Ce que prévoit la proposition de loi Sécurité globale, version Sénat
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Premier de la série, l’article 20 offre déjà aux agents de la police municipale la possibilité de visionner et d’accéder aux images des caméras installées sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public.
Le 23 mars 2021 à 14h24
20 min
Droit
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Pour 238, contre 98. Après les députés, le Sénat a adopté la proposition de loi relative à la sécurité globale. Notre panorama des mesures adoptées, corrigées, adaptées par la chambre haute du Parlement et désormais soumis à l’arbitrage de la Commission mixte paritaire.
Ne parlez plus de proposition de loi relative à la sécurité globale, mais « proposition de loi pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés ».
Nouveau nom adopté par le Sénat suite à cet amendement des rapporteurs Jean-Philippe Daubresse et Loïc Hervé, qui ont souhaité « traduire l'esprit de la loi, telle qu'elle résulte des travaux du Sénat, qui entend restaurer la confiance des citoyens dans les forces de sécurité, en renforçant les moyens de leur action quotidienne tout en garantissant le respect des droits des personnes ».
Comme déjà vu à l'Assemblée nationale, le texte sécuritaire est très vaste. Ses premiers articles visent par exemple, à titre expérimental sur cinq ans, à autoriser les communes à doter leurs agents de police municipale et gardes champêtres à exercer des compétences de police judiciaire. D’autres concernent le secteur de la sécurité privée. C’est aussi sur le terrain des nouvelles technologies que la mise à jour législative est ambitieuse… ou téméraire.
Son titre III concerne la vidéoprotection et la captation d’images. Un secteur sensible puisque par définition, les images filmées par les dispositifs sécuritaires drainent autant des données personnelles, et possiblement même des données sensibles.
Un exemple : une caméra filmant une manifestation au profit de telle cause politique permet de déduire les opinions des personnes concernées. De même, une zone placée sous caméra peut influencer les comportements, portant du coup atteinte à la liberté d’aller et venir, voire à la liberté d’expression.
Caméras et agents de la police municipales
Dans son avis, constatant que de plus en plus de personnes ont accès à ces flux, la CNIL réclamait d’une part « des garanties fortes » et d’autre part, « des mesures de sécurité adéquates », notamment en matière de traçabilité des accès. Elle ne remettait pas pour autant en cause cette extension.
« Cette nouvelle faculté ouverte aux policiers municipaux nous paraît légitime, mais elle doit évidemment être encadrée » abondait en ce sens le rapporteur Loïc Hervé, par ailleurs membre de la CNIL.
Ces recommandations ont voulu être prises en compte au Sénat, où par exemple, il a été prévu que le décret d’application chargé de fixer les modalités d'application de la vidéoprotection, précisera « les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès aux images ».
Des caméras en centres d'isolement
L’article 20 bis AA a été ajouté en séance sur proposition du gouvernement. Il s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence née au Conseil d’État, où la juridiction administrative avait validé le maintien en surveillance constante (24h24, 7j/7) de Salah Adbelslam. En urgence, le gouvernement avait préalablement accolé un sparadrap législatif dans le projet de loi prorogeant l’état d’urgence.
Cette fois, les élus ont adoubé le principe d’installation de caméra dans les chambres d’isolement des centres de rétention administrative et des cellules de garde à vue.
« Le système de vidéosurveillance permet un contrôle en temps réel de la personne retenue ou placée en garde à vue. Un pare-vue fixé dans la chambre d’isolement ou la cellule de garde à vue garantit l’intimité de la personne tout en permettant la restitution d’images opacifiées. L’emplacement des caméras est visible. Est enregistré dans ces traitements l’ensemble des séquences vidéo provenant de la vidéosurveillance des cellules concernées. Il n’y a ni transmission ni enregistrement sonore » détaille le texte de l’exécutif, adopté sans encombre.
Fait notable, le gouvernement a ajouté une ligne pour préciser qu’ « aucun dispositif biométrique n’est couplé avec ces traitements de vidéosurveillance », alors qu’il s’est opposé à de telles précisions sur les autres caméras.
