La justice administrative refuse de suspendre le déréférencement de Wish.com
Quand l'e-commerce lit le Code
Le 20 décembre 2021 à 09h22
6 min
Droit
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Dans un jugement de référé rendu le 17 décembre, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande introduite par Wish. La plateforme américaine s’opposait à son déréférencement dans les moteurs, ordonné par la DGCCRF suite à une injonction restée sans réponse. Elle réclamait la suspension de cette mesure. En vain.
Le 23 novembre dernier, le service du ministère de l’Économie et des Finances ordonnait aux moteurs Google, Bing mais également aux éditeurs de magasins d’applications de déréférencer la plateforme de e-commerce.
Sur un panel de plus de 140 articles vendus sur Wish, Bercy détectait en mai dernier « la mise en vente d’un grand nombre de produits non conformes et dangereux, avec des taux de dangerosité particulièrement élevés pour certaines familles de produits comme les jouets (95 % non conformes, dont 45 % dangereux), les appareils électriques (95 % non conformes, dont 90 % dangereux) et les bijoux fantaisie (62 % dangereux) ».
Wish avait bien été invité à corriger le tir via une injonction préalable adressée le 15 juillet, mais celle-ci est restée sans effet. « Compte tenu de l’atteinte grave portée à la loyauté des transactions et à l’intérêt des consommateurs », explique la DGCCRF, Google, Bing et Apple ont ainsi été contraints d’apposer un coup de gomme, sous peine d’une amende de 1,25 million d’euros outre l'affichage de la décision prononcée.
Wish a contrattaqué en référé devant le tribunal administratif de Paris, en jouant sur plusieurs leviers pour espérer la suspension de cette mesure à quelques jours des fêtes de fin d'année.
Pour Wish, une mesure disproportionnée
ContextLogic, son éditeur, estime d'abord la mesure disproportionnée, attentatoire à son image et sa réputation, entraînant en outre une atteinte grave à sa situation financière. Une mesure que la société estime anticoncurrentielle. Autant de points justifiant le caractère urgent de la procédure initiée devant la juridiction.
Pour justifier du doute sérieux relatif à la légalité de la décision de la DGCCRF, elle reproche l'absence de débat contradictoire en amont de cette décision. Cette décision de déréférencement souffre également « d’une erreur de droit et d’une erreur de fait » puisque l’injonction du 15 juillet 2021 a fait l’objet d’un recours pendant.
De plus, « le non-respect de cette décision n’est pas établi dès lors qu’elle a supprimé de son site et des applications les mentions relatives à la vérification et à la qualité des produits vendus ». En outre, Wish n’est qu’une plateforme de mise en relation. Elle n’est pas distributeur des produits épinglés. Enfin, l’éditeur conteste la moindre tromperie « sur la nature des produits présents sur le site » ou sur les « risques inhérents à leur utilisation ».
Pas de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité
ContextLogic a soulevé par ailleurs une question prioritaire de constitutionnalité, considérant que l’article L. 521-3-1 du Code de la consommation, qui permet ce déréférencement administratif, est contraire aux articles 4 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : la loi ne serait pas assez précise et le texte porterait une atteinte disproportionnée à la liberté de communication.
D’entrée, le tribunal administratif va rejeter la demande de QPC. « Les garanties entourant la mise en œuvre des dispositions de l’article L. 521-3-1 du code de la consommation sont ainsi de nature à établir un équilibre entre la liberté d’expression et de communication d’une part, et l’intérêt qui s’attache à la protection des consommateurs d’autre part ».
Pour le tribunal, la QPC est de ce fait dépourvue de caractère « sérieux ». Un critère dont l’existence conditionne toute transmission aux neuf Sages, via le Conseil d’État.
Protéger le consommateur des tromperies en ligne
Le « T.A. » rappelle également que l’idée de la législation en cause est de protéger les consommateurs du risque de tromperie, laquelle fait l’objet d’une vaste interdiction dans le Code de la consommation à l’article L.421 - 1. Ces textes n’ont dès lors « ni pour objet ni pour effet de mettre à la charge de la société ContextLogic Inc. le contrôle de la qualité des produits vendus sur le site ». Peu importe en conséquence de s’intéresser à la casquette de Wish puisque l’article L.421 - 1 interdit à « toute personne » de tromper le consommateur :
- « Soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises »
- « Soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat »
- « Soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre ».
Dit autrement, les agents de la DGCRF disposent de l’arme du déréférencement « quelle que soit la qualification juridique de l’activité exercée par la société auteur de l’infraction ». Que l’injonction ait été la cible d’un recours, prévient encore le jugement, ne s’oppose donc pas à ce que la DGCCRF exige le déréférencement, ce recours n’ayant pas d’effet suspensif.
