StreetPress raconte que plus de mille magasins utilisent un logiciel de vidéosurveillance algorithmique vendu par la start-up française Veesion dont la technologie serait pourtant illégale, d'après la Quadrature du net. Créée en 2018 par trois anciens diplômés d’HEC et de Polytechnique, Veesion ferait travailler une centaine de collaborateurs, afin de « lutter contre le fléau du vol à l’étalage » dans les magasins.
La start-up estime que la « démarque inconnue » représenterait une perte cumulée qu'elle estime à 100 milliards d’euros par an dans le monde, dont cinq milliards en France. Des chiffres invérifiables, mais qui attireraient les investisseurs, Veesion ayant levé 10 millions d'euros en 2022.
La start-up, qui avance un taux difficilement vérifiable de 98 % de vols détectés grâce à son IA, a refusé de répondre aux multiples sollicitations de StreetPress, qui s'est donc fait passer pour un responsable de magasins.
À l'en croire, un voleur sur deux serait un client régulier et « moins de 5 % des vols seraient détectés ». Et ce, d'autant qu'il n’y aurait « plus de profils de voleurs », explique son directeur des ventes : « Tout le monde est susceptible de voler, aussi bien des papis et mamies que des enfants, des collaborateurs […] et également des personnes représentantes de l’État. »
Lors d'un webinaire, il a par exemple diffusé la vidéo d’un militaire pris en flagrant délit de vol à l’étalage, cachant le produit derrière son gilet pare-balles, avant d'expliquer avoir récemment « attrapé » une personne ayant caché un produit dans la poussette, « sous le bébé ».
Veesion rappelle également l’ingéniosité des voleurs (« sacs doublés de métal pour passer les portiques, changement d’étiquettes, vol en groupe »), les outils communément utilisés (aimant, brouilleur antivol), et le coût important d’un agent de sécurité (environ 20 euros de l’heure, soit environ 60 à 80.000 euros par an), « qui ne saurait détecter autant de vols qu’une intelligence artificielle », souligne StreetPress.
A contrario, il suffirait de deux heures pour connecter le système Veesion à un réseau de caméras de vidéosurveillance, et permettre aux vigiles de recevoir sur leur compte Telegram le gif animé d'un vol potentiellement identifié par son IA.
Sollicitée, la CNIL indique que les caméras « augmentées » installées dans les magasins pour détecter les vols « devraient être encadrées par un texte pour, notamment, écarter le droit d’opposition des personnes (l’exercice de ce droit apparaissant incompatible avec l’objectif même du dispositif) », et conclut : « Une loi pourrait s’avérer nécessaire. »
Le site web de Veesion, de son côté, précise que sa technologie « analyse uniquement les gestes, jamais les individus », qu'elle « n’utilise ni la reconnaissance faciale, ni le suivi de client, ni l’enregistrement d’identité », et rappelle aux entreprises les démarches à suivre pour « respecter la vie privée des clients tout en assurant leur sécurité ».
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