Mutualisation des équipements communaux
L’article 20 bis A a élargi pour sa part les possibilités de mutualisation des « équipements communaux de vidéoprotection ». « La mutualisation permet d'élargir les espaces surveillés par un même système et des économies substantielles » s’est félicité le rapport de la Commission des lois.
Avec ce texte, un établissement public de coopération intercommunale pourra décider d’acquérir, d’installer et d’entretenir des dispositifs de « vidéoprotection » (nom des caméras installées dans la rue), à condition d’obtenir l’accord de la commune d’implantation.
60 000 caméras à la RATP, 45 000 dans les trains, 14 000 dans les gares
L’article 20 ter autorise les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP à visionner les images des systèmes de vidéoprotection transmis au sein des salles de commandement de l'État. Cette opération se fera « sous le contrôle des services de la police et de la gendarmerie nationales ».
Selon les données fournies par la Commission des lois, la RATP dispose d'environ 60 000 caméras et la SNCF, 45 000 embarquées dans les trains et 14 000 dans les gares.
Cette visualisation par les agents ne concernerait que les images déportées en temps réel dans ces salles de commandement « depuis les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs relevant respectivement de leur compétence, aux seules fins de faciliter la coordination avec ces derniers lors des interventions de leurs services au sein desdits véhicules et emprises ».
Un tel article avait été introduit par le Gouvernement afin de « renforcer la coordination opérationnelle des services de police, de gendarmerie et des services de sécurité de la RATP et de la SNCF ». Les yeux vers l’avenir, « il prépare ainsi la création d'un futur centre de coordination opérationnelle de la sécurité dans les transports d'Île-de-France (CCOS), cofinancé par l'État, la SNCF et Île-de-France mobilité, et qui doit voir le jour à la fin de l'année 2021 ».
Les caméras mobiles
L’article 21 vient rajeunir les finalités et les modalités d'utilisation des caméras mobiles utilisées par les policiers, gendarmes et agents de police municipale. L’article crée un nouveau chapitre dans le Code de la Sécurité intérieure sobrement intitulé « Caméras individuelles ».
Les policiers et gendarmes se verront fournir des caméras qui devront être portées de façon apparente. Un article qui intervient alors qu’un appel d’offres entend généraliser les caméras-piétons au 1er juillet prochain.
« Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre », sachant que le déclenchement de l’enregistrement fera l’objet d’une information des personnes filmées, « sauf si les circonstances l’interdisent ».
Ces images pourront être transmises en temps réel au poste de commandement et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention, du moins si « la sécurité des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale ou la sécurité des biens et des personnes est menacée ».
Les personnes ayant procédé à la captation pourront elles-mêmes avoir accès directement aux enregistrements dans le cadre d’une procédure, « lorsque cette consultation est nécessaire pour faciliter la recherche d’auteurs d’infractions, la prévention d’atteintes imminentes à l’ordre public, le secours aux personnes ou l’établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d’interventions ». Les caméras sont néanmoins équipées de dispositifs techniques « permettant de garantir l’intégrité des enregistrements et la traçabilité des consultations lorsqu’il y est procédé dans le cadre de l’intervention ».
Avec son amendement n° 245 , le groupe communiste avait tenté de raboter les finalités d’usages à la seule lutte « contre le recours illégal à la force, la prévention des violences policières et au contrôle de l’action des agents ».
À l’amendement 114, la sénatrice Esther Benbassa a voulu pour sa part prohiber l’analyse des images « au moyen de dispositifs automatisés de reconnaissance faciale, ainsi que les interconnexions, rapprochements ou mises en relation automatisés des données à caractère personnel issues de ces traitements avec d’autres traitements de données à caractère personnel ».
Reconnaissance faciale pour 15 à 20 millions de personnes dans le TAJ
Cette fois le gouvernement n’a pas plaidé pour cette précision, visant à interdire ces traitements biométriques... Les deux amendements ont été repoussés, non sans que le ministre de l’Intérieur n’indique au fil des échanges que « nous utilisons par exemple déjà la reconnaissance faciale dans le fichier de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) utilisé par la police judiciaire, qui recense quinze à vingt millions de personnes ; la CNIL a accepté ce fichier : des photos y sont enregistrées, elles permettent d’identifier les personnes ».