Le déréférencement, une arme non disproportionnée
De la même manière, il balaye le caractère disproportionné de la décision. D’un, la mesure poursuit l’intérêt général de protection des consommateurs. De deux, il est toujours possible de se rendre sur Wish.com. De trois, même si la mesure n’est pas limitée dans le temps, elle prendra nécessairement fin une fois que Wish aura suivi l’injonction ou bien l’aura éventuellement fait annuler.
Le jugement laisse entrevoir une analyse plus pointilleuse si la DGCCRF avait choisi, au lieu du déréférencement, une mesure de blocage ordonnée entre les mains des fournisseurs d’accès. Une autre des possibilités ouvertes par le Code de la consommation (point b du 2° de cet article).
En attendant, avant de rejeter la demande de Wish, il valide l’interprétation de la DGCCRF qui nous avait expliqué que le déréférencement était bien « une réponse proportionnée aux manquements de l'opérateur mis en évidence par l'enquête » afin de «protéger au mieux les consommateurs ».
La justice administrative refuse de suspendre le déréférencement de Wish.com
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Pour Wish, une mesure disproportionnée
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Pas de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité
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Protéger le consommateur des tromperies en ligne
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Le déréférencement, une arme non disproportionnée
Commentaires (15)
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Abonnez-vousLe 20/12/2021 à 09h51
L’avocat était manifestement acheté sur leur site…
Le 20/12/2021 à 10h06
J’avoue, ça ma bien fait rire la boite qui trouve disproportionnée le déréférencement alors que la DGCCRF a trouvé 95% d’objets non conformes dont 45 à 90% sont dangereux selon les catégories…
Le 20/12/2021 à 12h48
Il est bien temps d’appliquer la loi plutôt que d’en pondre de nouvelles encore plus difficiles à appliquer…
Le 20/12/2021 à 13h47
ce n’est pas tant la présence de ces objets que l’absence de réponse de la société. Qui ensuite vient se plaindre de ne pas avoir accès à un “débat contradictoire”.
Pour moi, ça ressemble quand-même pas mal à un foutage de gueule de compét, là !
Le 20/12/2021 à 14h35
Oui pareil, quand on voit le nombre de produits dangereux pour les enfants, rien que la déjà tu dirais 1% c’est trop, mais non ici c’était 60% je crois de tete, un nombre vraiment inaceptable mais pas pour leur avocat par contre.
Le 21/12/2021 à 11h00
La défense de l’avocat me fait bien marrer, très américaine et transpirant l’anti-legislation limitant le commerce pour des raisons “superflues” (tromperie, dangerosité, rien de grave hein ).
A peu près certain que ça ne marchera pas en EU comme “défense”.
Le 21/12/2021 à 11h45
encore mieux: ce déréférencement “nuit à sa réputation”
Le 21/12/2021 à 11h57
Wish, c’est toujours trop chère pour ce que c’est, ce genre de produit ne devrait même pas exister.
Et ce n’est pas la seul marketplace poubelle, sur Cdiscount, Amazon, Alliexpress et consort c’est pareil 99% de camelote et quelques bonnes affaire noyées dans une masse de cochonneries.
Le 21/12/2021 à 12h09
google paramètre de localisation je suis au US ou autre pays et hop le tour est joué
Le 21/12/2021 à 13h16
Si tu sais contourner le déréférencement pour trouver un site sur Google, c’est que tu as pas vraiment besoin de chercher le site sur Google, non ?
Le 21/12/2021 à 14h20
Non ! Le déréférencement est plutôt bien fait au final. Cela ne concerne que la France.
C’est juste un constat rien d’autre.
Le 21/12/2021 à 13h13
Par contre, quand tu tapes “Wish” sur Goole (France), le premier lien qui est donné et celui de l’appli Wish sur Google Play
Il me semblait que la décision de justice portait aussi sur l’appli, non ?
Le 21/12/2021 à 22h55
Il suffit de tapez Wish sur Google et de cliquer sur le lien du site via la page Wikipedia, vous ne pouvez pas le rater, donc même en partant du principe que le lambda n’utilise pas un autre moteur de recherche ou qu’il écrive wish.com dans la barre URL, je ne vois pas bien en quoi ce déréférencement à une quelconque incidence, et vue que Wish n’a pas fourni de réponses, on peut penser qu’ils s’en cognent complètement.
Je ne parle des autres méthodes, comme les liens partagés via les réseaux sociaux, les partages entre amis etc, qui sont je suppose, les méthodes les plus utilisés.
Le 21/12/2021 à 23h03
Edit : Wish a bien répondu, meal cupla pour cette grossière erreur.
Le 22/12/2021 à 08h05
Si je tape wish dans Google, le premier lien est celui pour télécharger l’appli sur le PlayStore…