre. Ils veulent tous de la liberté pour faire leur petit marché, taquiner, voire déstabiliser. Je veux arrêter ça, en écrivant leurs promesses ».

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