Au Sénat, une disposition voulue par les députés a été supprimée : celle qui tentait d’autoriser le ministère de l’Intérieur à utiliser ces enregistrements pour nourrir les réseaux sociaux. « Les images captées par la police ont un caractère exclusivement probatoire, et non polémique ou illustratif. Elles ne sauraient donc juridiquement être mises sur le même plan que celles tournées par des journalistes voire de simples particuliers » avait expliqué le rapport de la Commission des lois.
L’article 21 bis a été introduit en séance afin d’autoriser, à titre expérimental durant 3 ans, les gardes champêtres à enregistrer leurs interventions « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées ». Les enregistrements comportant des données à caractère personnel seront effacés au bout de trente jours, sauf engagement d’une procédure.
L'article sur les drones revu et corrigé
Les drones ont pour terrain de décollage l’article 22 de la proposition de loi sur la sécurité globale. Une pièce fondamentale du texte puisqu’il s’agit d’apporter une base légale à ces traitements (visage, plaque d’immatriculation…) après plusieurs désaveux cinglants du Conseil de l’État et une mise en demeure de la CNIL.
- Le Conseil d’État interdit les drones policiers sans autorisation spécifique ou bridage technique
- Le Conseil d'État suspend l’utilisation de drones pour surveiller les manifestations
- Drones : la préfecture de police de Paris échoue à contourner la loi CNIL
- Drones : la CNIL sanctionne le ministère de l’Intérieur pour violation de la loi de 1978
Des décisions intervenues alors que les flottes ne sont pas vraiment neutres : 290 drones à la gendarmerie nationale, 188 drones au sein de la police nationale. Et 25 drones à la Préfecture de Police de Paris.
Les rapporteurs de la PPL sur la Sécurité globale « ont souhaité privilégier une approche équilibrée : ne pas refuser le progrès technique quand il renforce l'efficacité de nos forces de l'ordre, mais toujours vérifier que ces innovations ne menacent pas les libertés publiques auxquelles nos concitoyens sont légitimement attachés ».
Le texte adopté par les Sénateurs interdit la captation du son depuis les drones, mais également « l’analyse des images issues de leurs caméras au moyen de dispositifs automatisés de reconnaissance faciale, ainsi que les interconnexions, rapprochements ou mises en relation automatisés des données à caractère personnel issues de ces traitements avec d’autres traitements de données à caractère personnel ». La prohibition que souhaitaient imposer plusieurs sénateurs pour les caméras mobiles a donc été validée pour les drones.
« Cette manifestation autorisée sera vidéoprotégée par drones »
Le public sera informé « par tout moyen approprié » de l’envol de ces aéronefs équipés de caméra, « sauf lorsque les circonstances l’interdisent ou que cette information entrerait en contradiction avec les objectifs poursuivis ». Selon le ministère de l’Intérieur, les participants à une manifestation pourront être informés « via des panneaux que cette manifestation est surveillée par drones ».
De même, une information « pourrait tout à fait figurer sur le site internet de la préfecture du lieu concerné ». Le ministre a pris un exemple : « le site de la ville de Tourcoing ou celui de la préfecture du Nord pourrait annoncer : "Manifestation du Parti communiste français à Tourcoing : cette manifestation autorisée sera vidéoprotégée par drones" »
Le Sénat a toutefois placé l’usage de ces drones sous un régime d’autorisation préalable (par le préfet ou le procureur, selon les cas). Système qui n’a pas vraiment plu au ministre de l’Intérieur : « Vous comprenez bien que cela va singulièrement compliquer le travail de nos forces de l’ordre, s’il faut une autorisation préalable à chaque utilisation de drones par la police ou la gendarmerie ».
L’amendement du gouvernement qui tentait de redonner une pleine liberté aux gendarmes et policiers a été rejeté. « Je considère que le préfet, en matière de police administrative, et le procureur, en matière de police judiciaire, ont intérêt à avoir connaissance des matériels, dont les forces disposent pour mener des opérations » avait souligné Loïc Hervé, quelques instants plus tôt.
La liste des finalités, et donc des motifs justifiant ces envols et les traitements de données à caractère personnel subséquents, a été revue. Le texte autorise ces aéronefs sans pilote pour :
- Des crimes ou délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure ou égale à cinq ans
- D’autres infractions, lorsque des circonstances liées aux lieux de l’opération rendent particulièrement difficile le recours à d’autres outils de captation d’images ou sont susceptibles d’exposer leurs agents à un danger significatif.
- La sécurité des rassemblements de personnes, mais seulement « lorsque les circonstances font craindre des troubles à l’ordre public d’une particulière gravité » ou que les circonstances rendent particulièrement difficile le recours à d’autres outils de captation d’images ou sont susceptibles d’exposer leurs agents à un danger significatif
- La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats, mais seulement s’ils sont particulièrement exposés à des risques d’intrusion ou de dégradation
- La régulation des flux de transport
- La surveillance des frontières en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier
- Le secours aux personnes
Seuls quatre secteurs échappent à ce régime d’autorisations préalables : la prévention des risques naturels ou technologiques et le secours aux personnes, la lutte contre l’incendie, la protection des installations d’importance vitale (on pense ici aux centrales nucléaires) et la protection des installations militaires. Ces dernières font l’objet d’un chapitre particulier qui n’interdit pas la reconnaissance faciale.
Un amendement a autorisé l’usage de ces drones par la police municipale, dans le cadre d’une expérimentation sur cinq ans, et sur demande initiale du maire de la commune concernée.
Relevons enfin que le texte interdit aux policiers et gendarmes des opérations de captation portant sur l’intérieur des domiciles « ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées ». Un amendement n° 208 entendait interdire la captation à tous les « lieux privés ». Spectre jugé beaucoup trop large par le corapporteur Marc-Philippe Daubresse.
« Les drones peuvent être utilisés – chacun le comprend – dans des cas où l'on a besoin de savoir des choses sur des lieux privés. Je pense par exemple à des situations de prise d'otage : il est évident que la prise d'otage se fait rarement sur la voie publique. Il serait quand même un peu étonnant – vous en serez d'accord – qu'on ne puisse pas utiliser ces possibilités de captation d'images dans le lieu privé où a lieu la prise d'otage » a ajouté dans le même sens Gérarld Darmanin.
Un autre amendement repoussé entendait interdire aux caméras aéroportées utilisées par la police nationale, la gendarmerie nationale ou la préfecture de police de Paris de permettre « l'identification des personnes filmées ».
Même sort funeste pour l’amendement 219 du groupe communiste républicain citoyen et écologiste qui souhaitait prohiber « toute installation de dispositifs d'armement sur les aéronefs ». « Voilà l'amendement Star Wars, comme nous l'avons appelé. On est complètement en dehors du sujet : on instruit des procès d'intention qui ne sont absolument pas fondés », dixit Marc-Philippe Daubresse. « Même avis. C'est le côté obscur de la Force… », a poursuivi le ministre de l’Intérieur.
L'amendement n° 291 du PS (le même groupe qui a porté la loi Renseignement) a également été rejeté sans trop de ménagement. Il tentait d’instaurer un moratoire pour interdire « aux autorités publiques de déployer tout traitement automatisé de recueil de l'image d'une personne par les moyens de la vidéoprotection, des caméras mobiles, des caméras embarquées ou caméras installées sur des aéronefs circulant sans personnes à bord, dans l'espace public, sans le consentement des personnes concernées ».
Des caméras embarquées (bateaux, avions, voitures, ...)
L’article 22 bis vise cette fois les caméras embarquées, dans les véhicules, les bateaux ou les autres aéronefs que les drones. Ces enregistrements seront effacés au bout de trente jours (précisions qui n’apparaissent pas dans l’article précédent). Ici, il n’y a plus de régime d’autorisation préalable. Ces traitements seront autorisés pour :
- prévenir les incidents au cours des interventions,
- faciliter le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves,
- assurer la sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public,
- faciliter la surveillance des littoraux, des eaux intérieures et des zones frontalières
- faciliter le secours aux personnes et la lutte contre l’incendie
réguler les flux de transport.
L’article 22 ter concerne le secteur de la défense et particulièrement, celui des opérations en mer. Il est le fruit d’un amendement du gouvernement (n°385) ayant « pour objectif de faciliter et de sécuriser la conduite des opérations de police en mer impliquant l’utilisation de caméras aéroportées, de caméras embarquées sur les bâtiments et de caméras individuelles. Par ailleurs, il intègre les évolutions attendues de l’emploi croissant des drones en mer au cours des prochaines années ».
Les commandants de bord des aéronefs de l’État « peuvent procéder, au moyen de caméras équipant leur bâtiment ou leur aéronef, à la captation, à l’enregistrement et à la transmission d’images pour faciliter et sécuriser la conduite des opérations ». Le même texte autorise la captation, l’enregistrement et la transmission d’images via des caméras sur drones ou installées sur des navires (bateaux ou sous-marins).
Un autre amendement, jugé d’une « grande complexité » par Gérald Darmanin, a intégré les principes de nécessité et de proportionnalité, obligé la tenue d'un registre, un effacement au bout de 30 jours des enregistrements et l’information générale du public, « sauf si les circonstances l’interdisent ».
v.2 de l'article 24 sur le visage des policiers
Le titre IV de la proposition de loi vise cette fois les forces de sécurité intérieure. Dans le lot des dispositions adoptées, l’article 24 se concentre sur l’obligation de floutage de l’image du visage des policiers.
Un texte adopté après de nombreuses discussions par les députés, mais réécrit par les sénateurs. « La commission l'a entièrement réécrit afin de prévoir un nouveau dispositif ne visant que la provocation à l'identification de ces personnes, ainsi que la constitution de fichiers d'identification » expliquent les deux rapporteurs.
Pourquoi cette réécriture ? La Commission des lois « a considéré qu'il opposait inutilement et de manière délétère la protection des forces de sécurité intérieure et la liberté de la presse. Ceci alors même que, tout en suscitant des inquiétudes légitimes sur le risque que toute captation d'image des forces de l'ordre en opération soit regardée juridiquement comme une diffusion malveillante, cet article ne protégeait pas réellement les forces de l'ordre en opération ».
Que prévoit le nouveau dispositif ? Deux parties composent l’article 24. La première sanctionne la provocation à l'identification, plus que la diffusion d'images elle-même. « L'infraction ne peut donc mettre en cause les journalistes dans le cadre de leurs fonctions ni la liberté d'informer » assurent les sénateurs.
Des chocolats pour les policiers
Ainsi, la provocation, dans un but manifestement malveillant, à l’identification d’un policier, gendarme, agent des douanes, d’un policier municipal sera punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende. Cette infraction s’appliquera quand cette identification concernera le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, le concubin, l’ascendant ou l’enfant d’un de ces agents.
La seconde partie vient réprimer la constitution de fichiers visant des fonctionnaires chargées d'un service public, dans un but malveillant. Cette fois, la peine encourue sera de cinq ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.
« Avec cette nouvelle rédaction, (…) il ne sera plus possible de poursuivre un journaliste, un rédacteur ou une personne sans carte de presse qui filmerait, sur le fondement de la diffusion des images. En revanche, nous instituons un délit de provocation avec intention de nuire, qui sera réprimé plus sévèrement » a témoigné en séance Marc-Philippe Daubresse. Celui-ci a tenu a rassurer : « Filmer un numéro d’identification pour dire que le policier en question vous a sauvé la vie et que vous allez lui offrir des chocolats ne tombe pas sous le coup du délit ».
Examen en CMP lundi prochain
Le texte part maintenant en commission mixte paritaire afin de trouver un arbitrage entre la version votée par les députés et celle des sénateurs. Selon les informations que nous a transmis le Sénat, son examen est prévu lundi 29 mars à 17h30 à l’Assemblée nationale.
Ce que prévoit la proposition de loi Sécurité globale, version Sénat
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Caméras et agents de la police municipales
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Des caméras en centres d'isolement
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Mutualisation des équipements communaux
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60 000 caméras à la RATP, 45 000 dans les trains, 14 000 dans les gares
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Les caméras mobiles
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Reconnaissance faciale pour 15 à 20 millions de personnes dans le TAJ
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L'article sur les drones revu et corrigé
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« Cette manifestation autorisée sera vidéoprotégée par drones »
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Des caméras embarquées (bateaux, avions, voitures, ...)
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v.2 de l'article 24 sur le visage des policiers
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Des chocolats pour les policiers
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Examen en CMP lundi prochain
Commentaires (21)
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Abonnez-vousLe 23/03/2021 à 15h19
Il y a une coquille dans le texte. Vidéosurveillance et non vidéo protection. :)
Le 23/03/2021 à 15h51
J’ai bien ri (jaune). Purée, les mecs ils devraient se reconvertir dans le marketing…
Le 23/03/2021 à 15h53
Le concept de “délit avec intention de nuire” me laisse perplexe…
Comment peut-on juger de l’intention de nuire, de manière formelle ?
Sans tomber dans Minority Report, pour moi un délit c’est un acte que l’on a commis, pas que l’on souhaite commettre. A la limite, s’il y a des menaces par exemple, ça peut caractériser l’intention, mais ça me semble quand même très compliqué à juger comme fait.
En tout cas bon courage au juge qui va gérer la première affaire et définir la première jurisprudence !
Le 23/03/2021 à 15h55
« Filmer un numéro d’identification pour dire que le policier en question
vous a sauvé la vie et que vous allez lui offrir des chocolats ne tombe pas sous
le coup du délit »
Le 23/03/2021 à 16h06
Bof vu que c’est un apprenti dictateur qui gouverne le pays - il décide de tout tout seul - il met en place les briques pour sécuriser sa dictature.
Le 23/03/2021 à 16h35
Le problème de ce genre de loi c’est qu’elles sont très vite mise en application… Avec une virgule flottante bien évidement.
Le 23/03/2021 à 19h44
Je ne pense pas qu’un policier, en tant que fonctionnaire, ait le droit d’accepter, pour lui-même (il peut les proposer dans la cafétéria de son commissariat) des chocolats en reconnaissance d’un acte qu’il a accompli dans le cadre de ses missions et pendant son service.
Cela s’appelle de la corruption.
Le 24/03/2021 à 07h18
N’étant pas en France, je ne suis pas trop les infos françaises. Du coup j’aimerais savoir : ca gueule un peu dans le rue, quand même, pour s’y opposer, ou ca passe crème ?
Le 24/03/2021 à 07h44
A mon avis ca passe et sans vaseline. Sujet complexe , enormement de novlangue . Peu de communication et d’articles de presse et les francais ont d’autres preoccupations en ce moment que de se pencher sur un tel sujet , si un temps soit peu ils s’y interesse.
Le 24/03/2021 à 08h41
SI…la vaccination se passe mal, “le syndrome Hollande”* guette ‘le Macron’ !!!
d’ailleurs, il le dit LUI MÊME–> https://www.estrepublicain.fr/politique/2020/12/04/macron-candidat-en-2022-je-n-exclus-rien-mais-peut-etre-que-je-ne-pourrai-pas
Le 24/03/2021 à 08h09
Ben non, il faut bien se focaliser sur le port du masque, elle est là, la dictature, voyons :-)
Le 24/03/2021 à 11h28
A chaque fois qu’il y a un sondage, on voit que les gens sont très majoritairement pour la vidéosurveillance, et qu’ils en demandent même encore plus :facepalm:
Le 24/03/2021 à 11h49
Globalement, c’est un soufflé qui est retombé. Les médias en ont parlé 2⁄3 jours en mode “ouin ouin l’article va nous brider la liberté de la presse”*
Du coup, des gens sont allés dans la rue, un peu. Il y a eu quelques manifestations sur paris (et d’autres grandes villes).
Il y a même eu des circonstances qui sont arrivées plus ou moins au même moment, et qui auraient pu mettre un sacré bazar : https://www.francetvinfo.fr/politique/proposition-de-loi-sur-la-securite-globale/video-manifestation-a-paris-un-policier-pousse-au-sol-et-lynche-par-des-casseurs_4200085.html
https://www.lexpress.fr/actualite/societe/producteur-de-musique-tabasse-par-la-police-a-paris-ce-que-l-on-sait_2139503.html
Mais c’est comme tout, les gens oublient vite si on ne leur rappelle pas, donc ils ont oublié ce combat . Et comme les médias sont passés à autre chose très vite, poof, plus rien.
Je viens de faire des stats ultra précises et fiables : globalement NXI et numérama en ont parlé pas mal en novembre 2020, depuis quelques jours parce que ça passe au sénat, et quasi rien entre les 2. Alors les médias mainstream…
Maintenant, certaines personnes gueulent, mais chez soi.
Donc en tldr, ça passe crème*
Tchoubzisouslol
* Ce que je ne remet pas en cause. Par contre, je remet en cause le fait qu’ils n’aient parlé QUE de cet article, alors que ce n’est clairement pas le seul dangereux
Bon j’exagère, comme dit par d’autres, le covid/couvre feu/confinement/les fêtes de noël/whatever sont passés par là et a permis de restreindre les manifs.
* On notera que je suis pessimiste/réaliste (au choix), et que je considère que, de base, à partir du moment où le gouv pousse une loi, à moins que ça touche au fric des
péonsfrançais, on est foupoudav.Edit : fix mise en page et typos
Le 24/03/2021 à 12h41
En fait il y a eu une reaction corparatiste des journalistes.
Le 24/03/2021 à 15h15
Même si ça date, la rue essaye de manifester mais ce n’est pas facile
https://www.mediapart.fr/journal/france/030121/comment-les-forces-de-l-ordre-ont-sabote-la-manifestation-du-12-decembre-2020
Le 24/03/2021 à 08h14
Pas qu’en ce moment, c’est toujours comme ca : si la presse généraliste ne s’y intéresse pas, la population ne s’y intéressera pas non plus. Et comme ce n’est pas un suejt vendeur, la presse n’en parlera pas ou peu.
Le 24/03/2021 à 08h40
Je suis d’accord.
Le COVID fait énormément pour détourner l’attention, et ça marche particulièrement bien.
Je pense que dans ce cas il y aurait tolérance, pour une boite de chocolat.
Si tu lui montre ta reconnaissance par des lingots d’or ou un tableau original de Van Gogh , ça serait pas la même chose.
La seconde partie vient réprimer la constitution de fichiers visant des fonctionnaires chargées d’un service public, dans un but malveillant.
Ca, c’est spécifiquement contre des sites tel que copwatch. Mais moi ce qui m’ennuie c’est que si ce genre de sites existent c’est qu’il y a une raison. Le gouvernement n’apporte pas de solution , à part “les policiers sont nos amis, il faut les aimer aussi” . Mouais….
Le 24/03/2021 à 10h14
Le COVID fait énormément pour détourner l’attention...
les gens sont, comme, étourdis (ils ne réagissent, même plus) !
(déjà ‘93 000 morts’) !!!
Le 24/03/2021 à 09h13
La rue ? Tu veux dire cet endroit où on n’a pas le droit d’aller, et encore moins à plusieurs, et encore encore moins pour manifester ?
Ca doit répondre à ta question, et ça me surprend d’ailleurs que tu l’aie posée.
Faut voir. Ancienne blague de Coluche : “Inculpation pour corruption de fonctionnaire : il avait donné un sucre à un chien policier.”
Le 24/03/2021 à 12h49
Ça va passer crème pour la simple et bonne raison qu’a écouter l’homme de la rue notre pays est devenu un véritable coupe gorge ( ce qui n’est pas faux ).
Le 26/03/2021 à 05h12
La question qui fâche est que les limites de vol ne sont pas respectées. Maintenir un semblant d’égalité devant les zones aériennes va être difficile… la sécurité locale est donc un titre plus précis.